Pierre Eckert

Rapport complet: PL 13030 A (traitement lié aux PL 12773 B et PL 12774 B)

Intervention

Nous sommes en présence de deux projets de loi concurrents. L’un est celui du Conseil d’Etat qui propose une évaluation schématique selon le modèle zurichois avec des mesures d’accompagnement pour préserver les anciens propriétaires, mais aussi les plus récents par un abaissement linéaire de l’impôt sur la fortune. Appelons-le le projet CE.

L’autre projet a été déposé par l’ensemble de la droite et le MCG. Il propose une majoration de 12% de l’ensemble du parc immobilier et également un abaissement linéaire de l’impôt sur la fortune. Appelons-le le projet CGI (Centre Genevois Indépendant).

La problématique générale a déjà été exposée, il s’agit de la différence abyssale qui peut exister entre la valeur fiscale d’un bien et sa valeur vénale, qui doit être approchée au mieux selon la loi fédérale sur l’harmonisation de l’imposition. Selon les dires de la Conseillère d’État en charge des finances, cette valeur fiscale peut selon les cas être à hauteur de 100’000 francs alors qu’un bien réévalué aujourd’hui pourrait se trouver à une valeur de 2,5 millions de francs. Je ne crois pas une seconde que cet exemple extrême représente une généralité, mais on peut assez facilement se retrouver avec des facteurs compris entre 5 et 10 pour des objets qui n’ont pas changé de main depuis longtemps. Or, les diverses réévaluations de 20% qui ont été effectuées depuis les années 1980 conduisent à une hausse par un facteur 1.8, qui est très loin de la réalité et conduit à une sous-évaluation massive de la valeur fiscale du parc immobilier.

Argument sur le projet proposé par le Conseil d’Etat (PL 12773 B et PL 12774 B)

Le projet CE recèle le potentiel de résoudre passablement de défauts de la situation actuelle, notamment à l’aide d’une nouvelle évaluation de l’ensemble du parc immobilier concerné. Ce projet permet aussi de protéger les propriétaires de longue date à l’aide d’un intéressant système reposant sur une déduction sociale dépendant du taux d’effort.

Ce projet du CE mérite quelques améliorations. Le mécanisme de déduction sociale présente des effets de seuil qui pourraient être lissés. On pourrait d’ailleurs renforcer ce mécanisme de déduction afin de ne pas avoir à introduire la réduction linéaire de 15% de l’impôt sur la fortune prévue dans le projet.

Nous n’acceptons pas cette réduction linéaire, dans aucun des deux projets d’ailleurs, car elle s’applique autant aux valeurs mobilières qu’immobilières. Elle ne saurait donc en aucun cas être utilisée comme compensation de la hausse de valeur du patrimoine immobilier.

On aurait aussi pu introduire une déduction plus importante en fonction de la durée d’occupation du bâti par le propriétaire, par exemple par une déduction de vétusté, de façon à limiter les reventes spéculatives. Un autre élément aurait pu être l’introduction de déductions dépendant de la performance énergétique du bâtiment.

Tout bien pesé, les Vertes et les Verts, entreront en matière sur ces deux projets de loi (PL 12773 B et PL 12774 B)  et proposeront des améliorations en cas d’acceptation.

Argument sur le projet CGI proposé par le PLR et soutenu par le PDC, l’UDC et le MCG (PL 13030 A)

Celui-ci présente passablement de défauts rédhibitoires :

  • La réévaluation de 12% proposée dans ce projet de loi, même cumulée aux 7% de 2018 reste largement insuffisante. Elle continuerait à produire une sous-évaluation du parc immobilier concerné de l’ordre de 18 milliards de francs. Ceci est clairement inacceptable, contraire au droit supérieur et contraire à l’équité de traitement entre anciens et nouveaux propriétaires.
  • Si on compare le projet CGI au projet CE, et compte tenu que ce dernier comporte un mécanisme de protection des petits propriétaires, il est clair que le projet CGI profite principalement au plus gros propriétaires du canton qui sont souvent aussi les plus fortunés en valeurs mobilières et en revenu.
  • Le mécanisme d’indexation du projet CGI basé sur l’indice général du coût de la vie et non sur un indice des valeurs immobilières n’est pas pertinent. Comme on le voit depuis de nombreuses années, le prix de l’immobilier croit nettement plus rapidement que le coût de la vie. De plus, un plafonnement à 1% par année est introduit. La différence entre la valeur fiscale et la valeur vénale, qui sera déjà énorme à l’entrée en vigueur éventuelle de la loi, ne fera à nouveau que croître au fil des années.
  • Les pertes fiscales estimées du projet CGI se montent à environ 100 millions de francs par année. Au vu de la situation budgétaire actuelle, il n’est pas acceptable d’accepter cette perte de recette. Cela d’autant plus que nous attendons de l’État des investissements massifs dans les années qui viennent, notamment pour obtenir les 60% de réduction des émissions de carbone à l’horizon 2030.
  • Enfin, le premier signataire du projet CGI, nous a fait miroiter une neutralité fiscale dynamique de sa loi. En traduction française, cela veut dire que les 100 millions de perte seraient à terme compensés par une augmentation de l’attractivité du Canton, principalement pour les grosses fortunes. Cela nous parait bien paradoxal, que de renforcer encore plus la pyramide des fortunes, alors que le département passe son temps à nous expliquer que cette situation est déjà dangereuse. Il s’agit une fois de plus d’un pari sur la croissance du Canton alors que Genève n’arrive déjà pas à loger les personnes qui y travaillent. Les Vertes et les Verts ne suivront pas ce pari.

Toutes ces raisons nous conduisent à refuser fermement le PL 13030 et à préférer le paquet constitué des PL 12773 et 12774, quitte à amender ces deux derniers textes.