Pierre Eckert

Question écrite déposée par Pierre Eckert en novembre 2022

Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: Q 3903 A

Exposé de la question:

Le 2 septembre 2022, le Grand Conseil a voté la nouvelle loi sur les
déchets. Elle nécessite que les infrastructures de traitement des déchets pour
lesquelles les investissements ont été validés soient réalisées.

Ainsi, l’usine d’incinération de Cheneviers IV doit entrer en service fin
2023. Pour rappel, cette usine aura une capacité moindre de traitement des
déchets incinérables. Ceci nous oblige à un effort collectif de tri et de
diminution de nos déchets incinérables de 25%. Cet équipement doit
également fournir de la chaleur à de nombreux foyers genevois1.

D’autre part, la construction d’un centre de traitement des déchets verts
(déchets compostables et déchets organiques méthanisables) dénommé
Pôlebio a été décidée en 2016 pour remplacer le site du Nant de Châtillon
déjà à saturation depuis plusieurs années. Cet équipement vient accompagner
le nécessaire développement des collectes de déchets de cuisine voulu par le
canton et les communes2.

Mes questions portent sur la construction de ces équipements :

  1. Pourquoi le chantier de construction de Cheneviers IV ne présente-t-il
    aucun signe d’activité ? Le chantier est-il réellement en cours ? La date
    de mise en service initiale sera-t-elle tenue ? Sinon, à quelle date cet équipement sera-t-il réellement opérationnel ? Sinon également, quelles
    sont les raisons du retard pris ?
  2. Pourquoi le chantier de Pôlebio n’a-t-il pas débuté, alors même que les
    décisions ont été prises en 2017 (plus de 5 ans) ? Le partenariat publicprivé
    (SIG et Groupe Helvetia) est-il à l’origine de ce retard – sachant
    que le Groupe Helvetia a fait ces derniers temps la une des médias
    romands, qui font état de possibles difficultés financières et de pratiques
    curieuses d’exportation de déchets à l’extérieur du canton de Genève
    voire à l’étranger ?
  3. Le retard pris par la construction de Pôlebio n’est-il pas une
    opportunité pour réévaluer la pertinence des choix techniques et
    technologiques de compostage et de méthanisation retenus ? En 5 ans,
    des technologies nouvelles et plus performantes (moins consommatrices
    d’énergie, par exemple) ont-elles été mises sur le marché et de ce fait
    vont-elles équiper Pôlebio ?

Réponse du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat remercie le député concerné pour ses questions. Celles-ci
sont légitimes, dès lors que les 2 installations de traitement des déchets
objets de la présente question ordinaire, à savoir Cheneviers IV et PôleBio,
sont essentielles à la mise en oeuvre de la politique de gestion des déchets du
canton. Les réponses suivantes peuvent être apportées.

Pourquoi le chantier de construction de Cheneviers IV ne présente-t-il
aucun signe d’activité ? Le chantier est-il réellement en cours ?

La particularité de ce projet réside dans le fait de construire une nouvelle
usine sur le même terrain que l’usine actuelle, tout en maintenant
l’exploitation de cette dernière afin de continuer à traiter normalement les
déchets de la population genevoise. Ainsi, jusqu’à présent, la construction a
principalement consisté en des transformations successives d’éléments se
trouvant à l’intérieur des murs actuels, sans signe majeur de visibilité
extérieure, à l’exception de la démolition des cheminées ou de la construction
d’un pont tournant.

Cette première phase a notamment concerné les travaux relatifs à la dalle
de déchargement, au cycle thermique et à la nouvelle turbine à vapeur, qui
devraient être mis en service d’ici au printemps 2023. La prochaine étape se
déroulera dans la zone sud de l’usine et concernera une phase beaucoup plus
visible, puisqu’il s’agira, dans un premier temps, de démolir une partie
importante de l’usine actuelle puis, sur l’emplacement alors libéré, de bâtir
l’enveloppe externe de la nouvelle usine, ainsi que ses nouveaux équipements
de traitement des déchets.

La date de mise en service initiale sera-t-elle tenue ? Sinon, à quelle date
cet équipement sera-t-il réellement opérationnel ? Sinon également, quelles
sont les raisons du retard pris ?

Le chantier accuse du retard, en raison de la survenance de diverses
problématiques avec plusieurs fournisseurs. Pour 2 d’entre eux, les Services
industriels de Genève (SIG) font face à des revendications financières
(particulièrement conséquentes pour l’un des 2 fournisseurs) qu’ils
considèrent injustifiées. Par conséquent, et compte tenu du profil des sociétés
concernées, filiales de grands groupes internationaux, l’entreprise a décidé de
traiter ces dossiers avec une grande fermeté. Les SIG mettent en effet tout en
oeuvre pour maintenir le coût total de l’usine dans la cible planifiée et ainsi
garantir la correcte utilisation des deniers publics. Il est précisé que les lots
concernés sont relatifs à des installations spécifiques, non courantes sur le marché (très peu de fournisseurs potentiels en Europe), et que lesdits lots ont
été adjugés selon les procédures de marchés publics, ne laissant par
conséquent aucune marge de manoeuvre aux SIG dans le choix des
fournisseurs.

A ces questions financières s’ajoutent également des enjeux techniques, le
groupe adjudicataire des nouveaux équipements de traitement des déchets
ayant notamment perdu son sous-traitant principal, le fabricant de la
chaudière, suite à une faillite. Une solution alternative est donc actuellement
en cours d’étude.

Malgré ces éléments inhérents à tout grand chantier mais aussi à la
période actuelle particulière, le chantier se poursuit néanmoins, avec une
forte mobilisation des équipes tant techniques que juridiques et financières,
afin de résoudre ces problématiques de la meilleure façon possible. Mais en
vertu de ce qui précède, les SIG ont annoncé au département du territoire que
la mise en service serait déplacée à 2026, pour autant que les problèmes
évoqués puissent être résolus avec satisfaction.

Pourquoi le chantier de PôleBio n’a-t-il pas débuté, alors même que les
décisions ont été prises en 2017 (plus de 5 ans) ? Le partenariat publicprivé
(SIG et Groupe Helvetia) est-il à l’origine de ce retard – sachant que
le Groupe Helvetia a fait ces derniers temps la une des médias romands,
qui font état de possibles difficultés financières et de pratiques curieuses
d’exportation de déchets à l’extérieur du canton de Genève voire à
l’étranger ?

Le projet PôleBio prévoyait initialement un projet associant la
valorisation organique (méthanisation – compostage) et la valorisation
thermique des déchets de bois. Cette dernière activité étant, à l’époque,
fortement péjorée par le niveau du prix de l’énergie, a été exclue du périmètre
du projet, ce qui a entraîné une réorganisation de l’actionnariat fin 2017 avec
le départ de la société Serbeco du partenariat.

Les actionnaires restants (Helvetia Environnement et SIG) ont alors
activement relancé le projet sur la base de la valorisation organique seule.
Cela s’est traduit, d’une part, par l’acquisition d’une parcelle sur la zone
industrielle du Bois-de-Bay, seule zone industrielle pouvant accueillir ce type
d’activité sur le canton et, d’autre part, par la réalisation d’une étude
préalable dont les conclusions ont été livrées fin 2019.

A l’issue de cette étude préalable, les actionnaires ont décidé le lancement
des études détaillées en octobre 2019, dont les réalisations sont les suivantes :

  • signature du décret de concession et de la convention associée le 30 juin
    2021 par le Conseil d’Etat à l’issue d’une négociation de 18 mois avec
    l’Etat et l’Association des communes genevoises (ACG) sur les modalités
    d’application de la concession;
  • appels d’offres et sélection des partenaires pour la fourniture des lots
    « Process », « Génie Civil / Bâtiment » et « électricité automatisme ». Ces
    contrats sont aujourd’hui finalisés;
  • processus de requêtes en autorisation de construire et d’exploiter qui a
    commencé en février 2022 et dont la publication dans la Feuille d’avis
    officielle (FAO) devrait advenir d’ici la fin du mois de décembre 2022.

Le projet est actuellement en phase de décision finale d’investissement,
dont le facteur déclenchant est l’obtention des autorisations de construire et
d’exploiter. Le planning prévoit, hors recours des tiers, un démarrage des
travaux début 2023 pour une mise en service fin 2024.

Le projet, dont la conception a été finalisée ces 18 derniers mois, mobilise
les technologies les plus avancées pour la valorisation des déchets organiques
et permet de maximiser la production de biogaz, qui sera valorisé en
biométhane et injecté dans le réseau, en remplacement du gaz fossile.

Le retard pris par la construction de PôleBio n’est-il pas une opportunité
pour réévaluer la pertinence des choix techniques et technologiques de
compostage et de méthanisation retenus ? En 5 ans, des technologies
nouvelles et plus performantes (moins consommatrices d’énergie, par
exemple) ont-elles été mises sur le marché et de ce fait vont-elles équiper
PôleBio ?

Pour définir la filière de valorisation, PôleBio a pu s’appuyer sur des
analyses et essais sur le site existant de Châtillon, ainsi que sur le soutien du
site de méthanisation – compostage Ecorecyclage de Lavigny (VD), dont le
traitement est similaire. PôleBio a ainsi pu définir une filière adaptée à la
typologie de déchets organiques des ménages genevois, qui sont souvent
contaminés par des plastiques et du métal en raison d’erreurs de tri.

L’installation de traitement offrira ainsi les meilleures performances au
regard de l’état de l’art, notamment en ce qui concerne le fléau que représente
les plastiques dans les déchets organiques collectés. Sur ce point particulier,
un système de tri optique permettra d’éliminer sélectivement les plastiques
avant épandage du compost, garantissant un parfait respect des ordonnances
fédérales.

Par ailleurs, cette unité produira de grandes quantités d’engrais organique
pour nos agriculteurs, permettant de réduire la dépendance du canton aux
engrais chimiques, dont les prix se sont envolés avec la crise de l’énergie et
dont l’innocuité pour la biodiversité est fortement questionnée. Ils
apporteront également de la matière organique dans nos sols, dont
l’appauvrissement est problématique.

A ce stade de maturité, toute remise en question de ce projet, fruit de la
collaboration de PôleBio Energies SA avec tous les offices et acteurs du
canton, engendrerait un délai de plusieurs années avant de disposer d’une
nouvelle unité. Cela serait pénalisant pour les raisons qui suivent.

Tout d’abord, le site actuel de Châtillon est en fin de vie et est maintenu
en fonctionnement au prix d’efforts importants.

De plus, sa capacité de traitement est insuffisante pour valoriser les
25 000 tonnes par an de déchets organiques supplémentaires qui vont
actuellement aux Cheneviers et qui doivent être collectés par la filière
organique grâce notamment à l’obligation de tri imposée par la nouvelle loi
sur les déchets. On notera également que l’usine Cheneviers IV n’aura plus la
capacité de les traiter, celle-ci étant ramenée à 160 000 tonnes par an contre
210 000 tonnes aujourd’hui.

Par ailleurs, grâce à sa technologie d’hygiénisation, PôleBio permettra de
valoriser des déchets qui sont aujourd’hui traités dans d’autres cantons, faute
de capacité sur notre territoire, comme les lavures de restaurant.

Enfin, PôleBio offre également la possibilité de valoriser localement la
majorité des déchets carnés actuellement gérés par le CIDEC (Centre
intercommunal des déchets carnés), qui doit cesser son activité
prochainement et libérer sa parcelle dans le cadre du projet du PAV (Praille-
Acacias-Vernets).

Pour le Conseil d’Etat, l’unité industrielle PôleBio, dont la construction va
commencer, sera un véritable levier pour la résilience de notre territoire,
accélérant ainsi notre transition vers une économie locale et circulaire
durable.