[QUE] Mineurs non accompagnés dits MNA et hébergements d’urgence
Marjorie de Chastonay
Question urgente écrite déposée par Marjorie de Chastonay en mars 2021
Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1515 A
Exposé de la question:
Suite à une question orale des Vert.e.s à la Ville de Genève lors de la
séance plénière du Conseil municipal du 9 mars 2021, nous apprenons que
les hébergements d’urgence de la Ville font actuellement face à une
problématique qui n’a que trop duré concernant l’accueil et la prise en charge
des MNA. Le personnel du sleep-in mis en place par l’association Caravane
sans Frontières au temple de la Servette nous rapporte qu’entre 5 et 10 MNA
sont refusés chaque soir faute de places et de dispositifs adéquats et dorment
dans la rue et sous les ponts. Les occupations des quartiers des Grottes et du
parc des Cropettes ont d’ailleurs fait les titres des médias et ont eu pour seule
réponse une approche sécuritaire avec la mise en place du Groupe vols et
agressions de rue, le GVAR de la police cantonale. Alors que la Ville et le
canton de Zurich ont démontré leur exemplarité en matière de politique de
lutte contre l’usage de stupéfiants grâce à leur collaboration avec la
Confédération, Genève devrait s’appuyer sur cet exemple pour enfin amener
une réponse à la problématique générale des jeunes en errance.
Le nombre de MNA est aujourd’hui estimé à près de 80 à Genève. Cette
situation a été rapportée par la Caravane sans Frontières au service de
protection des mineurs (SPMi), sans réponse conséquente jusqu’ici.
Constatant le besoin d’amener une réponse coordonnée avec l’ensemble des
acteurs institutionnels, mes questions sont les suivantes :
- Quel constat tire le Conseil d’Etat de la situation ? A-t-il des chiffres et
des éléments à fournir quant aux réponses amenées à cette
problématique depuis le début de la pandémie ? - A quand la mise en place d’un mécanisme de prise en charge concertée entre le canton et la Ville de Genève menant à une réponse globale sur le plan social, sanitaire et sécuritaire ?
- Dispose-t-on aujourd’hui de moyens nécessaires pour faire face à cette situation d’extrême urgence relevant d’obligations constitutionnelles et internationales ?
Réponse du Conseil d’Etat
Le Conseil d’Etat confirme que depuis le printemps 2018, de très nombreux
jeunes étrangers en errance, se déclarant mineurs non accompagnés (MNA) et
issus généralement d’Algérie, du Maroc et de Tunisie, sollicitent les services
de l’Etat et en particulier le service de protection des mineurs (SPMi). Or, cette
population, constituée principalement de jeunes hommes âgés entre 15 et 25
ans, est particulièrement complexe à prendre en charge en raison d’une très
faible proximité avec nos institutions, de conditions de vie empreintes de
précarité, de mobilité permanente entre la Suisse et d’autres pays européens,
ainsi que de la commission d’infractions. En outre, il s’agit de jeunes dont le
nombre oscille, au gré de leur mouvement migratoire, entre 40 et 120
personnes selon les mois, avec des arrivées et des départs chaque jour.
Afin de répondre de manière coordonnée à cette situation complexe, le
Conseil d’Etat en a confié l’examen à sa délégation à la migration composée
du conseiller d’Etat chargé du département de la sécurité, de l’emploi et de la
santé (DSES), qui la préside, de la conseillère d’Etat chargée du département
de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) et du conseiller
d’Etat chargé du département de la cohésion sociale (DCS). Depuis sa création,
cette délégation a ainsi consacré la majorité de ses travaux au traitement,
souvent dans l’urgence, de la problématique des jeunes en errance, en
particulier celle des MNA.
La délégation a souhaité qu’une plateforme de concertation soit également
mise en place, regroupant les acteurs institutionnels et associatifs impliqués
dans le suivi de ces jeunes sous l’angle de l’hébergement, de l’encadrement
socio-éducatif, de la sécurité, de la prise en charge sanitaire et de la migration.
La Plateforme Jeunes migrants en errance est ainsi composée de représentants du DIP, dont le SPMi, du DSES, dont la police et l’office cantonal de la
population et des migrations (OCPM), du DCS, de l’Armée du Salut, de la
Fondation officielle de la jeunesse (FOJ), de la Ville de Genève, de l’Hospice
général, de la Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle (FASe),
des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), de l’Unité mobile d’urgence
sociale (UMUS-imad), de Caritas-Genève et du Collectif d’associations pour
l’action sociale (CAPAS).
Afin de garantir le fait que la protection due aux mineurs par notre canton
s’adresse en priorité aux MNA dont la minorité est avérée, le Conseil d’Etat a
instauré, depuis octobre 2020, un processus cantonal d’examen de la situation
de séjour des MNA présumés, conçu de manière à pouvoir notamment
identifier parmi cette population les personnes qui sont effectivement
mineures. Ce nouveau processus permettra de tenir dûment compte de l’intérêt
supérieur de l’enfant dans le cadre de la décision rendue par l’OCPM. Il répond
par ailleurs à l’une des recommandations à caractère contraignant, adressées à
la Suisse suite à l’évaluation Schengen de 2018.
En ce qui concerne les données quantitatives, les tableaux ci-dessous
résument mois après mois la situation dans le canton : tableaux
Il s’agit de tableaux répertoriant le nombre de jeunes enregistrés par mois.
Ces chiffres diffèrent donc de la situation quotidienne relevée par le SPMi.
Ainsi, pour exemple, à mi-avril de cette année, 39 jeunes avaient un dossier
ouvert auprès du SPMi. Il est à relever que depuis début mars 2021, très peu
de jeunes se sont présentés et ont donc été enregistrés et reçus par le service,
ce qui semble contraster avec la situation apparemment décrite par l’association
Caravane sans Frontières.
Sur le plan de l’hébergement, après avoir logé les jeunes se présentant
comme MNA au sein de divers hôtels jusqu’à l’automne 2019, le dispositif de
prise en charge a été amélioré et environ 35 places ont été créées dans des lieux
appropriés pour des jeunes, en collaboration avec l’Armée du Salut et la
Fondation officielle de la jeunesse (FOJ). A ce jour, lorsque ces places sont
toutes occupées et que des jeunes apparemment vulnérables se présentent au
SPMi, ils sont logés temporairement en hôtel.