Par Jean Rossiaud, député

Le 10 avril 2018, le PL 12228 était déposé. Il offrait une alternative acceptable au projet du Conseil d’alors, le projet dit « Projet Longchamp ».

Il était soutenu par 4 partis : les Socialistes, les Verts, Ensemble à Gauche et le MCG. Les 4 forces qui se sont unies hier et aujourd’hui, pour accepter un budget 2019, qui même s’il ne convient pleinement à aucun parti en particulier, a trouvé un consensus suffisant pour convenir globalement à tous.

C’est dans le même esprit que les Verts accepteront ce projet de loi 12228. Tout d’abord, pour ne pas se dédire, parce que nous avions proposé et soutenu ce projet. Ensuite, pour continuer à faire front, dans l’esprit de ce que nous avons construit autour du budget, pour soutenir une politique sociale, qui porte tant sur le respect des conditions de retraite des fonctionnaires, que sur le plan de la politique sociale du logement. Nous voulons contribuer à sauver la CPEG et sauvegarder les intérêts des affilié-e-s.

Cela signifie-t-il que les Verts trouvent ce projet de loi durable ? Non, Mesdames et Messieurs les Député-e-s. Ils le trouvent même moins pérenne que le projet concurrent, celui que le Conseil d’Etat a déposé récemment, le PL 12404, qui n’en est au fond pas si éloigné.

Le débat se cantonne la plupart du temps à des considérations techniques (sur les années de cotisations, sur le taux technique, etc.). Mais l’essentiel n’est pas là. Les Verts pensent qu’il faut penser « out of the box ». Et parler vrai sur ce qui nous attend à brève ou moyenne échéance.

Faisons une différence entre pérennité et durabilité.

Les Verts ne croient à la pérennité d’aucun des projets déposés ce jour. Et aucun n’est durable, ou soutenable, comme on dit au Québec, quand on parle de développement durable.

Pour être franc avec ce Grand Conseil, et pour être franc avec nos électeurs, même si les Verts veulent démontrer aujourd’hui leur solidarité avec les retraités, nous sommes très partagés sur ces deux projets qui sont proposés aujourd’hui. Et nous ne voterons que par solidarité.

Nous ne sommes convaincus ni par l’un ni par l’autre, car ni l’un ni l’autre ne prend en compte les grands défis économiques, écologiques et sociaux. Et si on les juge à l’aune de ces défis, les deux projets sont porteurs des mêmes dangers, que nous dénonçons depuis toujours.

Les systèmes de retraites, tel que le 2ème pilier, qui sont fondés sur la capitalisation sont une aberration écologique, une aberration économique et une aberration sociale, et ceci tant à l’échelle de Genève que partout dans le monde. La CPEG n’échappe pas à cette logique.

Pourquoi une aberration économique ? Les cotisations pour le deuxième pilier sont une ponction directe sur les salaires, même si elles sont prises à part égale, entre les employeurs et les employés, et même quand elles sont prises en partie sur l’impôt comme pour le cas de la CPEG.

Si encore cette épargne était répartie, comme l’est l’AVS, directement et immédiatement avec les ayants droits, le système serait socialement très solidaire. Nous ne dépenserions que ce que nous aurions en caisse. Ce que nous ponctionnerions aujourd’hui, nous l’utiliserions immédiatement pour verser des pensions décentes aux retraités d’aujourd’hui, sans capitaliser outre mesure, et compter sur des taux de rendement irréalistes. Là encore l’impôt serait plus équitable, et permettrait une meilleure redistribution des revenus et des richesses. Plus équitable que le système compliqué mis en place pour fonder et soutenir l’AVS.

Le 2ème pilier est une épargne individuelle forcée, que l’on retire du pouvoir d’achat immédiat des employés, et qui est capitalisée pour constituer des fonds institutionnels. Cette capitalisation énorme, depuis quelques décennies a induit une financiarisation croissante de l’économie. Elle a contribué à découpler toujours davantage l’économie financière de l’économie réelle, fragilisant cette dernière.

Sur le pan écologique, deuxièmement, la capitalisation et la financiarisation ont contribué, par la recherche obstinée des meilleurs rendements du capital,  à l’exploitation sans borne des ressources naturelles, à une surconsommation délétère et à la programmation de l’obsolescence, au réchauffement climatique et la baisse dramatique de la biodiversité.

Sur le plan social, finalement, nous courrons également à la catastrophe. La majorité des Verts ne partagent pas la croyance, née dans les années fastes des trente glorieuses, que le rendement de ces fonds sera suffisamment élevé pour servir des retraites décentes aux personnes qui auront épargné toute leur vie. La capitalisation est une chimère ! Tout cet argent risque bien de partir en fumée dans les prochaines crises financières ou fondra peu à peu sous les effets de l’inflation. Ne croyons pas à ces chimères !

C’est pour cela que les Verts ont toujours défendu et défendront un revenu de base inconditionnel, un outil efficace pour relever les trois grands défis sociaux que sont les défis du vieillissement de la population, de l’entrée toujours plus tardive dans le monde du travail, et de la précarisation de l’emploi et de l’augmentation tendancielle du chômage. Les gens (les jeunes, principalement) ne veulent plus vivre uniquement pour travailler. Ils veulent contribuer ensemble à la richesse collective et se la partager équitablement.

Si aujourd’hui nous nous rallions à ceux qui veulent maintenir le système à tout prix, c’est parce que nous ne sommes pas en mesure dans ce parlement de construire un projet de société pérenne et durable, et qui obtienne l’adhésion d’une majorité de la population. C’est la raison pour laquelle les Verts soutiennent, sans état d’âme, ce PL 12228, pour ne pas fragiliser les retraités, le temps que nous construisions le système pérenne et durable de demain. Les Verts s’abstiendront sur le PL 12404. »