Adrienne Sordet

Motion déposée par Adrienne Sordet en octobre 2021

Texte complet: M 2785

Exposé des motifs:

Si l’offre d’accueil pour les enfants en âge préscolaire continue de se
développer, le nombre de places disponibles est encore loin de pouvoir
satisfaire la demande des familles. En 2021, et malgré les efforts pour ouvrir
de nouvelles structures ces dernières années, il manquerait près de
2700 places en crèche sur le territoire cantonal.

Ce manque de places a un effet important sur l’organisation des structures
familiales. Trop souvent encore, face à l’absence de mode de garde, ce sont
les femmes* qui doivent interrompre ou réduire leur temps de travail, alors
qu’elles ne le souhaitent pas. Ces interruptions de carrière ont, par la suite, un
effet délétère sur leur progression salariale et leur retraite. Les familles, et
notamment les femmes*, devraient pouvoir bénéficier d’une place en crèche.

Dans un document récapitulatif de différentes études, Pro Enfance listait
les bénéfices de l’éducation et de l’accueil des jeunes enfants. Les résultats
PISA des enfants ayant fréquenté une structure d’accueil préscolaire ont, en
moyenne, de « meilleurs résultats » à l’école que les autres (OCDE, 2017).
Cela a un effet positif sur l’égalité des chances et la lutte contre la pauvreté.
En effet, la mise à disposition d’une offre d’accueil de qualité enclenche un
cycle vertueux pour les familles précaires bénéficiant de la prestation
(OCDE, 2017 ; Stamm, 2019 ; Etat de Fribourg, 2016).

Il a été montré que les premières années de vie sont une période
essentielle pendant laquelle les enfants peuvent adopter des comportements
sains (en matière d’alimentation et d’activité physique), ce qui permet de
réduire significativement les problèmes de surpoids des adolescents (OCDE,
2017). Enfin, en matière de compétences sociales et de vivre ensemble, les
bénéfices ont également été largement démontrés. D’ailleurs, ces bénéfices
sont d’autant plus marqués au sein des éco-crèches, puisque les enfants font
partie intégrante d’un projet où ils créent un lien avec la nature, les autres et
leur environnement direct.

Pour les parents, une place en crèche signifie, notamment, que les mères
peuvent plus facilement accéder à des postes à temps plein et avoir des revenus plus importants (OCDE, 2017). Bien que les éco-crèches existant à
Genève ne couvrent pas des plages horaires aussi larges qu’une crèche
traditionnelle, ces structures permettent un accueil de l’enfant et déchargent
effectivement les mères. Leurs perspectives de carrière en sont donc
améliorées et elles peuvent, ainsi, bénéficier d’une meilleure prévoyance
professionnelle. Pour les entreprises, il a été observé que la prise en charge
d’un enfant dans une structure d’accueil de la petite enfance avait un effet
positif sur le taux de retour en emploi, le taux d’activité et la fidélité des
employées à l’entreprise (La Voix pour la Qualité, 2017).

Pour les familles monoparentales, des structures accessibles favorisent le
retour à l’emploi et l’augmentation du revenu familial. Pour les personnes
migrantes, ces structures offrent des perspectives intéressantes en matière de
réseau social, d’apprentissage de la langue et d’intégration (Etat de Fribourg
2016). Selon une étude du prix Nobel d’économie James Heckman, chaque
franc investi dans la petite enfance en rapporte entre deux et sept.

Ces dernières années, l’effort pour élargir l’offre dans les structures
collectives d’accueil préscolaire a été important, mais il ne suffit toujours pas
à répondre à la demande. Or, il est de la compétence cantonale de faciliter et
d’accompagner l’ouverture de structures supplémentaires pour l’accueil
préscolaire, tout en garantissant des normes minimales de sécurité. En effet,
la LAPr (J 6 28) a notamment pour but de développer l’offre de places
d’accueil de jour pour les enfants en âge préscolaire afin d’atteindre un taux
d’offre d’accueil adapté aux besoins, tout en s’assurant de la qualité des
prestations offertes pour le bien des enfants accueillis. Face au défi de
planification et d’investissement que représentent les modèles « classiques »
de crèche (planification, construction et exploitation d’un bâtiment), des
modèles alternatifs se sont progressivement développés.

Depuis les années 50, les pays scandinaves ont vu se développer des
crèches en forêt avec un projet pédagogique tourné vers la sensibilisation des
enfants à la nature et aux éco-gestes. Porté par le secteur associatif, un
premier projet d’éco-crèche en forêt a vu le jour à Genève, en 2015. Sur le
modèle tchèque, cette première structure vise à permettre aux enfants et à
l’équipe éducative de passer la majorité de leur temps à l’extérieur pour
jouer, explorer, découvrir, créer et apprendre dans la forêt ou dans un espace
naturel et ce, quelle que soit la météo. Les infrastructures nécessaires au bon
fonctionnement de cette crèche se limitent à un canapé forestier, des toilettes
sèches ainsi qu’une roulotte permettant d’assurer les moments de sieste. Ce
type de structure, au-delà de sensibiliser les enfants au respect de la nature et
du vivant, a un coût environnemental extrêmement faible. Il vient
intelligemment compléter l’offre déjà existante d’accueil préscolaire et répond à une demande croissante de la part des familles, puisque des listes
d’attente ont même dû être constituées. La forêt et les espaces naturels
répondent parfaitement aux besoins de développement du corps humain,
grâce aux nombreux stimuli qui peuvent être explorés par l’imaginaire et la
créativité. La forêt, avec sa flore et sa faune variées, ainsi que les
changements saisonniers et météorologiques, suscite la curiosité et la
découverte. En outre, dehors l’enfant est moins susceptible d’être exposé à
des virus ou bactéries (p. ex. : pas de cas COVID-19 dans l’éco-crèche de
Dardagny). Le projet vise, ainsi, à renforcer l’autonomie et la liberté des
enfants, dans un cadre sécurisé.

Cette offre d’accueil préscolaire répond, par ailleurs, à une véritable
demande de la part d’un nombre de plus en plus important de familles. Le
26 avril 2021, Léman Bleu relatait que près de 300 familles étaient en attente
d’une place en éco-crèche.

Malgré ces avantages reconnus, l’ouverture de nouvelles structures de
type éco-crèche en forêt reste confrontée à des difficultés administratives
importantes. En effet, alors que le projet se veut peu gourmand en
infrastructure, la rigidité du règlement actuel impose d’avoir une construction
en dur à disposition en tout temps qui soit conforme aux normes d’accueil
d’une structure de la petite enfance dite « classique ». Cette demande pose
des problèmes insolubles aux structures de type éco-crèche qui visent
justement à ne pas accueillir les enfants dans un espace clos et à passer un
maximum de temps en plein air.

En plus de tout ce qui a été mentionné précédemment, les éco-crèches
sont des modèles d’accueil de la petite enfance intéressants puisque différents
des crèches classiques.
Elles permettent à l’enfant de :

  • développer tous ces sens vis-à-vis de l’environnement qui l’entoure ;
  • être sensibilisé et apprendre à apprécier la nature ;
  • développer sa motricité fine et variée à travers des situations qui ne se
    rencontrent pas à l’intérieur ;
  • développer sa créativité (p. ex. : aucune utilisation de jouets en
    plastique) ;
  • reconnaître et éprouver ses propres limites physiques ;
  • développer la capacité à être en groupe et cultiver les valeurs de
    solidarité, de respect et d’écoute.

Les éco-crèches permettent aussi de :

  • répondre aux besoins des travailleurs et des travailleuses dans la petite
    enfance qui souhaitent travailler dans un autre type de structure que les
    crèches classiques ;
  • répondre aux besoins de stage lors de la formation du personnel désirant
    travailler dans ce type de structures ;
  • sensibiliser les utilisateurs et utilisatrices des espaces naturels lors de
    rencontres avec les enfants de l’éco-crèche ;
  • sensibiliser les familles qui placent leurs enfants dans ce type de structure
    à la nature ;
  • etc.
    Il nous paraît important que le département et les services concernés
    facilitent l’ouverture de structures d’accueil préscolaire de type éco-crèche,
    tout en maintenant la qualité des prestations. Il s’agit de mettre en place un
    règlement spécifique adapté aux faibles besoins en infrastructures et au projet
    pédagogique pour l’ouverture de nouvelles éco-crèches sur le territoire du
    canton de Genève.