Par Isabelle Pasquier-Eichenberger, conseillère nationale Verte. Ce texte est paru dans la rubrique Face à face de la Tribune de Genève le 17 février 2021. 

Consulter le décompte de son assurance, acheter ou revendre un bien, faire ses paiements, remplir sa déclaration d’impôt : le numérique est de plus en plus présent dans nos échanges avec les entreprises et les autorités. L’e-ID doit nous faciliter ces relations, en instaurant une identification unique et contrôlée. Sa mise en place est saluée par tout l’échiquier politique. La question qui divise est celle de savoir si le modèle proposé par le Conseil fédéral répond aux enjeux essentiels que sont la garantie d’un service public efficient et l’assurance d’une sécurité suffisante pour protéger nos données. Trois points sont cruciaux sont en jeu.

Le contrôle démocratique tout d’abord. L’identité électronique doit faire partie des prestations de base assurées par l’État, comme le sont aujourd’hui la carte d’identité et le passeport. Or la loi prévoit que si l’État se charge en amont d’assurer la fiabilité des données, il délègue ensuite la réalisation à des privés, responsables tant du développement technique que de la distribution. Alors que l’e-ID est un élément déterminant pour la démocratie numérique, l’État cède délibérément une partie de ses prérogatives, avec le risque d’affaiblir ses compétences et sa gouvernance.

La question du prix ensuite. Ces entreprises privées seront libres de fixer leur modèle d’affaires et d’imposer leurs tarifs. La Conseillère fédérale Karin Keller-Sutter l’a clairement dit : elle ne sait pas quel prix sera facturé pour l’e-ID. « C’est en fin de compte une question relevant du marché et des prestataires » a-t-elle répondu au Parlement. La Confédération n’a fixé aucun cadre concernant le montant qui pourra être demandé pour cette prestation, pourtant essentielle tant dans nos relations avec les entreprises qu’avec les autorités.

La question de la sécurité des données finalement. On sait combien ce sujet est sensible et comme il est difficile pour nous, citoyen.ne.s de maîtriser la gestion de nos données. La loi prévoit trois niveaux de protection : faible, substantiel ou élevé. Il n’est pas besoin d’être devin pour comprendre que le prix évoluera en conséquence. On imaginerait mal un passeport qui se déclinerait ainsi ! C’est d’autant plus grave que la protection des données est le sésame pour envisager le développement futur de prestations sensibles telles que le dossier du patient et le vote électronique.

Les Verts se sont engagés au Parlement pour que l’e-ID soit délivrée par l’État, sans succès. Pour le comité référendaire, il est évident que les prestataires chercheront un modèle commercial qui leur permet de faire des profits. Seul l’État peut prioriser la sécurité et la fiabilité, deux composantes essentielles pour assurer la confiance de la population. Car c’est aussi cela l’enjeu : que ce système inspire suffisamment confiance pour être adopté et sécuriser ainsi nos échanges numériques. Je vous invite donc à rejeter cette loi et à proposer à la Confédération de revoir sa copie.