Léo Peterschmitt

Motion déposée par Léo Peterschmitt en mai 2025

Texte complet: M 3127

Exposé des motifs

Depuis plusieurs années, la problématique du manque de places en foyers pour mineures et mineurs en situation de détresse est connue, documentée et dénoncée. Malgré les nombreux engagements pris et les interventions parlementaires adoptées pour y mettre un terme, le phénomène des hospitalisations dites « sociales » persiste. La Tribune de Genève révélait dans ses colonnes qu’en mai 2025, ce sont 17 enfants qui occupaient des lits aux HUG faute de solution d’accueil adéquate[1]. Ces chiffres record témoignent de l’échec collectif à concrétiser les promesses faites en matière de protection de l’enfance. 

Les hospitalisations dites « sociales » désignent des placements à l’hôpital d’enfants dont aucune raison médicale ne justifie une hospitalisation, mais dont la situation familiale nécessite un retrait immédiat du domicile. Il peut s’agir de suspicions de maltraitance, de crises familiales graves, ou encore de parents hospitalisés, incarcérés ou en situation d’incapacité temporaire. Faute de places disponibles en foyers ou en familles d’accueil, ces enfants — parfois très jeunes — se retrouvent ainsi hébergés dans des services de soins aigus, au sein d’établissements qui ne sont ni conçus ni organisés pour assurer une prise en charge psychoaffective, éducative et scolaire appropriée. 

Pour rappel, dès 2017, le Grand Conseil adoptait à l’unanimité une motion multipartis demandant au Conseil d’État de mettre fin aux hospitalisations sociales[2]. En 2022, le parlement adoptait à la quasi-unanimité la loi 12902[3] interdisant formellement cette pratique, consacrant ainsi le principe selon lequel l’hôpital n’est pas un lieu de vie pour une ou un enfant non malade, mais un espace de soin. La loi votée entendait également aligner la législation genevoise avec les engagements internationaux de la Suisse, notamment la Convention relative aux droits de l’enfant, qui exige que les placements soient prévus dans une famille d’accueil ou un établissement adapté. 

Or, trois ans plus tard, la réalité est accablante : le nombre d’enfants hébergés dans les services de soins aigus des HUG reste élevé, les opérations pédiatriques non urgentes doivent être reportées et les équipes médico-soignantes sont à bout. Le Service de protection des mineurs (SPMi) et l’ensemble du dispositif d’accueil sont saturés, comme l’attestent les témoignages du personnel et des syndicats. Les conséquences sont lourdes, tant pour les enfants concernés — souvent très jeunes — que pour les patientes et patients, le personnel soignant et le système de santé dans son ensemble. 

La situation actuelle illustre non pas une absence de volonté politique, mais un déficit d’investissement structurel. Il ne suffit pas d’interdire une pratique pour qu’elle cesse : encore faut-il créer les conditions concrètes de son abandon. C’est pourquoi cette motion demande la mise en place d’un plan d’action ambitieux dans le domaine de l’accueil et placement d’enfants hors du milieu familial ainsi que les moyens nécessaires pour garantir une prise en charge digne, stable et conforme aux besoins spécifiques de ces enfants. 

Cette motion s’inscrit dans la continuité des décisions législatives antérieures et donne les moyens de réellement les mettre en œuvre. C’est indispensable, car chaque jour de retard prolonge des situations inacceptables, et compromet notre responsabilité collective envers les enfants les plus vulnérables. 

 

[1] RD 1165, rapport de la commission de contrôle de gestion (année parlementaire 2015-2016) : « Hospitalisations sociales : La CCG recommande de tout mettre en œuvre pour limiter les hospitalisations sociales ; des moyens doivent être alloués aux structures permettant d’éviter ces hospitalisations fort coûteuses, tant sur le plan financier qu’humain. » 

[2] Motion 2401 « pour que les hospitalisations sociales cessent ! », 23 novembre 2017 

[3] Loi 12902 (Pour en finir avec les hospitalisations sociales des enfants), votée le 25 février 2022