[QUE] Presque deux ans pour une réponse, c’est long, non ?
Didier Bonny
Question urgente écrite déposée par Didier Bonny en avril 2022
Texte complet et réponse du Conseil d’Etat: QUE 1725 A
Exposé de la question:
Le 28 février 2019, le Grand Conseil renvoyait à la commission des
affaires sociales la motion 2526 intitulée « Faciliter l’insertion
professionnelle et l’octroi d’un permis de séjour aux personnes déboutées de
l’asile dont le renvoi n’est pas réalisable ». Le 13 septembre de la même
année, la motion était adoptée et renvoyée au Conseil d’Etat à une très large
majorité (76 oui, 6 non et 2 abstentions). Près d’un an plus tard, soit le
28 août 2020, le Grand Conseil prenait connaissance de la réponse du Conseil
d’Etat qui lui était aussitôt renvoyée par 44 oui contre 31 non. Les arguments
du renvoi étaient les suivants :
Pour les Verts, par la voix de M. David Martin, premier signataire de la
motion 2526, il est souhaité que « le gouvernement exploite davantage la
marge de manoeuvre dont il dispose dans ses discussions avec la
Confédération ».
Pour les socialistes, c’est Mme Léna Strasser qui s’exprime : « cette
réponse manque pourtant de données un peu plus concrètes et chiffrées.
Combien de personnes ont obtenu des dérogations pour poursuivre une
formation ou un emploi ? Est-ce qu’un permis leur a été octroyé, ne serait-ce
qu’une admission provisoire ? Le Conseil d’Etat peut-il nous dire combien de
personnes se trouvent dans cette situation ? Les associations disposent de
quelques chiffres, mais selon nous il serait intéressant de connaître la position
du Conseil d’Etat. Et finalement, qu’en est-il des jeunes qui n’ont pas encore
trouvé un apprentissage, qui ne sont pas encore en emploi ? »
Le PDC lui emboîte le pas. Pour M. Bertrand Buchs, « il est donc clair
qu’il faut les (les jeunes déboutés de l’asile dont le renvoi n’est pas
réalisable) encadrer et les soutenir. Ils doivent pouvoir suivre une formation,
car c’est un gain pour l’avenir. Il faut faire un maximum pour eux, et je pense qu’on n’attend pas seulement des chiffres du Conseil d’Etat, mais une
véritable volonté d’intégration de ces jeunes. »
Près de deux ans après cette déclaration, on peut lire dans l’article du
Courrier de ce jour (7 avril 2022) dans la bouche de M. Dario Lopreno, qui
s’exprime au nom des syndicats SSP et SIT, qu’il y a « un manque total de
perspectives pour les jeunes adultes » qui devraient bientôt quitter le foyer de
l’Etoile. Pour lui, « ils seront refourgués dans des centres d’hébergement
cantonal, ou des appartements partagés, sans suivi et sans projet. Car pour les
personnes déboutées, il n’y a aucune possibilité d’étude ou de travail. » C’est
pourquoi il est demandé la création de lieux d’accueil spécifiques pour ces
jeunes adultes.
Mais pour en revenir au débat concernant la réponse du Conseil d’Etat à
la motion 2026, Mme Jocelyne Haller, au nom du groupe Ensemble à Gauche,
soutient le renvoi au Conseil d’Etat en demandant « en outre de considérer la
situation de ces personnes avec un peu plus de réalisme et d’humanité ».
Compte tenu de ce qui précède, ma question au Conseil d’Etat, que je
remercie par avance de sa réponse, est toute simple :
Le 28 août 2020, soit il y a presque deux ans, le Grand Conseil a
renvoyé au Conseil d’Etat sa première réponse concernant la motion 2526
qu’il a estimée incomplète. Quand le Grand Conseil prendra-t-il enfin
connaissance de cette nouvelle réponse ?
Réponse du Conseil d’Etat
Dans son rapport du 24 juin 2020 sur la motion 2526 (M 2526-B), le
Conseil d’Etat rappelait que le droit fédéral (art. 43, al. 2, de la loi fédérale sur
l’asile, du 26 juin 1998 (LAsi; RS 142.31)) ne permettait malheureusement pas
à un requérant débouté définitivement de sa demande d’asile de poursuivre une
activité lucrative au-delà de la date de son délai de départ.
Il précisait toutefois que, dans la pratique, les autorités cantonales
genevoises laissaient déjà les requérants d’asile déboutés, en faveur desquels
elles avaient l’intention de présenter au Secrétariat d’Etat aux migrations
(SEM) une demande de régularisation du séjour en application de l’article 14,
alinéa 2 LAsi, poursuivre une éventuelle activité lucrative, voire initier une
nouvelle activité professionnelle et que les services cantonaux compétents
examinaient ces situations au cas par cas.
Le Conseil d’Etat ajoutait que, pour tenir compte de la situation particulière
dans laquelle certaines personnes se trouvaient, sa délégation à la migration
(DCEMI), composée des conseillers d’Etat chargés du département de la
sécurité, de la population et de la santé (DSPS), qui la préside, du département
de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) et du
département de la cohésion sociale (DCS), autorisait exceptionnellement les
requérants d’asile déboutés non bénéficiaires d’une admission provisoire, sans
perspective de renvoi effectif à court terme, à travailler, pour autant qu’ils aient
déjà un emploi ou qu’ils aient déposé une demande d’activité lucrative avant
l’échéance de leur délai de départ. La DCEMI permettait également à ceux qui
avaient débuté une formation de la poursuivre. Là aussi, les situations étaient
examinées au cas par cas. Ces facilités sont toujours en vigueur aujourd’hui.
Par ailleurs, le Conseil d’Etat continue à veiller à ce que l’office cantonal
de la population et des migrations (OCPM) examine bien tous les dossiers
répondant a priori aux conditions posées par l’article 14, alinéa 2 LAsi, qui
permet de régulariser la situation des requérants d’asile en procédure ou
déboutés après 5 ans de séjour en Suisse, et qu’il les préavise favorablement
auprès du SEM.
A ce sujet, le Conseil d’Etat est intervenu auprès du Conseil fédéral pour
que la procédure d’examen des cas soit assouplie. Il demandait que le canton
soit habilité à préaviser favorablement les dossiers contenant une attestation
témoignant du fait qu’une demande de passeport est en cours auprès de la
représentation diplomatique concernée, nonobstant le fait que les directives
fédérales correspondantes exigent la production d’un document d’identité pour
entrer en matière sur une régularisation, et que l’existence d’un passeport dans
le dossier ne soit contrôlée qu’au moment du renouvellement de l’autorisation de séjour délivrée. La DCEMI entend examiner avec les associations actives
dans le domaine de la migration les cas individuels qui seraient susceptibles
d’amener le SEM à se positionner concrètement. Pour ce qui est de la poursuite
d’une formation par une personne relevant de l’asile définitivement déboutée
et dont le renvoi ne peut être exécuté, le Conseil d’Etat poursuivra ses
démarches afin de rechercher des solutions à cette problématique à laquelle il
est sensible.