Par Dilara Bayrak, députée. Cette tribune est parue sur le média Heidi News le 15 septembre 2022. 

La Clairière est un centre de détention prévu pour accueillir des personnes mineures «placées en détention préventive, sur mandats d’observations, d’amener, d’arrêt, de prolongation de détention, d’exécution de peine ou encore de mandats civils de privation de liberté à des fins d’assistance». On constate déjà beaucoup de missions disparates dans la description que fait le département de la sécurité, de la population et de la santé (DSPS) de cet établissement. Aussi, regrouper une multitude de profils divers et variés en un seul et unique endroit n’était peut-être pas la meilleure option que l’Etat pouvait offrir à ces jeunes.

Mais au-delà des décisions sur sa conception, ce sont des décisions organisationnelles qui ont ramené la Clairière sur le devant de la scène. Les dysfonctionnements relatés dans les médias dressent l’image d’une institution en crise, avec des conditions difficiles pour les jeunes qui s’y trouvent. Il est fait état de conflits au sein du personnel: entre les différents acteurs sur place (éducateurs, médecins, agent de détention), mais aussi de conflits entre les agents et les jeunes… sans parler des conditions relatives à l’insalubrité du bâtiment.

Une nécessaire indignation

Cette situation devrait nous questionner, mais surtout nous indigner. D’abord parce qu’il s’agit de personnes sous la responsabilité de l’Etat. Mais surtout, parce qu’il s’agit de mineurs. Et quand je dis «nous», je ne pense pas uniquement au pouvoir législatif ou aux acteurs politiques. Je pense à tout un chacun.

Lorsque l’Etat emprisonne des personnes, il doit leur garantir le respect d’un certain nombre de droits, dont ceux relatifs aux conditions de détention. Il ne s’agit pas d’excuser leurs actes ou de minimiser l’infraction commise, il s’agit de se conformer aux conventions internationales, que la Suisse s’est engagée à respecter. Pour autant que les procédures se soient déroulées dans le respect du droit, la punition est justifiée. Néanmoins, nous ne pouvons – nous ne devons – tolérer qu’à la punition, s’ajoutent des éléments de répression supplémentaires, comme des violences institutionnelles.

Aussi, la politique carcérale ne doit pas se limiter à une vision exclusivement punitive: afin d’éviter les récidives et de permettre aux détenus de sortir de la délinquance, il faut d’abord analyser les causes qui les ont poussés à violer la loi.

Ne pas traiter le symptôme, mais la cause

La précarité, le manque de formation, un parcours de vie difficile: autant de pistes expliquant des mauvaises décisions menant à la délinquance. Si nos autorités se contentent de punir sans aucune volonté de résoudre la problématique sur le fond, il n’est pas étonnant que ces individus récidivent et qu’il se retrouvent en prison. En bref, la répression pure et simple signifie que nous traitons le symptôme mais pas la cause. C’est cette politique qui coûte chère à l’Etat. Car oui, enfermer des gens, est onéreux.

En 2021, un détenu coûtait entre 200 et 1310 francs par jour. Pourtant, avec une réinsertion réussie dans la société, le résultat est inversé: ces personnes travaillent, payent leurs impôts et elles contribuent à l’économie.

La vulnérabilité des prisonniers mineurs

Pour la Clairière, la situation est encore plus particulière puisqu’il s’agit de mineurs. Les dommages sont d’autant plus graves: alors que leur jeune âge permettrait une sortie rapide du cercle vicieux de la marginalisation, nos politiques font le choix conscient et assumé de les condamner à poursuivre un chemin en roue libre.

Il convient de préciser ici que les jeunes qui se trouvent à la Clairière sont, pour une bonne partie d’entre eux, sous mandat civil et non pénal. Cela signifie qu’ils ne sont pas placés, car ils auraient eu des démêlés avec la justice mais parce qu’ils se trouvent en situation de vulnérabilité extrême et que les autres mesures n’ont pas permis à les protéger, parfois même d’eux-mêmes.

Il s’agit donc de placements à des fins d’assistance ; une mesure largement critiquable en soi, mais qui n’est pas de la détention au sens classique. Les occupants de la Clairière sont donc vulnérables, ils ont besoin de soutien, d’encadrement, d’écoute et de tout ce dont un mineur peut avoir besoin. Au lieu de ça, nous leur offrons un environnement de conflits multiples, vétuste et un encadrement répressif qui n’a pas lieu d’être. Rien que ça.

Alors oui, il faut être en colère que nos jeunes soient traités de cette manière, qu’ils aient commis des erreurs ou non. S’ils ont reçu une sanction, celle-ci leur suffit. Je doute que l’on puisse justifier les conditions qui ont défrayés la chronique. Lorsqu’un adolescent commet une bêtise, on le punit, on lui apprend comment il doit se comporter (surtout si personne ne lui a montré l’exemple), on essaie de comprendre son comportement pour éviter que cela se reproduise. Mais en aucun cas, on l’isole et on le maltraite. Même si ce sont des profils difficiles, qui peuvent sembler être des causes perdues. Nous avons ce devoir, l’Etat a cette obligation morale et constitutionnelle.