Relations sino-suisses : des accords indignes d’une grande démocratie
Dilara Bayrak
Résolution verte déposée par Dilara Bayrak en octobre 2020
Texte complet: R 931
Exposé des motifs:
La tradition humaniste de la Suisse, à laquelle ont contribué Henry Dunant,
Guillaume Henri Dufour, Emilie Gourd, Jean-Pierre Hocké, Carla Del Ponte et
bien d’autres, constitue une part de l’identité de tout citoyen suisse.
Malheureusement, les faits qui ont été relatés par les médias internationaux
sont très préoccupants et mettent à mal cette vision humaniste du monde.
Il s’avère que le Conseil fédéral tolère depuis plusieurs années la présence
d’agents des services de sécurité chinois sur notre territoire, en dehors de tout
débat parlementaire sur ce sujet. Ce qui est plus préoccupant encore, ces
derniers sont autorisés à mener des enquêtes sur le sol suisse et à conduire
des interrogatoires alors même qu’ils ne bénéficient d’aucun statut officiel.
« Dès que la nationalité des personnes concernées est établie, elles reçoivent
des documents de voyage et sont reconduites en Chine. » De plus, les coûts
de cette procédure sont pris en charge par la Suisse. Ces conditions
découlent d’un accord datant de 2015 et, bien qu’il arrive à terme en
décembre 2020, la Confédération souhaite le reconduire et se trouve
actuellement en pleine discussion.
La République populaire de Chine a été épinglée à plusieurs reprises et
par différents médias pour les violations qu’elle commet en son sein,
traquant les minorités jusque dans les recoins les plus intimes de leurs
maisons et enfermant des millions d’Ouïghours dans des camps de
concentration où les femmes y sont stérilisées de force6. Plusieurs pays et
organisations ont reconnu ces faits et proposé des mesures : c’est le cas des Etats-Unis, du Parlement européen, de la France et de bien d’autres
encore.
Dans un contexte où le gouvernement chinois s’attaque toujours plus
durement à ses opposants, l’assentiment du Conseil fédéral à la présence d’agents
chinois est incompréhensible et viole les engagements de la Suisse vis-à-vis de la
communauté internationale. En effet, parmi les différentes conventions
internationales auxquelles la Suisse est partie, la Convention européenne sur les
droits de l’homme (CEDH) ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils
et politiques (Pacte ONU II) garantissent un certain nombre de droits aux
minorités, notamment l’obligation aux Etats adhérents d’instaurer une protection
efficace contre les discriminations et les persécutions envers les minorités.
La reconduction des accords avec Pékin signifierait que la Suisse autorise
des activités s’apparentant à de l’espionnage visant à réprimer et surveiller un
certain nombre de minorités en toute impunité. Cette accoutumance est
incompatible avec les engagements internationaux de la Suisse ainsi que les
droits fondamentaux garantis dans notre Constitution fédérale : le droit à la vie
et à la liberté personnelle, la protection de la sphère privée, la liberté de
conscience et de croyance ainsi que la liberté d’opinion et d’information y sont
tous énumérés. De par la souveraineté de notre pays, c’est l’ordre juridique
suisse qui prévaut sur notre sol : la CEDH et le Pacte ONU II en font de facto
partie de par le caractère moniste de notre système juridique. La Suisse se doit
de défendre les valeurs qu’elle promeut sur son propre territoire et toutes les
personnes qui s’y trouvent doivent pouvoir bénéficier des droits prévus par nos
lois. Il convient dès lors de ne pas reconduire l’accord permettant aux
fonctionnaires chinois d’enquêter, en Suisse, sur leurs ressortissants.
Il est grand temps d’agir et de passer à des demandes plus concrètes à
l’occasion de la renégociation des accords avec la Chine. Il ne serait pas
compréhensible que les demandes qui ont été formulées par nos
représentants soient laissées pour lettre morte, dénigrant de fait la tradition
et la culture humaniste de la Suisse.