Mais, plus largement, cette appréciation soulève la question de la conception que l’on se donne du mot-valise «intégration». Si l’on suit les opposants aux droits politiques, on se cantonnerait au simpliste énoncé suivant: Suisse = intégré; non Suisse = non intégré. C’est un peu court. Bon nombre de nos compatriotes, nés Suisses, vivent dans une marginalité sociétale et politique qui fait qu’ils n’ont jamais ouvert une enveloppe de vote de leur vie, n’ont jamais eu une opinion politique réelle ou alors tiennent des propos frontalement contraires aux valeurs constitutionnelles, n’ont peut-être jamais payé un franc d’impôt et, pour certains, ne parlent même pas la langue du canton. Or, tous ces gens, pour M. Alder et consorts, sont parfaitement intégrés, puisque Suisses. A l’inverse, l’enseignant qui forme nos enfants, le chirurgien qui sauve des vies, le travailleur de chantier qui bâtit nos maisons, la femme de ménage qui les tient propres, eux, non, ne sont pas intégrés, car ils ne sont pas Suisses.
Le passeport suisse n’est pas si courtisé que cela
Alors, me direz-vous, «ils n’ont qu’à se naturaliser, vu qu’ils sont intégrés». Oui, pour ma part, j’en conviens. Mais c’est un choix personnel. Et c’est là que le bât blesse, car il touche à notre orgueil national: le passeport suisse n’est pas si courtisé que cela. Avec un taux de naturalisation de 2,8%, la Suisse se situe bien en dessous de pays à immigration comparable, comme la Suède (5,8%) ou les Pays-Bas (4,1%). En Suisse, on aime accroire que tout le monde rêve d’être nous, mais la réalité brute des chiffres montre autre chose: la majorité des résidents étrangers apprécient de vivre en Helvétie, mais n’ont pas une adhésion identitaire suffisante pour requérir un tampon rouge à croix blanche sur leurs documents.