Céline Bartolomucci

Motion déposée par Céline Bartolomucci en avril 2025

Texte complet: M 3116

Exposé des motifs:

La pollution survenue début avril 2025 dans la rivière de l’Aire, causée par un rejet alcalin en provenance d’une blanchisserie industrielle de la zone d’activités de Plan-les-Ouates, a entraîné la mort de milliers de poissons (principalement des truites, vairons et loches), affectant jusqu’à l’Arve dans laquelle la pollution s’est ensuite diluée. Il s’agit, selon les autorités, de l’un des épisodes de pollution les plus graves survenus à Genève au cours des dix dernières années. La pêche a dû être interdite dans l’ensemble du tronçon concerné, et les premières analyses ont révélé un effluent fortement basique, remonté jusque dans les réseaux de la ZIMEYSA. Outre le fait que ce drame écologique s’ajoute à une série d’incidents récurrents affectant durablement notre écosystème aquatique genevois, ces faits démontrent la nécessité de renforcer nos outils de surveillance et de réaction, mais aussi d’améliorer les contrôles sur les émetteurs industriels.
Les espèces piscicoles souffrent déjà de pressions croissantes : étiages sévères liés au changement climatique, hausse de la température des eaux, éclusées, rejets urbains, fréquentation humaine de plus en plus forte, etc. Cette accumulation de stress fragilise les populations de poissons et menace une biodiversité locale déjà bien mise à mal.

Ce nouvel épisode de pollution met en lumière la vulnérabilité persistante de cette rivière emblématique qui, malgré deux décennies d’efforts de renaturation salués internationalement, notamment par le 1er prix du paysage du Conseil de l’Europe en 2019, mérite aujourd’hui une protection renforcée. Le Grand Conseil a par ailleurs déjà adopté plusieurs textes en ce sens (notamment les motions 2678 et 2682), appelant à garantir la quantité et la qualité de l’eau, ainsi qu’à une gouvernance concertée. Cependant, l’absence d’outils opérationnels de détection, de coordination rapide et de traçabilité des incidents empêche d’éviter ou de limiter efficacement les dégâts.

Ainsi, à ce jour, le canton de Genève ne dispose pas d’une cellule pluridisciplinaire formalisée, permanente et dotée de moyens spécifiques pour réagir rapidement aux pollutions accidentelles des cours d’eau. Il n’existe pas non plus de registre public centralisé des épisodes de pollution environnementale, contrairement à plusieurs autres pays, tels que :

  • Le Canada, avec la mise en place l’Inventaire national des rejets de polluants (INRP), une base de données publique recensant les rejets dans l’eau, l’air et le sol, accessible aux citoyens, collectivités et autorités.
  • L’Environment Agency au Royaume-Uni, qui dispose d’un registre national des incidents environnementaux, notamment les pollutions des cours d’eau, classés par catégories de gravité. Ces données sont mises à jour régulièrement et accessibles au public.
  • Ce même organisme britannique dispose également d’une équipe pluridisciplinaire dédiée à la réponse aux incidents environnementaux, joignable 24h/24 et capable d’intervenir rapidement en cas de pollution. Les incidents peuvent être signalés via une ligne d’urgence dédiée.

Ces exemples démontrent qu’il est possible de concilier transparence, efficacité de l’action publique et mobilisation citoyenne pour prévenir et documenter les pollutions. Genève, souvent à la pointe en matière d’environnement, se doit d’adopter des dispositifs comparables, pour protéger son patrimoine naturel, respecter ses engagements constitutionnels et répondre à l’attente légitime de la population.