Sophie Desbiolles

Question urgente écrite déposée par Sophie Desbiolles en août 2022

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1781 A

Exposé de la question:

L’article de la Tribune de Genève, paru le mercredi 17 août 2022, fait
état d’une plus grande attention de la part de nos concitoyen-ne-s face à des
cas de maltraitance animale et d’une prise en charge par les services
concernés.

Néanmoins, pour approfondir la thématique de la maltraitance animale,
nous aimerions que le Conseil d’Etat réponde à ces questions :

  • L’article indique que le SCAV ne prend pas en compte les
    dénonciations anonymes. Celles-ci pourraient pourtant se révéler
    pertinentes. Le SCAV a-t-il des critères plus précis pour juger de la
    gravité et de la véracité de la plainte autre que le fait qu’elle provienne
    d’une source anonyme ?

En matière de protection animale, les cantons de Berne, Zurich,
Saint-Gall et Argovie ont créé des structures spécifiquement conçues pour
poursuivre les auteurs de mauvais traitements sur les animaux. Le canton des
Grisons a mis en place des structures d’exécution où le service spécialisé
dans la protection des animaux de l’office cantonal de la sécurité alimentaire
et de la santé animale travaille en étroite collaboration avec, notamment, les
vétérinaires officiels et les agents de la police régionale et municipale. Pour
finir, une commission d’enquête dans le canton de Thurgovie, suite à un
scandale de maltraitance animale, a recommandé la création d’un service spécialisé chargé des délits en matière de protection des animaux au sein de
la police cantonale et de confier les procédures à des procureur-e-s
spécialisé-e-s.

A ce titre, et pour continuer à oeuvrer pour le bien-être animal, le
Conseil d’Etat prévoit-il :

  • de créer un poste de préposé-e à la lutte contre la maltraitance animale
    qui interviendrait comme partie dans les procédures judiciaires ?
  • de mettre sur pied un cours de sensibilisation à la lutte contre la
    maltraitance animale pour l’ensemble des corps de métier travaillant
    avec des animaux ?
  • d’augmenter la part des contrôles inopinés relatifs au bien-être animal
    dans les exploitations ?
  • de veiller à faire respecter l’obligation de communication des cas
    (ordonnances pénales dans leur intégralité) concernant la pratique
    pénale en matière de protection des animaux à l’OFAG ?
  • d’envisager la création d’un service spécialisé pour la protection des
    animaux domestiques et sauvages au sein de la police cantonale ?
  • d’améliorer la coordination entre le service du vétérinaire cantonal avec
    les services compétents de la police cantonale, ainsi que d’assurer la
    bonne coopération de ces services avec les autorités de poursuite
    pénale ?

La Prévention suisse de la criminalité (PSC) a publié un article en 20192
où elle indique qu’« Il n’est pas rare que les services compétents maîtrisent
mal les dispositions légales pertinentes, d’où une pratique pénale lacunaire
et disparate » et ajoute que « les personnes qui composent les instances
névralgiques – en particulier la police, les ministères publics et les
tribunaux, ainsi que les services vétérinaires cantonaux – devraient disposer
des compétences requises ; il est donc essentiel qu’elles suivent une
formation approfondie en droit des animaux ».

  • Qu’en est-il à Genève ? Une telle formation est-elle déjà en vigueur ?

Réponse du Conseil d’Etat

  • L’article indique que le SCAV ne prend pas en compte les dénonciations anonymes. Celles-ci pourraient pourtant se révéler pertinentes. Le SCAV a-t-il des critères plus précis pour juger de la gravité et de la véracité de la plainte autre que le fait qu’elle provienne d’une source anonyme ?
    La non-entrée en matière sur des dénonciations anonymes est une règle générale de l’administration cantonale et n’est pas propre au service concerné (article 10A de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA; rs/GE E 5 10)). Elle permet d’éviter des enquêtes dispendieuses en ressources et en temps sur la base d’informations souvent peu pertinentes, malveillantes et sans source avérée.

A ce titre, et pour continuer à oeuvrer pour le bien-être animal, le Conseil d’Etat prévoit-il :

  • de créer un poste de préposé-e à la lutte contre la maltraitance animale qui interviendrait comme partie dans les procédures judiciaires ?

La création d’un poste de préposée ou de préposé à la lutte contre la maltraitance a été étudiée de façon approfondie par le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : département) en 2020 afin de permettre à une association de protection des animaux à Genève de pouvoir intervenir comme partie dans les procédures pénales. Deux éléments ont conduit le département à renoncer à la création de cette fonction : Premièrement, un arrêt du Tribunal fédéral (Urteil 6B_1060/2017) a débouté l’autorité vétérinaire du canton de Berne qui déléguait cette mission à une association de protection des animaux pour la raison que cette dernière poursuivait un but autre que celui de sauvegarder l’intérêt public. Deuxièmement, la qualité de partie dans les procédures pénales fait sens dans des cantons où le pouvoir pénal est réparti entre plusieurs ministères publics (ci-après : MP) régionaux, ceci afin de pouvoir contester une certaine iniquité lors de jugements des différentes autorités judiciaires régionales d’un même canton. Or, à Genève, un seul et unique MP traite des délits causés aux animaux. Il y a donc un intérêt plus grand pour la protection des animaux à ce que l’administration puisse collaborer pleinement, en tant qu’expert avec le MP, dans l’établissement des faits plutôt que d’être considérée comme une partie aux procédures.

  • de mettre sur pied un cours de sensibilisation à la lutte contre la maltraitance animale pour l’ensemble des corps de métier travaillant avec des animaux ?

Un cours de sensibilisation organisé par l’Etat pour les professionnels travaillant avec des animaux n’aurait de sens que s’il y avait une obligation d’annonce. Malheureusement, la législation suisse ne prévoit pas d’annonce obligatoire en cas de suspicion de maltraitance envers un animal. Une telle sensibilisation devrait dès lors être entreprise sur l’initiative des professionnels concernés.
Par ailleurs, au Ministère public, le procureur général a désigné depuis plusieurs années un procureur spécialisé en matière de droit de l’environnement et de maltraitance animale, ce qui lui a permis d’acquérir et de développer des compétences utiles dans ces domaines.

  • d’augmenter la part des contrôles inopinés relatifs au bien-être animal dans les exploitations ?

Augmenter le taux de contrôle des exploitations agricoles ne produirait que peu d’effets sur le bien-être des animaux, car à Genève, 80% des annonces reçues concernent des suspicions de maltraitance sur des animaux de compagnie. Le service de la consommation et des affaires vétérinaires (ci-après : SCAV) de la direction générale de la santé a réalisé en 2021 50% de ses contrôles de manière inopinée, soit au-delà des 40% exigés par la législation sur la protection des animaux.

  • de veiller à faire respecter l’obligation de communication des cas (ordonnances pénales dans leur intégralité) concernant la pratique pénale en matière de protection des animaux à l’OFAG ?

L’obligation d’annonce des jugements pénaux et des décisions de classement rendus en vertu de la législation sur la protection des animaux par les autorités cantonales à l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV) est fixée à l’article 212b de l’Ordonnance sur la protection des animaux, du 23 avril 2008 (OPAn; RS 455.1). Le SCAV a étroitement collaboré avec le service des contraventions en 2016 afin d’assurer la procédure d’annonce, et cette obligation est depuis respectée.

  • d’envisager la création d’un service spécialisé pour la protection des animaux domestiques et sauvages au sein de la police cantonale ?

Actuellement, les infractions contre les animaux sont traitées de manière décentralisée, à savoir par la police judiciaire, en l’occurrence la brigade des moeurs, pour ce qui est des infractions graves, et police-secours pour les autres délits contraventionnels de moindre gravité.
Néanmoins, ce type d’affaire sera prochainement centralisé à la police de proximité, respectivement au sein de la brigade équestre, dès sa mise en oeuvre effective prévue au début 2023. L’inspectrice de la brigade des moeurs rejoindra ce nouveau pôle judiciaire spécialisé en la matière, lequel sera renforcé ultérieurement par 2 autres inspecteurs de la police judiciaire, et ce afin d’apporter une expertise judiciaire pour les enquêtes liées à la maltraitance animale.

  • d’améliorer la coordination entre le service du vétérinaire cantonal avec les services compétents de la police cantonale, ainsi que d’assurer la bonne coopération de ces services avec les autorités de poursuite pénale ?

La collaboration entre services est aussi étroite que le permet le respect de la protection des données, et la coordination entre les différents acteurs est actuellement considérée comme bonne. Notamment, le canton de Genève bénéficie d’une proximité du service vétérinaire avec la police judiciaire pour des enquêtes préliminaires.

  • Qu’en est-il à Genève ? Une telle formation est-elle déjà en vigueur ?

La désignation au Ministère public d’un procureur spécialisé notamment en matière de maltraitance animale permet une étroite collaboration dans ces dossiers avec la police judiciaire, ce qui est assez unique en Suisse.
Enfin, une délégation de vétérinaires cantonaux, dont fait partie Genève, a créé en 2020 un manuel d’exécution du droit sur la protection des animaux afin d’accompagner les différents collaborateurs des services vétérinaires dans les procédures administratives et pénales liées aux infractions à la protection des animaux.