Par Sarah Klopmann, députée et cheffe de groupe

Nous avons commencé la session avec un débat sur la « préférence cantonale ».Une directive mise en place par le conseiller d’Etat Poggia contraint les services et les 250 organismes subventionnés à annoncer leurs postes vacants à l’Office cantonal de l’emploi dix jours avant leur publication (exception faite des postes à pourvoir en interne), pour que celui-ci leur envoie cinq dossiers de personnes en situation de chômage. L’entité doit alors recevoir toutes ces personnes en entretien puis, si le poste ne leur est pas offert, elle a l’obligation d’en justifier les raisons à l’OCE, par écrit, pour chacune des candidatures assignées. C’est une stratégie MCG pour évincer les non-résident.e.s genevois. Cela ne correspond pas du tout aux valeurs vertes, qui défendent la libre-circulation des personnes. En plus d’être discriminante, cette directive noie les associations sous les démarches et la paperasse. Ainsi, les Verts ont déposé un texte pour demander plus de proportionnalité, afin de préserver les petites associations et pour, tant qu’à faire, élargir le cercle des bénéficiaires aux personnes en recherche d’emploi inscrites à l’aide sociale et prises en charge par le service de réinsertion professionnelle de l’Hospice général. La motion a été renvoyée en commission de l’économie.

L’initiative 155 « Touche pas à mes dimanches » a ensuite occupé une pleine séance. Un contre-projet autorisant finalement l’ouverture des magasins trois dimanches par an plus le 31 décembre, en échange de contreparties négociées dans les conventions collectives étendues a été accepté. Ce sont les Verts qui ont proposé d’inclure ces compensations. L’Entente et l’UDC, après nous avoir bassiné sur l’importance pour les employeurs/euses, l’économie genevoise et même les employé-e-s de l’importance de pouvoir ouvrir les commerces le dimanche, ont finalement refusé ce compromis, estimant que cela devait pouvoir simplement se faire selon les usages (façon de faire du moment), sans recours aux conventions collectives… On ne sait pas encore si l’initiative va être retirée ou non.

Bonne nouvelle, une motion verte demandant d’augmenter rapidement les capacités d’accueil dans le domaine de l’asile a été renvoyée en commission des affaires sociales. Par contre, l’UDC en a profité pour étaler ses théories vaseuses. Ils ont, en plus, tenté de faire croire qu’ils étaient altruistes et compatissants. Selon le nouveau discours, si Genève ne doit pas accueillir de personnes étrangères, c’est en fait pour les aider car le racisme, notamment à l’emploi, sévit à Genève. C’est pourtant justement leur politique qui encourage et entretient le racisme, non ? Bref, il a fallu réexpliquer que notre demande ne concernait que l’engorgement des structures d’hébergement. En effet, notre motion demande une réelle politique d’accompagnement dans la recherche de logement et d’aide à l’installation pour les personnes issues de l’asile titulaires de la nationalité suisse ou d’un permis, et de lancer un appel en vue de trouver des ménages prêts à accueillir des migrant.e.s appelé.e.s à rester durablement en Suisse. Elle enjoint aussi le Conseil d’Etat à intervenir auprès de l’Hospice général pour que ce dernier évalue les besoins d’accompagnement de l’ensemble des bénéficiaires de l’AMIG dans leurs recherches de logement et les soutienne dans leur inscription auprès des régies, notamment avec une garantie financière et des séances d’information.

Nous avons aussi discuté de santé lors de cette session. Le Conseil d’Etat, via une modification législative, voulait permettre au médecin cantonal de retirer son droit de pratique à un.e professionnel.le de la santé s’il jugeait, seul, que sa pratique était « farfelue » et que la personne n’était pas « digne de confiance ». Le conseiller d’Etat nous avait préalablement annoncé que ce projet avait simplement pour but d’empêcher des médecins de travailler à Genève lorsqu’ils ou elles s’étaient vu retirer le droit de pratiquer dans leur pays. En réalité, le département avait voulu retirer son droit de pratique à une professionnelle de la santé et avait perdu devant les tribunaux, ce qui lui a déplu. Il a donc proposé une modification de loi pour laisser tout loisir au médecin cantonal de choisir ce qui peut ou non être pratiqué, jugeant des techniques thérapeutiques dont il ne connait rien. Heureusement, à force de débats et de revendications en commission, un amendement général a pu être rédigé pour modifier cette aléatoire notion de « digne de confiance » et ainsi ne pas donner à l’administration le pouvoir de décider sans fondement. Le projet, finalement conforme à ce qui avait été annoncé, a été accepté à l’unanimité.

Par contre, une motion demandant d’étudier l’instauration d’une assurance cantonale pour les soins dentaires, permettant de faire plus de prévention et d’améliorer la santé bucco-dentaire de la population, est malheureusement repartie en commission de la santé alors qu’elle y avait déjà été traitée et acceptée. Une majorité a prétexté qu’il fallait la lier au projet de loi demandant l’instauration d’une telle assurance. Si cela peut paraître cohérent, il est toutefois dommage que le parlement n’ait pas d’ores et déjà affirmé son envie de mettre une place une meilleure prise en charge des frais liés aux soins dentaires.

Le Grand Conseil s’est aussi penché sur le Département de l’environnement, des transports et de l’agriculture. Le conseiller d’Etat Barthassat a déposé un projet de loi pour réunir différentes directions générales en une seule, chargée de l’agriculture, de l’eau et de la nature (LODAEN). La fusion de la direction générale de la nature et du paysage avec celle de l’agriculture engendrera, selon nous, des conflits. Ces deux politiques publiques essentielles n’ont pas toujours les mêmes intérêts. L’agriculture fait partie de la nature, la nature est plus large que l’agriculture Les deux directions travaillent actuellement bien ensemble et entretiennent de bonnes relations. Mais la pesée des intérêts ne se fera ensuite plus de manière indépendante et égalitaire, et si l’agriculture prend le dessus sur la nature (comme le décidera
forcément le magistrat), cela nuira à la biodiversité. Nous nous sommes donc vivement opposés à cette fusion irrationnelle mais, malgré le très bon rapport de minorité vert, nous avons perdu.

Puis grâce à une motion déposée en urgence par les Verts, le débat sur la Maison de l’environnement a été réouvert. En 2006, le Grand Conseil avait voté le regroupement des différents services de l’environnement du Canton, notamment pour des raisons d’efficience et de cohérence, dans un même lieu. En 2012, le Conseil d’Etat avait annulé l’autorisation de construire et bouclé le projet. Ensuite, il a décidé de délocaliser les trois directions des services du département (DGAN, DGE, DGEau) dans la zone industrielle de Plan-les-Ouates, dans un immeuble en location, mal adapté, tant par son emplacement que par sa conception, aux activités des services concernés. La motion demande de renoncer immédiatement à cette délocalisation, de redéposer un projet de loi ouvrant un crédit d’étude pour la construction d’une Maison de l’environnement (en pleine propriété de l’Etat), et de privilégier une localisation cohérente avec les missions de ces services et leurs interactions. Notre texte est parti pour étude en commission des travaux.