Katia Leonelli

Question urgente écrite déposée par Katia Leonelli en août 2022

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1780 A

Exposé de la question:

Depuis quelques années, de nouveaux produits permettant l’inhalation de
nicotine par voie orale font régulièrement leur apparition dans les étals de
certains magasins et sur certains sites de vente en ligne. Si la législation sur le
tabac s’est progressivement durcie ces dernières années (interdiction de
fumer à l’intérieur, augmentation du prix, interdiction de la publicité), un
certain flou entoure la vente et la consommation des produits sans tabac
(mais avec nicotine) qui ont vu le jour (p. ex. cigarettes électroniques
jetables/puffs). Un projet de loi est actuellement en discussion, au niveau
fédéral, pour élargir et mettre en place un cadre législatif plus contraignant
pour la vente et l’utilisation des cigarettes électroniques. Celui-ci pourrait
être adopté, au plus tôt, à la mi-2023.

Les efforts consentis pour limiter la consommation de produits issus du
tabac chez les jeunes, ces dernières années, portent gentiment leurs fruits. La
consommation du tabac chez les jeunes (15-24 ans) est, en effet, passée de
43,6% en 1997 à 31,7% en 2017. Ces efforts, en matière sanitaire et
d’addiction, ne doivent pas être réduits à néant par l’apparition de produits 
sans tabac mais avec nicotine. En effet, comme le relatait un article de la RTS, le 21 janvier dernier, le phénomène des « puffs » (ou cigarettes
électroniques jetables) a envahi les cours de récréation.

Le journal Le Temps, le 27 juillet 2021, se faisait également l’écho des
conclusions d’un rapport de l’OMS5 sur la dangerosité des inhalateurs
électroniques. Ce rapport fait état de la dangerosité de la cigarette
électronique et des autres produits semblables pour la santé. Ainsi, l’OMS
invitait les pays à rapidement réglementer ces produits, rappelant que la
nicotine est une substance très addictive. Le rapport soulignait, notamment,
que les fabricants de ces produits ont mis en place des stratégies délibérées
pour attirer les enfants et les adolescents. Or, ces cigarettes jetables, si elles
sont vendues avec des « parfums de confiseries et [des] allures de gadget »,
n’en sont pas moins nocives pour la santé.

Si la cigarette électronique peut, éventuellement, aider un certain nombre
de personnes à abandonner la consommation de produits avec du tabac, elle
ne doit, en aucun cas, être une porte d’entrée pour des addictions chez les
jeunes. L’OMS s’inquiète, notamment, de l’utilisation des cigarettes
électroniques par les moins de 20 ans, en raison notamment des effets
néfastes de la nicotine sur le développement du cerveau et du danger que
peuvent présenter certains ingrédients. L’OMS a aussi estimé que les enfants
qui utilisent ces dispositifs ont plus de chance de consommer des produits
avec du tabac plus tard dans leur vie. Il n’est pas acceptable, en attendant
l’adoption d’une loi fédérale plus stricte sur le sujet, que des mineurs puissent
continuer à acheter des cigarettes électroniques (jetables ou pas), au
détriment de leur santé. Dans l’attente de l’adoption de ce cadre fédéral et en
vertu du principe de précaution, il paraît donc nécessaire de légiférer
immédiatement sur le sujet.

Vu ce qui précède, mes questions au Conseil d’Etat, que je remercie
d’avance de ses réponses, sont les suivantes :

  • Pouvez-vous confirmer que la vente de cigarettes électroniques jetables
    (ou puffs) est interdite aux mineurs (en vertu de l’article 6 alinéa 4 de la
    LTGVEAT (I 2 25)) ?
  • Au vu de l’ampleur prise par le phénomène, est-ce que l’Etat a prévu
    une campagne pour rappeler le cadre légal aux revendeurs ?
  • Pouvez-vous confirmer que la publicité de cigarettes électroniques
    jetables (ou puffs) est interdite (en vertu de l’article 9 alinéa 2 de la
    LPR, « produit assimilé au tabac ») ?
  • Est-ce que l’Etat a prévu des actions auprès des jeunes pour les
    informer des dangers liés à l’utilisation des puffs ?
  • Est-ce que l’Etat a prévu d’interdire l’utilisation des puffs dans les
    cours d’école ?

Réponse du Conseil d’Etat

  • Pouvez-vous confirmer que la vente de cigarettes électroniques jetables (ou puffs) est interdite aux mineurs (en vertu de l’article 6 alinéa 4 de la LTGVEAT (I 2 25)) ?

Oui, nous le confirmons. A Genève, la puff bar est un produit assimilé au tabac soumis à la loi sur la remise à titre gratuit et la vente à l’emporter de boissons alcooliques, de produits du tabac et de produits assimilés au tabac, du 17 janvier 2020 (LTGVEAT; rs/GE I 2 25). Cette loi – dont l’un des buts explicites est de protéger la santé des mineurs (art. 1) – interdit toute vente de produits du tabac et assimilés aux mineurs de moins de 18 ans, ainsi que la remise ou distribution à titre gratuit. Des contrôles réguliers par des achats-tests, prévus par la loi, sont planifiés cette année ainsi que l’an prochain. Des sanctions seront prises à l’égard des commerçants qui violent la loi.

  • Au vu de l’ampleur prise par le phénomène, est-ce que l’Etat a prévu une campagne pour rappeler le cadre légal aux revendeurs ?

Comme rappelé dans l’adresse ci-dessus très étayée, les puffs sont des produits redoutables, dans la mesure où le marketing cible spécifiquement un public très jeune, usant d’incitatifs sensoriels à résonnance ludique et gourmande. Pourtant, leur taux élevé de nicotine en fait un produit très addictif auquel ce public est particulièrement sensible. La direction générale de la santé (DGS) a pris la mesure du problème et les premières dispositions pour y faire face. Cette stratégie implique plusieurs volets, dont l’information à la population via les médias, une communication aux buralistes du canton et une campagne sur les réseaux sociaux. On peut donner pour exemples :
• Un courrier d’information a été envoyé le 20 mai dernier aux titulaires d’une autorisation à vendre du tabac au sens de la LTGVEAT. Ce document rappelle l’interdiction de vente aux mineurs des cigarettes électroniques jetables; il précise également que la violation de cette interdiction est passible de sanctions.
• Une série de posts mettant en garde contre les puffs a été mise en ligne sur les réseaux sociaux par le compte GE-santé, le mercredi 7 septembre 2022.

  • Pouvez-vous confirmer que la publicité de cigarettes électroniques jetables (ou puffs) est interdite (en vertu de l’article 9 alinéa 2 de la LPR, « produit assimilé au tabac ») ?

L’interdiction de la publicité pour les cigarettes électroniques est en effet fondée sur l’article 9, alinéa 2, de la loi sur les procédés de réclame, du 9 juin 2000 (LPR; rs/GE F 3 20). Cette interdiction découle également de l’article 27 – « prévention des dépendances » – de la loi sur la santé, du 7 avril 2006 (LS; rs/GE K 1 03), ainsi que de l’article 46 – « interdiction de publicité en faveur de l’alcool et du tabac » – de la loi sur la restauration, le débit de boissons, l’hébergement et le divertissement, du 19 mars 2015 (LRDBHD; rs/GE I 2 22).
Il existe aussi, au niveau fédéral, un Codex pour la commercialisation de produits du tabac et cigarettes électroniques en Suisse élaboré par l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) et les représentants de l’industrie du tabac en Suisse. Il s’agit d’un engagement pour une meilleure protection des mineurs. Il prévoit la renonciation par les industriels concernés à distribuer et à vendre des cigarettes électroniques et à en faire la publicité aux mineurs.

  • Est-ce que l’Etat a prévu des actions auprès des jeunes pour les informer des dangers liés à l’utilisation des puffs ?

Oui. Le canal privilégié pour informer les jeunes est celui des réseaux sociaux. Il est aussi important d’informer et de sensibiliser les parents, pour qu’ils soient au courant de l’existence de ces produits et de leur nocivité, et qu’ils puissent en discuter avec leurs enfants. Le relais par les médias a ici été privilégié. En vue de développer la prévention notamment auprès des élèves, le service de santé de l’office de l’enfance et de la jeunesse (SSEJ) est actuellement en contact avec le CIPRET pour réfléchir à une campagne d’information. Par ailleurs, le SSEJ va intégrer dans ses cours d’éducation à la santé, et ce dès la fin de l’école primaire, la préoccupation liée à l’usage des puffs au même titre que la e-cigarette et autres dérivés du tabac ou assimilés. Enfin, le SSEJ étudie sous quelle forme une information aux parents pourrait être effectuée sur ce thème.

  • Est-ce que l’Etat a prévu d’interdire l’utilisation des puffs dans les cours d’école ?

C’est déjà le cas. En effet, la loi à Genève assimile les cigarettes électroniques au tabac et les mesures prises pour protéger les mineurs s’y appliquent. Il est interdit de fumer tant des cigarettes que des cigarettes électroniques dans les périmètres scolaires et alentours. Une note d’information aux directions d’établissement concernant les puff bars a déjà été diffusée par le SSEJ afin que le personnel encadrant les élèves contribue à la veille et au repérage, et qu’une intervention collective ou ciblée soit mise en oeuvre, le cas échéant.