Grand Genève: il y a du souci à se faire
Par Peter Loosli, membre des Vert-e-s et candidat au Grand Conseil en 2023. Ce texte est paru dans la rubrique L’invité dans la Tribune de Genève le 25 avril 2023.
La région du bout du lac, entre Salève et Jura, risque de devenir la victime collatérale des élections cantonales genevoises. Parent pauvre de la campagne, passé largement sous les radars, le bassin genevois en a fait les frais, dimanche 2 avril, à l’issue du premier tour: le nouveau parlement de Genève cultivera avec prédilection le repli sur le petit Genève. Durant toute une législature (2023-2028), hélas, ce Grand Conseil fera l’impasse sur les questions régionales. Il privilégiera majoritairement la frontière-coupure au détriment de la frontière-couture, à travers une ligue de circonstance tournée vers les extrêmes, cantonaliste et nationaliste.
Quid du bassin de vie transfrontalier, écologique et solidaire par-delà la frontière avec le Genevois français (105,2 km) et le district de Nyon (Vaud, 4,6 km)?
Genève endosse aujourd’hui sans équivoque sa responsabilité de cœur d’agglomération, avec l’appui constant de la Berne fédérale, après avoir surmonté le dommageable contretemps suite à la votation de 2014 sur les P+R, perdue de justesse.
Plus que jamais, vu ses objectifs climatiques, Genève a vocation et intérêt à garder le cap. Le 22 février dernier, journée mémorable pour la région, le Conseil fédéral a validé le projet d’agglomération grand genevois de 4e génération (2024-2027), doté d’une enveloppe de 143,71 millions de francs, à investir en particulier pour l’aménagement des espaces publics autour de la gare de Genève-Cornavin (15,93 millions) et la construction du tram des Nations vers Le Grand-Saconnex et Ferney (29,4 millions).
Appuyé sur l’Espace transfrontalier genevois (ETG, à savoir: le périmètre statistique du bassin genevois, grosso modo identique au périmètre politique régional), l’Office statistique transfrontalier (OST) alerte désormais à intervalles réguliers sur les indicateurs sous tension: risques liés au vieillissement de la population, creusement d’inégalités sociales et territoriales (déséquilibres emplois-logements), interdépendances quant aux flux de professionnels de santé. Les «actualités» de l’OST – disponibles sur https://www.statregio-francosuisse.net/ – ont averti, le 21 mars, sur l’arrivée attendue dans notre agglomération binationale, d’ici à 2050, jusqu’à 390’000 habitants supplémentaires.
Prendre ces questions à bras-le-corps, les intégrer dans la vision territoriale transfrontalière, en cours de coconstruction depuis 2022: telle est la démarche censée aboutir à son adoption, en 2024, conjointement par le Canton de Genève, le Genevois français et le District de Nyon. Or, avec la nouvelle donne parlementaire genevoise, les tenants des positions de repli et de désengagement seront aux aguets.
Observateur de la société civile auprès du Pôle métropolitain (ex-ARC du Genevois), j’assiste régulièrement à ses délibérations, en présentiel, depuis la mi-2013. De ce fait, je connais les rouages de la coopération transfrontalière, ses hauts et ses bas, les tensions franco-genevoises, latentes ou apparentes. Au mitan de la décennie écoulée, j’ai vu de près dans quels pièges et blocages s’était enfermé le Département présidentiel du Canton, du fait de son choix implicite de l’inaction, au diapason avec les ténors du cantonalisme.
Eu égard au développement régional, au second tour pour le Conseil d’État du dimanche 30 avril, l’option salvatrice réside sans conteste dans le rééquilibrage des pouvoirs, les candidatures susceptibles d’entrer en ligne de compte avec sérieux étant au nombre de quatre, ou à la rigueur cinq…