Echo du Grand Conseil de la session des 29 – 30 août par Pierre Eckert, chef de groupe et député

La session du Grand-Conseil des 29 et 30 août a été marquée par l’approbation des comptes de l’année 2018. Cette opération est la fois technique et politique. Technique par le fait qu’il faut valider la tenue des comptes et attribuer l’excédent de recettes. Ce dernier point a donné lui à un long débat (et un long vote nominal) sur lequel je reviens ci-dessous. Le point plus politique est de valider les politiques publiques menées par le Conseil d’Etat (et l’administration). Celles et ceux qui n’aiment pas trop les techniques comptables peuvent sauter à la partie financière (même si la durabilité des finances est éminemment politique).

Etat des finances et attribution de l’excédent de recettes

Les comptes 2018 présentent des recettes de 8’718 millions (budget 8’155) et des charges de 8’496 millions (budget 8’341), soit un excédent de recettes de 222 millions de francs.  On peut utiliser cette somme pour rembourser la dette ou constituer un bas de laine pour des temps plus durs à venir. On pourrait se dire que c’est la même chose et qu’il suffit de creuser la dette si les temps deviennent difficiles. C’est sans compter avec le mécanisme de frein au déficit qu’il faudrait obligatoirement activer en cas de budget excessivement déficitaire. La majorité (mais pas l’unanimité) du groupe a estimé qu’il valait mieux ne pas activer ce mécanisme à cause des risques de coupes plus ou moins arbitraires dans les prestations.

L’autre possibilité serait d’augmenter la fiscalité, mais il faut la réaliser de façon ciblée socialement et environnementalement. « Si les comptes sont positifs, c’est uniquement dû à une excellente conjoncture. Cela signifie que le canton souffre d’une addiction à la croissance, bien loin de la nécessaire transition écologique et climatique. » (Mathias Buschbeck).

Or, les temps vont effectivement devenir difficiles du fait des décisions du parlement et du peuple qui ont été prises cette année : baisse des recettes fiscales des entreprises suite à RFFA, augmentation des charges dues à la recapitalisation de la CPEG et à l’adaptation des subsides à l’assurance maladie. D’autres augmentations de charges contraintes doivent également être envisagées.

La majorité du parlement a donc décidé de réactiver la réserve conjoncturelle qui avait été supprimée lors du vote sur la RFFA. Cette réserve hérite d’une dotation de 600 millions. Restait à savoir quelle partie de l’excédent de recettes de 2018 lui attribuer. La droite proposait de ne rien mettre et la gauche d’y placer l’entier des 222 millions. Même s’il serait peu prudent de dépenser rapidement cette réserve conjoncturelle, une partie du groupe a jugé qu’en terme de durabilité, il valait mieux ne pas trop charger le bateau, mais la majorité du groupe voté l’option maximale. En fin de compte, c’est le compromis à 111 millions proposé par le Conseil d’Etat qui a passé la rampe. Mais les Verts ont insisté sur le fait que ce coussin budgétaire ne devait pas constituer un oreiller de paresse, ni dans les dépenses, ni dans les recettes. Prochaine étape : le budget 2020 !

Politiques publiques

J’en extrais arbitrairement et brièvement quelques-unes

Environnement-énergie (Philippe Poget, Adrienne Sordet)

Cette politique publique reste très peu dotée (moins de 1% du budget) ce qui ne peut plus correspondre aux défis annoncés et à l’urgence climatique visible par les nombreuses marches des jeunes, alors que cette politique vise à préserver les ressources, accélérer la transition énergétique et lutter contre le réchauffement climatique.

Durant cette année, les Verts estiment cependant que le Conseil d’Etat a mis en œuvre plusieurs mesures intéressantes, de lutte à la source, d’évaluation globale et de causalité. On soulignera par exemple l’accord transfrontalier sur la qualité de l’air, même si les pics de pollution demeurent et qu’il faut poursuivre dans les mesures permettant une réduction plus drastique des émissions, en mettant en application notre initiative « Plus d’air moins de bruit ». Au niveau du bruit, l’assainissement routier est toujours en retard, aussi dans certaines communes et nous attendons un renforcement des mesures de lutte contre cette nuisance (radar-bruit notamment). Pour le recyclage de nos déchets, le taux de 50% visé n’est toujours pas atteint et le nouveau plan devra être beaucoup plus ambitieux pour réussir à mieux valoriser nos déchets.

Pour le volet agriculture et nature, il faut souligner l’aboutissement de la stratégie biodiversité 2030 adoptée par le CE et pour laquelle nous attendons le plan d’action pour cet automne. Et elle doit aussi amener à changer la logique lors de planification de nouvelle urbanisation, en travaillant d’abord pour préserver la végétation et la nature existante.

Pour l’agriculture, la mise en œuvre de conditions propices à la production et à l’écoulement des produits doit se poursuivre pour le maintien d’une agriculture locale et durable (aussi par le soutien renforcé à la reconversion à l’agriculture biologique). Et nous sommes toujours en attente d’une vision pour l’agriculture genevoise à travers le concept Agriculture 2030.

Du point de vue de l’énergie, l’objectif n’est plus seulement d’assurer l’approvisionnement, mais aussi à économiser les ressources et à sortir des énergies fossiles en réorientant notre production, mais en demandant également aux investisseurs de s’éloigner de ce type d’énergies.

L’Etat de Genève poursuit son ordre de marche pour répondre à la stratégie énergétique 2050, mais nous considérons que les objectifs devraient être avancés à 2040, voire 2030. SIG participe largement à ce travail à travers le programme éco21 et des investissements considérables dans les réseaux de chaleur et de froid (Génilac), ainsi que des recherches sur la géothermie profonde.

Aménagement-logement (Yvan Rochat)

Dans ces deux domaines aménagement et logement, Genève doit faire face aux conséquences d’un développement économique débridé des années 2000. Dès lors, avec un certain retard ou plutôt une certaine inertie, il a fallu et il le faut encore, assumer l’évolution de notre cadre de vie afin de s’adapter à cette nouvelle donne c’est-à-dire l’augmentation de la population de notre canton.

Cela signifie planifier des zones dédiées à l’urbanisation, la construction de logements et d’activités. Cela signifie également permettre à notre cadre législatif de soutenir intelligemment les acteurs de la construction de logements.

Alors bien, sûr ça ne plait pas beaucoup à certains, notamment ceux qui siègent à l’extrême droite de ce parlement, et qui ne ratent pas une occasion de refuser des projets de constructions de logements pour les habitants de notre canton alors qu’ils votent, sans aucune cohérence, pour une fiscalité casino, rendant Genève ultra attractive économiquement renforçant ainsi la croissance. Quand on fait bouillir la marmite à feu violent, avec une fiscalité débridée, et que l’on ferme le couvercle de ladite marmite en refusant d’assumer le développement qui en découle, on cherche, ni plus ni moins, qu’à provoquer une explosion sociale et humaine. A la décroissance malthusienne prônée notamment par l’UDC, sacralisant la zone villa nous préférons sans ambiguïté la décroissance et la sobriété comme outil de la justice climatique portée avec force
par notre jeunesse lors des grèves pour le climat. Vous l’aurez compris, les Verts se battent pour une vie meilleure en refusant de prendre en otage la population d’aujourd’hui et les générations à venir.

Evidemment, déclasser pour construire ici ou là ne suffit pas. Il faut un engagement cohérent, coordonné et déterminé de l’Etat pour que cela aboutisse à une ville de qualité, une ville de proximité, verte, et adaptée aux enjeux de la mobilité douce. Nous saluons le travail mené par le département en faveur des coopératives, acteur central de la ville que nous appelons de nos vœux mais nous le rendons également attentif à la nécessité de définir, planifier et déployer partout une politique forte de nature en ville, d’arborisation et d’extension de la végétation. Les Verts continueront donc à être très vigilants sur cette question et à porter ici au parlement et partout dans la société de nouvelles propositions.

Impôts et finances (Jean Rossiaud)

Les Verts accordent une importance particulière à la politique « Impôts et finances ». Si nous ne voterons pas favorablement cette politique, c’est principalement parce nous tenons à exprimer notre désaccord fondamental sur la politique qui est élaborée en matière de fiscalité. La politique du Conseil d’Etat, que cautionne notre parlement, ne prend ni la mesure de l’urgence climatique ni de la prochaine crise financière, et à la crise économique et sociale qui lui succédera. Nous devons rappeler, année après année que le premier risque est le risque climatique ! C’est ce que savent les jeunes aujourd’hui et c’est ce que la majorité de ce parlement n’arrive pas à comprendre. 

Accepter que nous sommes dans une situation d’urgence climatique, et en tirer les conséquences, demande de refonder toutes les politiques publiques dont nous étudions aujourd’hui les comptes. Les objectifs de chacune de ces politiques doivent être promoteurs d’une vie saine et en bonne santé dans un environnement sain et maîtrisé. C’est la base de la vie, de notre vie, individuellement et collectivement, que nous sapons en poursuivant notre développement économique erratique. Le risque est planétaire, mais si nous faisons notre part ici, nous n’en vivrons que mieux au quotidien, et nous économiserons énormément d’argent en mesures réparatrices d’un système délétère, que nous entretenons avec constance et obstination. Faire entrer nos politiques publiques dans un paradigme de durabilité, à court et moyen termes, cela signifie moins d’impôts à lever, car moins de dépenses sanitaires, sociales et environnementales à effectuer. Maîtriser la croissance, c’est retrouver notre souveraineté sur notre territoire, refonder notre démocratie et arrêter une fuite en avant boulimique.

Mobilité (Delphine Klopfenstein Broggini)

En 2018, il aura fallu rattraper beaucoup d’erreurs de la précédente législature : reconstitution de l’offre TPG, rétablissement des voies bus sans moto ou récupération des subsides de la Confédération. Ces réajustements, bien que réjouissants, nous coûtent beaucoup de temps et d’argent. L’énergie investie pour de nouvelles routes reste massive, notamment dans le projet L1 L2 à Plan-les-Ouates, heureusement refusé par le Grand Conseil ou la traversée du lac qui a encore coûté 6 millions de plus dernièrement pour des études. La vitesse commerciale des TPG reste largement en dessous de la moyenne suisse. Les aménagements cyclables et piétonniers sont insatisfaisants. Malgré quelques grandes réussites, comme le déploiement prochain du Léman express ou l’unique voie verte du canton, les Verts refusent cette politique publique : parce qu’il faut être exigeant en matière de mobilité, parce qu’il y a urgence, parce qu’il faut faire de vrais choix et donner, sans plus tarder, la priorité aux transports publics et à la mobilité douce.

Globalement, nous avons refusé le rapport de gestion de l’état, pour les raisons suivantes :

« La première, qui serait suffisante pour refuser ce rapport de gestion, est l’affaire « Maudet » qui a fortement handicapé l’action du Conseil d’Etat en 2018 en accaparant beaucoup de son temps et de ses disponibilités. Au-delà de cette affaire, on a de la peine à voir la véritable transition écologique et climatique indispensable à la société se mettre en place. Il y a quelques bribes, mais c’est très lent et très inquiétant du point de vue des Verts, que cela soit en matière de mobilité, d’aménagement et dans d’autres domaines.

Globalement, le groupe des Verts ne se reconnaît pas dans les priorités du Conseil d’Etat, que cela soit en matière de sécurité, de politique fiscale ou de politique sociale parce que, pour les Verts, il n’y a pas de justice écologique sans justice sociale. » (Mathias Buschbeck dans le rapport PL 12478-A).