Débat au Grand Conseil: au jeu des initiatives, on joue à qui perd gagne!
Syndicats et associations écologistes ont déployé leurs banderoles face à l’Hôtel de ville. Impossible d’ignorer leurs appels à soutenir leurs initiatives, « 1000 emplois » pour les syndicats et « Climat urbain » pour les associations écologistes et d’habitant-e-s qui seront traités, lors de la session parlementaire. Un constat s’impose: la société se manifeste avec enthousiasme et en nombre pour défendre les idéaux écologistes et sociaux.
Syndicats et associations au front
Des syndicats et associations écologistes ont déployé leurs banderoles face à l’Hôtel de ville. Impossible d’ignorer leurs appels à soutenir leurs initiatives, « 1000 emplois » pour les syndicats et « Climat urbain » pour les associations écologistes et d’habitant-e-s. Un constat s’impose: la société se manifeste avec enthousiasme et en nombre pour défendre les idéaux écologistes et sociaux. On ne peut pas en dire de même pour les rangs conservateurs et de repli national.
Extension du droit de vote
Le projet de loi verte 12490 (PL 12490 A) pour le droit de vote cantonal des 16 ans a mobilisé la commission des droits politiques pendant 3 ans. Les très nombreuses auditions ont abouti à un niet de sa majorité. Le Conseil national en discute aussi. Des voix de droite ont demandé d’attendre que le fédéral travaille, comme si le canton, il y a quelques décennies, aurait dû attendre 1971 pour donner le droit aux Genevoises de voter. Regarder attentivement les panneaux exposés dans le hall principal de la maison des associations sur l’histoire du droit de vote féminin nous rappelle que Genève est un canton progressiste qui a influencé le parlement fédéral. Un beau débat de fond a hélas abouti à un refus. Pour l’instant.
Initiative 1000 emplois (IN 181 B)
Le projet initial de l’initiative était soutenu par les Vert-e-s, mais le texte a graduellement révélé des faiblesses. Le caucus en a débattu et décidé de s’abstenir. Nous n’avons ni voulu limiter l’action de l’Etat au dépassement d’un seuil de chômage, ni voulu que l’Etat soit seul à résorber le chômage. Aussi, même si c’est contre-intuitif, on observe que ça n’est pas parce que des emplois seront ajoutés par le canton que le chômage local diminuera. Parce que le recrutement va bien au-delà du bassin d’emploi régional. Fabienne Fischer est intervenue pour expliquer que le chômage diminue si les savoir-faire des chercheuses et chercheurs d’emplois correspondent mieux aux offres d’emplois existantes. Les Vert-e-s veulent améliorer l’employabilité au lieu de financer des postes. Actuellement les personnes au chômage ne sont pas suffisamment considérées comme des personnes en formation à dédommager pendant leur formation. C’est cette direction voulue pour un contre-projet dont le principe a été refusé.
Initiative Climat urbain (IN 182 B)
La discussion sur cette initiative demandant de végétaliser et développer les réseaux de mobilité douce dans les 13 villes du canton a donné lieu à un débat de fond très intéressant et finalement désolant. Le conseiller d’Etat en charge de la mobilité a sorti un vieil argument sur la justesse de la revendication et l’impossibilité de sa mise en œuvre. Il n’y aurait « pas de place en sous-sol pour arboriser et pas assez de financement ». Regrettable argumentation puisque la présence de canalisations par endroits n’empêche pas de planter des arbres ailleurs. Aussi, l’initiative n’exige pas des arbres mais des espaces verts, des arbres si possible. Auditionné par la commission, le professeur Vincent Kaufmann répondait « Il y a cinq ans je n’aurai jamais soutenu cette initiative, aujourd’hui vu l’urgence climatique je la soutiens ». Sans surprise l’initiative a été balayée par le conseil. Grande surprise par contre, l’idée d’un contre-projet a été accepté à deux voix près avec deux voix vertes, dont une par mégarde. L’initiative sera donc soumise au peuple avec un contre-projet, quand celui-ci sera finalisé…
Etat de nécessité (M 2659 A ; M 2719 A ; PL 13164)
La période de pandémie a obligé le canton à fonctionner bien plus rapidement qu’en temps normal, pour répondre aux changements brusques de situation et aux situations de détresse, sanitaire et économique. Le Conseil d’Etat a ainsi pu prendre des décisions par ordonnances sans passer par le Grand conseil, la commission législative agissant comme organe de surveillance. Nous ne sommes pas à l’abri d’autres épidémies, et il n’est pas exclu qu’une volonté commune d’agir pour la biodiversité et le climat fournisse un jour des moyens d’agir supplémentaires, par exemple. Le grand conseil a ainsi accepté de formaliser des outils de gouvernance d’urgence inventés et mis en pratique pendant la période de pandémie.
Requérants d’asile en détention administrative (PL 12994 A)
Pierre Maudet en son temps voulait 50 places de détention pour loger les requérants d’asile déboutés avant leur expulsion. Le projet initial a été réduit à 24 places dont une « cellule collective » pour la détention de familles. Tout cela pour des gens qui ne sont pas des criminels mais qui ont simplement choisi un pays donnant plus de chance d’avenir pour leurs enfants. On a entendu des arguments choquants apparentant les personnes immigrées à des criminels et les arguments habituels prenant des cas exceptionnels pour la règle, ainsi le conseiller d’Etat Poggia a pris l’exemple de personnes devant prendre un avion à l’aube et habitant le Valais, qu’il faudrait aller chercher « à deux heures du matin ». Les amendements ont tous été refusés et la construction de cet honteux centre de détention accepté.
Extension de la HETS à Champel (PL 13100 A)
Aujourd’hui Genève forme de loin pas assez de personnel infirmier pour répondre aux offres d’emploi dans ce secteur (voir le sujet 1000 emplois plus haut). Pour former davantage de personnes, la Haute école de travail social aura besoin de locaux supplémentaires. Une polémique a pris sur la qualité écologique des bâtis prévus. Ce qui n’a pas empêché le conseil de voter en faveur du projet, mais cela à enfoncé le clou de la construction écologique : aujourd’hui le critère pour construire n’est pas seulement le coût financier mais aussi le coût énergétique à venir du bâtiment. Pour ce qui est de l’opportunité de construire un bâtiment administratif supplémentaire dans un canton qui en regorge de vides, on repassera.
Report de charges FASE (PL 12887 A)
Comment financer les activités socio-culturelles chapeautées par la FASe ? Davantage par le pot commun du canton ou davantage par les communes ? La discussion du projet de « report (déplacement) de charges » davantage vers les communes a permis de dégager une majorité protégeant celles-ci. C’eût été facile de soulager le budget du canton de cette façon et ce fut rassurant de constater que cette solution de facilité a été repoussée. Certaines communes montrent des excédents confortables mais ça n’est pas la règle.
Tarifs d’électricité (M 2862)
Comment soulager les ménages face aux hausses du coût de l’énergie ? Les Vert-e-s soutiennent le tournant de la sobriété énergétique depuis belle lurette et les autres partis nous rejoignent, enfin ! Encore faut-il nous accorder sur le « comment ». Le Centre propose d’allonger la période des tarifs bas de l’électricité. Or sans disposer de compteurs « doubles » – ils sont très rares à Genève – l’outil du double tarif est inopérant pour cet hiver. C’est une des raisons évoquées par les Vert-e-s pour exprimer leur doute sur cette solution. Le conseiller d’Etat Dal Busco remplaçant Antonio Hodgers a bien accueilli la motion de son collègue de parti, ce qui a encouragé les élu-e-s à transmettre la motion sur le bureau de Conseil d’Etat au lieu de la commission spécialisée qui aurait pu procéder à des auditions.
PL droit à l’alimentation (PL 12811 A)
Les files de personnes attendant la distribution d’aliments aux Vernets nous ont rappelé le besoin de base de nous alimenter, ainsi que l’insuffisance et la complexité d’accès des filets sociaux pour les personnes fragilisées. C’est à l’initiative d’associations de bénévoles, avec le soutien des autorités, que la distribution d’aliments a été assurée. Et demain, qu’est-ce qui assure que l’Etat agira pour sortir les gens de l’extrême pauvreté ? La majorité progressiste du grand conseil, atteinte lorsque le PDC et le MCG vote avec la gauche unie, a décidé que le droit à l’alimentation serait désormais inscrit dans la constitution.
Les élu-e-s sont sorti-e-s ensuite dans le noir tout éclairage public éteint pour réfléchir – de façon involontaire pour certain-e-s – à la sobriété énergétique vers laquelle nous allons, de façon volontaire ou pas.
Par Philippe de Rougemont, député