Analyse de situation

Alors que les Verts attendaient un budget orienté sur l’objectif de neutralité carbone en 2050 (60% en 2030), le budget 2020 ne tient que peu compte de l’urgence climatique. Il est la réplique des budgets des 10 dernières années, avec quelques aménagements dus à une baisse probablement drastique des recettes. Le budget 2020 présenté par le Conseil d’État tablait sur un déficit de fonctionnement de 585 millions de francs. Cette perspective négative était surtout la conséquence de trois nouveautés introduites en 2019 : 1) une perte de revenu sur l’imposition des personnes morales de l’ordre de 103 millions de francs suite à la réforme de l’imposition des entreprises RFFA ; 2) une dépense supplémentaire de 213 millions de francs dévolue à la recapitalisation de la CPEG ; 3) une dépense supplémentaire de 176 millions de francs pour les subventions à l’assurance maladie issues du contreprojet à l’initiative 170.

La crise économique causée par la réponse à la pandémie Covid-19, et les engagements budgétaires de l’État pour pallier ses conséquences les plus dramatiques vont très certainement péjorer ce résultat lors de la clôture des comptes 2020. D’une part, une partie des contribuables s’est vue dans l’incapacité de travailler (indépendants), a été licenciée ou placée en chômage partiel. Leurs revenus seront très probablement en diminution si bien que l’on attend des recettes fiscales PP en baisse. Pour ce qui est de l’impôt PM, l’estimation est plus difficile sachant que la plus grande partie de l’impôt est versée par un petit nombre d’entreprises, sur lesquelles l’impact de la crise est difficile à prévoir (banques, assurances, informatique, négoce, etc.) Il est toutefois très probable qu’un nombre important de faillites doive être constaté, vraisemblablement sur des entreprises qui ne contribuaient pas de façon significative à l’impôt sur le bénéfice. Les projections du DF montrent toutefois des rentrées fiscales PM en baisse également.

L’augmentation du chômage et la paupérisation de la population contribueront certainement sur le plan des charges à augmenter notablement les prestations sociales financées par l’État. Le soutien ponctuel à certains secteurs économiques conduira également à augmenter le déficit sur les comptes 2020. Les projections courantes estiment le déficit 2020 autour du milliard de francs.

Pour ce qui est du budget 2021, il est fort probable qu’un certain nombre des effets constatés sur les comptes 2020 persistent, notamment la diminution des recettes et l’augmentation des charges en matière d’aide sociale. Il est également illusoire de penser que le fameux effet dynamique sur les recettes PM promis lors de l’épisode RFFA se fasse ressentir. De façon « mécanique », le budget 2021 présenterait donc un déficit voisin de 800 millions de francs.

Position générale des Vert.e.s sur la politique budgétaire

Les Vert.e.s pensent que le budget présenté non seulement aggrave la crise climatique, mais il nous conduit de surcroît à une catastrophe financière, qui empêchera d’atteindre les objectifs de réduction carbone en 2030 et en 2050. La crise doit être une opportunité que nous ne pouvons pas nous permettre de manquer. Nous ne pouvons pas relancer la machine économique ou faire face à l’urgence sociale avec les mêmes outils que par le passé, sans précipiter la catastrophe écologique et sociale. Les Verts demandent donc à ce que l’ensemble des futurs budgets, y compris le budget 2021, soit revu, politique publique par politique publique, afin que le Conseil d’État nous présente des choix sur ce qui doit être maintenu et renforcé et ce qui doit être abandonné, car jugé délétère pour le plan climatique et incompatible avec l’objectif de neutralité carbone.

Nous sommes toutefois convaincus que tout ne pourra être résolu sur un seul budget. Le budget 2021 doit donner une première orientation, mais nous resterons aussi bien attentifs au plan quadriennal de fonctionnement et au plan décennal d’investissement, où les nouvelles orientations doivent devenir extrêmement visibles.

Les Vert.e.s sont en faveur du renforcement des prestations de l’État dans cette phase difficile liée à la crise économique présente et probablement à venir. Plus que jamais, le rôle de l’État est de soutenir les plus vulnérables qui sont aussi les plus touchés par la crise qui se trouve en grande partie devant nous. Nous assumons donc temporairement un niveau élevé des charges de l’État. Mais il faut mettre en place d’autres politiques économiques structurelles. Les Vert.e.s proposent d’introduire rapidement un RBI ou d’un RTE (sous la forme par exemple d’un impôt négatif ou par la mise en place d’une monnaie locale qui renforcerait la souveraineté et la sécurité alimentaires, ainsi que les circuits courts et l’économie circulaire). Cela permettrait tout à la fois de répondre à l’urgence sociale, de simplifier une bureaucratie fort coûteuse et d’orienter l’économie vers la transition écologique. Au lieu de subir une décroissance délétère de notre économie et d’entrer dans des décennies d’endettement, il faut mettre en place les politiques de relance ciblées sur les circuits économiques vertueux et durables.

Tout autant pour le budget d’investissements, que pour le budget de fonctionnement, il est du rôle de l’État de donner de nouvelles impulsions aux activités renforçant la résilience de la société, et sa transition vers une économie durable, notamment dans les secteurs de l’agriculture, de la santé, de l’énergie, de la construction, du numérique (protection de données personnelles, connexions filaires pour éviter la 5G).

On se rapportera aussi au New Green Deal promu par les Vert.e.s suisses : New Green Deal

Nous appelons à une ambitieuse politique d’investissements de la part de l’État, afin de soutenir la transition énergétique, numérique, sociale et agricole de la société. Nous demandons des investissements de l’ordre de 10 à 20 milliards de francs sur 10 ans. Il faut aussi remarquer que de nombreux investissements qui nous semblent aujourd’hui nécessaires pour répondre aux exigences économiques et sociales du modèle de développement actuel, seraient complètement inutiles voire contre-productifs s’ils ne correspondraient pas à la transition vers une société durable post-carbone.

La rénovation énergétique des bâtiments recueillera la priorité, car elle présente un potentiel élevé pour réduction de 60% d’émission de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 (voir à ce propos le rapport de Noé 21 commandé par les Vert.e.s genevois.e « Urgence climatique : Diminuer de 60% les émissions de CO2 à Genève d’ici 2030 » (Rapport Noé 21).

Les Vert.e.s demandent également que soient développés les réseaux de chaleur, mais la réalisation de ce programme ambitieux a été attribué aux SIG, si bien que les investissements ne doivent pas être inscrits dans le budget de l’État.

Pour ce qui concerne la mobilité, la priorité est de réduire la mobilité obligée. Cet objectif doit être poursuivi par une utilisation accrue du télétravail (à adapter selon des professions et les cultures d’entreprises) et la mise en place de circuit d’épiceries ou de petits commerces de quartiers. Pour ce qui est de la mobilité restante, les investissements seront priorisés en direction de la mobilité douce et décarbonée. On favorisera aussi l’extension du réseau ferroviaire en ayant recours à des préfinancements, tout comme cela a été le cas à Zurich. Les investissements de loisirs, coûteux en énergie, comme par exemple la nouvelle patinoire, devront être postériorisés. La relance des activités de l’aéroport sera subordonnée à un modèle d’affaires limitant le trafic au minimum, utile aux activités du bassin genevois et tenant compte de ses organisations internationales.

Du point de vue budgétaire, les investissements réalisés sur des objets utilisés pour les besoins de l’État (administration, écoles) passeront dans les amortissements et affecteront donc les budgets pendant un nombre conséquent d’années. Ils créeront toutefois de la valeur au bilan. À ne pas négliger non plus : la rénovation énergétique abaissera fortement les charges énergétiques. Une augmentation de la dette pour générer des investissements dans le domaine de la durabilité est donc acceptable. A l’inverse, les Vert.e.s jugent inacceptables des investissements dans les domaines qui péjorent le bilan carbone.

Le rôle exemplaire de l’État est également essentiel pour soutenir la transition énergétique et écologique du domaine privé, par exemple en levant des emprunts verts. Les Vert.e.s incitent par exemple l’État à émettre des obligations à longue durée (voir par exemple l’article du Temps du 5 juillet : « Emprunter à 100 ans, la nouvelle tentation des Etats »). Les crédits ainsi générés s’ajouteront avantageusement au produits issus de la taxe carbone fédérale. Nous revendiquons également la mise à disposition des bénéfices de la BNS à cet effet.

Enfin, l’État pourrait être bienvenu d’étudier des solution plus innovantes, comme l’introduction d’un crédit mutualisé, à l’instar de celui qui a été mis en place par Monnaie Léman, système qui permet d’ouvrir des lignes de crédits sans intérêt et sans terme ni échéance de remboursement. De plus, en acceptant de recevoir le paiement de taxes ou d’impôts en Léman, l’État stimulerait la relocalisation et la résilience des petites et moyennes entreprises genevoises, ce qui limiterait les faillites (dues au manque de liquidités), et ce qui augmenterait en retour les recettes fiscales (voir par exemple: Ne recommençons pas comme avant).

Autant il nous parait qu’un certain endettement lié aux investissements dans le domaine de la transition est acceptable, autant, dans une perspective de durabilité, il nous parait important de pouvoir équilibrer les budgets de fonctionnement futurs, une fois que les effets de la crise économique liée à la gestion de la COVID seront estompés, c’est-à-dire pas avant quelques années. Dans la perspective d’un nouvel équilibre économique, les Vert.e.s demandent au Conseil d’État d’agir à la fois sur les produits et sur les charges.

Principes budgétaires

Produits

La fiscalité des personnes morales et sur la consommation doit être revue dans l’objectif de favoriser la transition écologique tout en offrant de meilleures conditions sociales à l’ensemble de la population. Cette fiscalité peut être déclinée en terme d’impôt sur le bénéfice ou de taxes. L’impôt sur le bénéfice a été fixé à 13.99% (taux bien trop bas, les Vert.e.s ayant proposé 16%) lors de la votation RFFA de 2019. Les Vert.e.s proposent de remettre l’ouvrage sur le métier. Nous pourrions même aller vers un taux d’imposition supérieur à 16%, mais, en compensation, certaines déductions incitatives doivent être imaginées, par exemple sur la décarbonation du portefeuille, les investissements dans la biodiversité ou la mise en place de crèches ou de services sociaux plus généralement. Nous travaillerons également sur les taxes, par exemple sur la consommation, le type de véhicule, l’environnement, la relocalisation des prestations… Nous entrons aussi en matière sur la réévaluation fiscale des biens immobiliers, ainsi qu’une imposition des GAFAM + Uber + Netflix, qui échappent pour l’instant à toute fiscalisation sérieuse malgré une emprise tentaculaire les marchés locaux, qu’ils contribuent à démanteler.

Les Vert.e.s demandent au Conseil d’État de mettre en place une fiscalité orientée vers la transition écologique. Les recettes globales liées à ce type de fiscalité augmenteront éventuellement dans un premier temps, mais au fur et à mesure que les pratiques correspondront aux comportements souhaités, les effets deviendront neutres par rapport à la situation antérieure.

Pour ce qui est des personnes physiques, nous ne voyons actuellement que peu d’adaptations. La progressivité de l’impôt sur les plus gros revenus et sur les plus grosses fortunes devrait toutefois être revue à la hausse. Les Vert.e.s demandent également un moratoire sur le bouclier fiscal.

Charges

La priorité à moyen terme doit être donnée à la formation pratique (initiale et continue, en cours d’emploi) aux métiers de la transition écologique, afin de l’orienter vers les domaines prioritaires liés à la rénovation énergétique des bâtiments, aux énergies renouvelables à l’agriculture durable et à la biodiversité. Les Verts proposent qu’un fonds initial de 5 millions soit dévolu à cette politique. Il devrait être cogéré par le DIP et la promotion économique du DES.

Pour que chaque ligne budgétaire puisse être examinée à l’aune de la mise en œuvre du plan climat, les député.e.s et la société civile ont besoin d’outils de suivi simples et efficients. Les Vert.e.s demandent la mise en place d’un écobudget (un écobudget permet de suivre sur un rythme annuel l’évolution des critères de durabilité, et notamment l’impact carbone des politiques publiques sur le territoire du Canton sur la base d’indicateurs environnementaux). Cet outil doit être mis en place, piloté par le département des finances, les résultats devront être intégrés à la présentation des comptes et des budgets. Par ailleurs, l’État doit montrer l’exemple et renforcer le système de management environnemental de sa propre administration.

Spécifiquement pour le budget 2021

  1. Renforcement de la transition écologique :
    • Augmentation des postes et des charges de prestations liées au projet d’agglomération, notamment la mobilité douce et l’environnement.
    • Renforcement de l’aide à l’agriculture afin pour faciliter la reprise des exploitations par la nouvelle génération, de développer la sécurité et la souveraineté alimentaires, d’encourager la diversité des exploitations et de diminuer les usages de produits phytosanitaires.
    • Augmentation massive des investissements liés à la rénovation énergétique des bâtiments.
    • Soutien à la formation dans les domaines liés à la transition, notamment pour les apprentis.
  2. Mise à niveau des aides sociales à hauteur des besoins liés à la crise COVID.
  3. Maintien des prestations de santé publique.
  4. Révision de la politique d’incarcération en développant des mesures alternatives afin d’abaisser les charges de fonctionnement et les investissements en matière de détention (cf. la motion M 2666  pour une politique pénitentiaire humaine, cohérente et économique).
  5. Personnel de l’État :
    • Les Vert.e.s reconnaissent le rôle prépondérant de la fonction publique pour sortir de la crise sanitaire et dans la nécessaire transition. Non à la coupe linéaire de 1% proposée et finalement abandonnée par le Conseil d’État. Les autres mesures salariales (annuité, renchérissement, cotisation CPEG) devront être négociées avec les partenaires sociaux.
    • Priorisation de certains postes afin de maintenir et développer les prestations (enseignement, agriculture, biodiversité, …) et accompagner la transition : oui, il est important pour les Vert.e.s de maintenir voire d’étendre les prestations dans les domaines clefs et de les stabiliser dans les autres domaines.
  6. Suspension temporaire du frein au déficit et au frein à l’endettement: oui, selon les principes énoncés sous la rubrique de position générale.
  7. Soutien aux projets de loi consistant à suspendre temporairement le bouclier fiscal
  8. Soutien aux projets de loi consistant à suspendre temporairement les forfaits fiscaux.
  9. Soutien à une hausse temporaire de l’impôt sur les revenus élevés.
  10. Diminution du reporting et du controlling dans les services de l’État afin de diminuer certains coûts et accroitre la motivation du personnel.