La paysage comme socle ou matrice de l’aménagement urbain
Par Marcellin Barthassat, architecte et urbaniste
La croissance des villes sur l’ensemble des composantes territoriales (relief, hydrographie, végétale, réseau viaire, parcellaire et bâti) transforme considérablement les conditions de la planification urbaine. Elle est non seulement un enjeu sociétal, mais suscite évidemment de vives controverses sur notre capacité d’accueil. De plus les liens entre paysage et urbanisme semblent se tarir depuis quelques années. La pression sur la densité n’y est pas étrangère, mais nous avons voté laLAT 2014 impliquant le principe d’urbanisation à l’intérieur des zones construites.
Sur le territoire transfrontalier franco-valdo-genevois, après la réalisation des projets de renaturation des cours d’eau et des contrats corridors, l’expérience du « Plan paysage » (2007-2012) a proposé un changement de paradigme sur l’urbanisme. Le postulat était celui d’une « inversion » entre urbanisme et paysage, soit : une structure des espaces ouverts, naturels et agricoles (maillage vert) à considérer comme préalable au projet du bâti. En l’état seul le quartier de Belle Terre à Thônex a appliqué ce principe d’inversion. Dans ce sens, espérons que le futur quartier des Cherpines tiendra ses promesses.
Dans son édition d’été 2024, la revue COLLAGE de la Fédération des urbanistes suisses (FSU) a consacré l’ensemble de ses articles sur la thématique « Penser la ville à partir du paysage » (cf. annexe téléchargeable en PDF). Parmi sept contributions, trois d’entre elles relèvent des situations régionales : le paysage transfrontalier du Grand Genève, le cours d’eau du Rhône et la Voie verte Genève-Versoix.
Dans leur éditorial, Luca Piddiu et Romane Ringot soutiennent que « lire la ville par le paysage s’apparente d’abord à une conception aux antipodes des approches par la programmation urbanistique ou la planification rigide ». Autrement dit, les expériences relatées dans cette revue témoignent d’une structure paysagère revendiquée, constituant ainsi un renversement de perspective à la faveur d’une ville-paysage.
Dès 2022 la naissance d’une « Vision territoriale transfrontalière » (VTT), plus conceptuelle qu’opérationnelle, vise à influencer la révision du Plan directeur cantonal 2030-40 en priorisant la biodiversité (socle du vivant) comme contribution au rééquilibrage avec les écosystèmes. La démarche est à soutenir. Pour nous, il s’agit de comprendre et de débattre sur ce qu’est la « pensée-paysage » dans le champ culturel et politique (le commun), face aux enjeux de l’aménagement du territoire et d’une ville contemporaine durable.