Céline Bartolomucci

Motion déposée par Céline Bartolomucci en février 2025

Texte complet: M 3092 

Exposé des motifs:

L’association « Face à Face », basée à Genève, a été créée par Claudine Gachet en 2001, afin de prendre en charge les femmes, les mères et les adolescent.e.s de 13 à 20 ans, ayant des comportements agressifs et/ou violents, ainsi que les familles à transactions violentes.

L’ouverture du groupe FEMMES en 2002 a permis dans un premier temps de cibler les femmes ayant des comportements violents, en recevant environ 70 femmes par an (toutes prestations confondues : entretien dans le cadre individuel ou de la famille ou programme pour adolescents). Il a été suivi en 2008 par le lancement du programme Face à Face ADOS©, reconnu en 2011 par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Ce programme proposait un accompagnement des adolescent.e.s de 13 à 20 ans ayant commis des actes de violence physique ou psychologique. Depuis la création du programme, environ 50 jeunes y ont été suivis chaque année, avec un taux de non-récidive atteignant 75-89% après une prise en charge de deux à six mois. En 2011, le programme a été reconnu comme projet modèle par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) dans son rapport final du programme national « Jeunes et violence », ce qui, à ce titre, a permis aux soins inclus dans le cadre du programme d’être remboursés par l’assurance-maladie de base.

Enfin, depuis 2015, l’Association « Face à Face » propose également une prise en charge pour les familles à transactions violentes éprouvant des difficultés à communiquer. Ce programme se veut un moyen de transmettre des outils concrets que chacun pourra utiliser de manière autonome pour une meilleure communication.

Malgré tous ces succès et le caractère essentiel de cette prise en charge, au 31 décembre 2024, l’association a cessé son activité pour cause de départ à la retraite de la directrice et faute de personnes repreneuses de la structure. Les programmes Face à Face FEMMES et Face à Face ADOS© sont ainsi interrompus depuis début 2025, faute de relève de psychologues psychothérapeutes difficilement recrutables sur le marché.

La disparition de ces offres, et notamment Face à Face ADOS, intervient dans un contexte préoccupant. Selon les statistiques récentes, les rixes et agressions entre mineur.e.s ont augmenté de 41% en 2023, et le nombre de mineur.e.s prévenu.e.s d’infractions de violence a progressé de 9% entre 2022 et 2023. Les structures actuelles, comme l’association VIRES ou l’Unité interdisciplinaire de médecine et de prévention de la violence des HUG, ne répondent pas aux besoins des jeunes de moins de 16 ans. En effet, la première ne prend pas en charge les mineur.e.s, et l’UIMPV accueille les auteur.e.s de violences seulement à partir de 16 ans et uniquement sur une base volontaire. De plus, les mineur.e.s reçu.e.s par cette dernière structure se composent principalement de victimes, et non d’auteur.e.s de violences.

Par ailleurs, le rapport 194 de la Cour des comptes sur les violences domestiques, publié en décembre 2024* avant la fermeture de Face à Face, a souligné que les dispositifs de prise en charge des auteur.e.s de violences dans le canton sont insuffisants et saturés. Cette situation rend difficile un suivi adapté des jeunes et complique la demande (parents, écoles, tribunal,…) pour la prévention et la récidive. Ces lacunes, constatées dans le domaine des violences domestiques, illustrent les limites du système de prise en charge des auteur.e.s de violences à Genève et montre, avec la disparition de Face à Face, la situation critique dans laquelle se retrouve le canton face à la prise en charge des mineur.e.s auteur.e.s de violences.

L’expérience du Tessin constitue un exemple concret de la valeur de ce programme. Mis en place dans le cadre de la stratégie cantonale de prévention de la violence chez les jeunes de moins de 25 ans, le programme Face à Face ADOS© a permis d’offrir une réponse efficace et coordonnée. Géré par l’Organisation sociopsychiatrique cantonale (OSC) du Tessin et financé par des fonds publics, il intègre des activités thérapeutiques et expérientielles encadrées par des professionnels qualifiés. Ce modèle, déjà fonctionnel, pourrait inspirer une solution adaptée aux besoins de Genève.

Face à cette situation alarmante et ces lacunes évidentes, et pendant que les structures de prise en charge disparaissent, les violences demeurent et s’accroissent ; il est désormais impératif d’agir rapidement. La création d’une nouvelle structure dédiée permettrait non seulement de répondre aux besoins spécifiques de ces jeunes en grande détresse, mais aussi de contribuer à la sécurité et à la cohésion sociale du canton. L’objectif est d’offrir un cadre structurant et thérapeutique favorisant la réinsertion des mineur.e.s concerné.e.s, tout en limitant les risques de récidive et d’escalade de la violence.

Cette motion vise ainsi à pallier une carence évidente dans la prise en charge des jeunes auteur.e.s de violences à Genève, en garantissant une réponse adaptée et pérenne aux défis posés par la montée des violences juvéniles.

 

* Rapport 194 de la Cour des comptes « La prise en charge des auteurs de violences domestiques », publié le 12 décembre 2024