Une réalité alarmante, mais connue depuis longtemps, a été relayée par «Le Temps»: la Suisse est un îlot d’inégalités criantes. Les 1% les plus riches détiennent 42% de la fortune nationale, une proportion qui a crû de 27% depuis 1980. Cette inégalité dépasse même celle des États-Unis, pourtant extrêmes, où le top 1% possède 30% des richesses. Vous craignez d’en faire partie, ou vous l’espérez? Il faut 5 millions de francs en Suisse pour appartenir au top 1%.

À Genève, la situation est encore plus préoccupante. Les 1% les plus fortunés y possèdent 56% des richesses, faisant de ce canton le plus inégalitaire de Suisse romande. Cette concentration de la fortune est le résultat de choix politiques assumés, favorisant les plus aisés, au détriment de la majorité.

Pendant ce temps, l’inflation (qui, rappelons-le, n’est pas une «loi économique» qui s’imposerait naturellement, mais le résultat de décisions politiques) ronge le pouvoir d’achat des classes moyennes et populaires. Quelques symptômes parmi d’autres: les Colis du cœur ne désemplissent pas, les vols de produits alimentaires se multiplient et le sans-abrisme progresse.

Pourtant, l’économie suisse n’est pas en crise: la productivité du travail a augmenté d’environ 40% depuis les années 90. Cette hausse de l’efficacité aurait dû bénéficier à l’ensemble de la population, mais force est de constater que les fruits de cette prospérité sont accaparés par une minorité.

Les élites économiques et leurs incarnations politiques ne se contentent pas de ce statu quo très favorable et restent en appétit. À Genève, cela se traduit par des attaques répétées contre les services publics. Les récentes «lois corsets», adoptées par le Grand Conseil et attaquées en référendum, visent à limiter les dépenses de l’État, entravant sa capacité à répondre aux besoins en matière de santé, d’éducation et de social.

Lorsque les injustices sont aussi flagrantes et que la colère gronde, il faut mobiliser l’arsenal de communication et piocher, à choix, dans la liste des boucs émissaires possibles: les wokes, les écologistes, les féministes, les étrangers, les «assistés», les intellectuels, certaines religions, et j’en passe.

Cette désunion sert les intérêts des élites économiques. Alors unissons-nous contre ceux et celles qui se revendiquent volontiers «patriotes», mais qui s’exilent pour ne pas rendre à la communauté qui les enrichit. La véritable menace pour notre cohésion sociale, et même pour nos démocraties, réside dans cette concentration excessive de la richesse et du pouvoir.

Alors inspirons-nous de l’impôt minimum sur les ultrariches adopté par le parlement français en février (2% sur les foyers fiscaux de plus de 100 millions d’euros) et réclamons une fiscalité plus équitable. Ce n’est qu’en affrontant directement les privilèges indus des ultrariches que nous pourrons construire une société véritablement prospère.