[QUE] Antenna : l’aide au développement sous emprise ?

Pierre Eckert
Question urgente écrite déposée par Pierre Eckert en avril 2024
Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 2048 A
Exposé de la question:
Antenna est une association puis une fondation dont l’activité s’est développée à partir de 1989. Ses missions pour les populations des pays les moins favorisés étaient claires et bien établies. Un article récent de Heidi News au titre évocateur https://www.heidi.news/suisse/quand-une-fondation-pour-les-plus-pauvres-licencie-et-achete-une-jolie-villa-a-geneve jette toutefois de larges zones d’ombre sur la restructuration récente de cette fondation. L’Etat de Genève y est impliqué à double titre. D’abord en tant que donateur mentionné dans de nombreux rapports annuels. Puis par la présence d’un fonctionnaire attaché aux affaires internationales du DF qui est devenu président du Conseil de fondation et dont le nom est mentionné dans l’article de Heidi News.
La fondation Antenna s’est donnée pour mission de développer et transférer des technologies simples et bon marché pour les besoins essentiels des populations les plus pauvres des pays en développement, notamment en Afrique. Ainsi, la fondation a réussi à introduire des procédés low-tech pour produire par exemple de l’eau potable ou de la spiruline. Elle a également implémenté des mécanismes de microcrédit. Elle collaborait à ces fins largement avec des universités en Suisse, en Afrique, en Asie.
Depuis 2011, Antenna est devenue une fondation de droit suisse reconnue d’utilité publique. Ses projets recevaient le soutien financier de donateurs privés, mais aussi d’instances publiques comme la Direction fédérale du développement et de la coopération (DDC) ou la Direction des Affaires internationales du Canton de Genève ainsi que des Communes genevoises dont la ville de Genève.
Sans entrer dans les détails, la transition entre la direction historique de Denis von der Weid qui souhaitait passer la main et un conseil de Fondation entièrement renouvelé s’est mal passée : démissions en chaîne au conseil de fondation, procédures judiciaires et licenciement collectif (une équipe optimisée selon le rapport annuel 2022 !). Le personnel scientifique a en effet été mis à la porte, compromettant ainsi la réalisation des projets et le respect des engagements pris. Les statuts de la fondation ont ainsi été bafoués.
En même temps, le capital résultant des mouvements de cette transition a été en bonne partie absorbé par l’achat d’une belle villa disposant de 3’300 mètres carrés de terrain à Lancy (3 chemin des Liserons) pour une somme de l’ordre de 3.5 millions de francs. On voit ici que l’on s’éloigne passablement des « besoins essentiels de populations en situation d’extrême pauvreté ». Sans entrer dans le débat de savoir si une villa et un terrain au bord de l’Aire sont les endroits idéaux pour entreprendre des expérimentations d’agroécologie tropicale, on peut tout de même se poser passablement de questions sur la pertinence de l’utilisation du capital.
Une partie de ces faits a été dénoncée à l’autorité de surveillance, d’abord l’Autorité de Surveillance des Fondations (ASF), puis au Tribunal administratif fédéral (TAF) dont la réponse est attendue.
Sans empiéter sur les procédures judiciaires en cours, on peut s’interroger sur la partie publique de la gestion de cette fondation, puisque Antenna est reconnue d’utilité publique et est soutenue (ou a été soutenue) par l’Etat de Genève et la ville de Genève. Ce qui m’amène aux questions suivantes.
- A partir de quand et jusqu’à quand l’Etat de Genève a-t-il soutenu financièrement la fondation Antenna ? Pour quels montants ?
- Le Conseil d’Etat estime-t-il que l’achat d’une villa et le licenciement d’une bonne partie du personnel sont compatibles avec le statut d’une fondation d’utilité publique d’aide au développement ?
- Est-ce que le Conseil d’Etat est au courant qu’un fonctionnaire de l’Etat attaché aux affaires internationales (devenu président de cette fondation) est directement impliqué cette opération de reprise, qui vue de l’extérieur ne peut être considérée que comme une prise de contrôle inamicale et destructrice d’un capital de compétences et de connaissances ?
- Est-il autorisé qu’une fondation pilotée par un fonctionnaire de l’Etat puisse être soutenue financièrement par ce même Etat ?
- Quelles mesures le gouvernement pense-t-il entreprendre pour que la Fondation puisse respecter ses engagements et se remettre à fournir aux populations démunies les prestations qu’elles attendent et dont elles ont besoin vital ?