De Kaboul à Onex, contre les inégalités
Par Maryam Yunus Ebener, conseillère administrative Onex, texte paru dans le magazine Greenfo des Vert-e-s suisses de novembre 2021.
Née à Kaboul en 1974, je suis arrivée à Genève en tant que réfugiée politique en 1982, suite à l’invasion soviétique en Afghanistan. Membre des VERT-E-S depuis plus de 20 ans, j’ai été élue en 2020 au Conseil administratif de la Ville d’Onex, où je suis en charge du service de l’aménagement, de l’environnement et du sport.
De mon enfance en Afghanistan, je ne garde que des souvenirs paisibles, en particulier la lumière vive et les sommets enneigés de Kaboul, située à 1800 mètres d’altitude.
Ma famille et moi avons été reçus avec beaucoup d’égard par notre pays d’accueil. Pour nous, l’intégration devait être le moyen privilégié pour réussir ce nouveau départ. L’apprentissage de la langue, la formation et les relations sociales ont été soutenus et facilités par mes parents. J’ai été rapidement séduite par le mode de vie des Suissesses et des Suisses, leur système politique et surtout leur attachement à la liberté.
La politique étant très présente dans les discussions familiales, j’ai eu envie de participer pleinement au destin de la collectivité qui m’avait accueillie.
Logeant au centre-ville de Genève, l’emprise des voitures sur l’espace public et la vie des gens était marquante. Alors que de nombreuses familles ne possédaient pas de véhicules motorisés, c’était systématiquement les moins bien logé-e-s qui en subissaient les conséquences les plus négatives. Cette forme d’injustice sociale, liée à l’inégale exposition aux risques environnementaux en fonction des catégories socio-économiques, est particulièrement marquée dans le cas du réchauffement climatique, et est à l’origine de mon engagement politique chez les VERT-E-S.
Membre de l’exécutif de la ville d’Onex, la proximité avec la population et la possibilité de répondre concrètement à ses préoccupations est ma principale source de motivation. J’aimerais rompre avec les dichotomies paralysantes entre ville et campagne, et montrer que nature et êtres humains peuvent cohabiter durablement, et en harmonie.
En 1999, je suis retournée à Kaboul pour voir mon grand-père. Les femmes et les filles que j’avais alors rencontrées n’avaient accès ni aux soins, ni à l’éducation, ni même aux espaces publics. De moi, même sous la burqa, on reconnaissait une étrangère, parce que ma posture était trop droite. Dans le bazar de Kaboul, même dissimulée en totalité, je ne me suis jamais sentie aussi nue que sous cette prison de tissu, tellement les hommes, talibans ou pas, me dévisageaient. Une fois, alors que j’avais simplement levé le bas de mon pantalon pour me gratter la cheville, la vie s’est arrêtée autour de moi, et tous les yeux masculins ont fixé en silence ce morceau de peau. Aujourd’hui, les femmes afghanes s’apprêtent à vivre au quotidien ces expériences, typiques des sociétés qui répriment la sexualité des filles. Cette idée m’enrage. Accueillons-les !