Cédric Jeanneret

Motion déposée par Cédric Jeanneret en mars 2025

Texte complet: M 3100

Exposé des motifs:

Ces dernières décennies, la concurrence économique mondiale s’est accrue, les tensions géopolitiques aussi, et les conditions de travail se sont globalement détériorées au niveau international. En cas de crise, la capacité d’agir de nombreux Etats occidentaux – dont la Suisse – sera remise en question par leur dépendance économique envers des chaînes d’approvisionnement mondialisées et, donc, par la vulnérabilité de leur approvisionnement.

Le retour de la guerre en Europe nous le rappelle cruellement : la situation internationale peut basculer d’un jour à l’autre et nous devons nous préparer à y faire face. Notre canton devrait considérer l’introduction de clauses de protection dans les achats d’infrastructures civiles stratégiques comme l’informatique et les télécommunications : nous nous devons d’offrir à notre population des garanties que ses données ne tombent pas en des mains dépendant de régimes hostiles à la démocratie.

Les espoirs, longtemps nourris, qu’intégrer des partenaires commerciaux comme la Chine serait source d’ouverture sociale et de libertés tant individuelles que politiques se sont révélés illusoires. Force est de constater que la politique du « changement par le commerce » a échoué. En témoignent l’accroissement de censures étatiques, la surveillance massive tant numérique que biométrique de populations (y compris dans notre pays [1]) ou l’oppression systématique de minorités politiques, religieuses ou peuples autochtones. S’y ajoutent la répression des défenseuses et défenseurs des droits humains ou de l’environnement ainsi que les soupçons de génocides, notamment au Tibet et au Xinjiang, où l’ONU dénonce de possibles crimes contre l’humanité.

Nous nous devons de veiller à ce que notre canton ne tombe sous la mainmise de puissances qui luttent ouvertement contre nos valeurs démocratiques de liberté et de tolérance. Disposons-nous d’une visibilité suffisante pour préserver notre prospérité en cas de crise ?

Nous devons nous assurer de la souveraineté des infrastructures genevoises, au sein de l’Etat, du grand Etat, et des risques potentiels que nous font courir les entreprises qui équipent notre canton. Contrairement à de nombreux pays (Etats-Unis, Royaume-Uni, etc.), des entreprises contrôlées par les autorités chinoises comme Huawei continuent d’équiper la Suisse :

Swisscom l’utilise pour son réseau fixe, Sunrise pour le mobile et Salt pour la fourniture de certains équipements [2].

Il s’agit d’améliorer notre souveraineté en recourant davantage aux entreprises et savoir-faire locaux, ainsi qu’en développant la réparation et le réemploi des matières que nous importons (« urban mining » / économie circulaire).

Une meilleure traçabilité des produits alimentaires notamment serait bienvenue afin d’éviter que ne se retrouvent dans nos assiettes des aliments produits dans des régions soupçonnées par l’ONU de violation des droits humains. A titre d’exemple, on peut citer l’entreprise Cofco Tunhe, deuxième producteur mondial de concentré de tomates, installé au Xinjiang – là où sont opprimés des millions d’Ouïghours. Sa société mère, le groupe Cofco, a établi son centre international de négoce dans notre canton, à Chêne-Bougeries [3].

Nos systèmes de communication sont vulnérables et il convient de nous prémunir contre les cyberattaques et les risques de perte de contrôle de certaines infrastructures vitales (par exemple les réseaux électriques et d’eau potable, l’hôpital cantonal, etc.) par des hackers très bien dotés et disposant parfois d’un soutien gouvernemental comme c’est très probablement le cas en Russie, aux Etats-Unis, en Iran ou en Corée du Nord par exemple. Sommes-nous équipés pour suivre et dépister ces risques ?

Sur les réseaux sociaux (le populaire TikTok par exemple), les trolls et fake news génèrent des menaces croissantes pour nos démocraties, comme on a pu le constater récemment en Roumanie (membre de l’Union européenne) où des ingérences étrangères avérées ont permis des manipulations d’algorithmes susceptibles de menacer les processus électoraux.

Mesdames et messieurs les député-es, chères et chers collègues, afin de :

  • réduire nos dépendances économiques et renforcer la sécurité de notre approvisionnement ;
  • défendre un ordre mondial fondé sur des règles et réduire les risques géopolitiques ;
  • protéger l’économie genevoise et les consommateurs genevois ;
  • veiller à des conditions de concurrence loyales pour nos entreprises et savoir-faire locaux ;
  • mieux maîtriser le risque d’exposition de notre canton face à des régimes hostiles aux libertés et aux droits humains ;
  • préserver et maintenir les conditions d’une prospérité partagée ainsi que le rôle de Genève, lieu de dialogue et de construction de la paix,

nous vous invitons à accepter la présente proposition de motion.

 

[1] https://www.ejpd.admin.ch/dam/sem/fr/data/publiservice/berichte/bundesratsberichte/2025-02-12-ber-br-tibeter-uiguren.pdf.download.pdf/2025-02-12-ber-br-tibeter-uiguren-f.pdf

[2] La Suisse ne change pas sa position sur Huawei – RTS

[3] « Au Xinjiang, les tomates de la colère » – Le Temps