Chères Vertes,
Chers Verts,

En tant que maire de la Ville de Genève, il m’incombait d’organiser les festivités liées à notre Fête nationale. chaque année, une thématique est mise en avant. Il me tenait à cœur de promouvoir l’agriculture de proximité. Alors que nous faisons signer une initiative pour des aliments équitables, j’avais envie de mettre à l’honneur Les Jardins de Cocagne, en tant que précurseurs, ainsi que toutes les autres initiatives contractuelles entre producteurs et consommateurs. En cette année d’élections fédérales, j’ai voulu marquer le coup en invitant Fernand Cuche, ancien Conseiller national et ancien Conseiller d’Etat neuchâtelois, à prononcer un discours à mes côtés.

Voici des extraits de mon discours :

Je retrouve dans cette initiative [des Jardins de Cocagne] plusieurs traits de l’esprit du Pacte fédéral de 1291, dont plusieurs extraits vont être lus tout à l’heure par des enfants. J’y vois notamment un esprit de résistance, une résistance contre l’agriculture industrielle et polluante qui prévalait dans les années 70 et l’idéologie productiviste qui la gouvernait. J’y vois aussi un esprit de solidarité puisque les Jardins de Cocagne se veulent solidaires du métier d’agriculteur ici à Genève et en Suisse, et soutiennent des projets ailleurs dans le monde. J’y vois enfin un esprit soucieux du bien public, qui vise le développement d’une agriculture respectueuse des consommateurs et de l’environnement.

Vous le savez, les problèmes liés au climat et à l’environnement n’ont pas de frontières et préoccupent aujourd’hui tous les pays et toutes les collectivités publiques. En décembre aura lieu à Paris la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, qu’on appelle aussi la COP 21.
Je me suis rendue au début du mois de juillet au Sommet mondial Climat et territoires à Lyon, une étape préparatoire à cette Conférence. Ce sommet a réuni les acteurs non-étatiques engagés dans la lutte contre le réchauffement climatique, et notamment de nombreux maires de villes du monde entier, des représentants de la société civile et des responsables de collectivités locales et d’ONG. J’ai été impressionnée par l’énergie positive qui émanait des participants et par leur forte mobilisation.

Aujourd’hui, il est devenu évident que le patriotisme ne va pas sans le souci du climat et de l’environnement. Il ne va donc pas sans une réforme de nos façons de vivre. Nous savons tous que de nouveaux modes de production, de distribution et de consommation sont nécessaires pour sauvegarder la planète. Les Suisses en sont conscients. La Constitution fédérale a inscrit le développement durable dans les buts de la Confédération. Et le canton de Genève est le premier en Suisse à avoir introduit le droit à un environnement sain dans le catalogue des droits fondamentaux de sa nouvelle Constitution.

Esprit de résistance, solidarité et souci du bien commun : c’est en s’appuyant sur ces trois valeurs fondatrices que la Suisse pourra affronter les nombreux défis qui l’attendent, dont celui du réchauffement climatique.

Je vous remercie pour votre attention et je vous souhaite à toutes et à tous une très belle fête nationale !

Et des extraits du discours de Fernand Cuche. Il commence de manière ironique par glorifier la loi toute puissante du marché économique, qui nous permet d’obtenir des denrées alimentaires aux plus bas prix, arrivant chaque jour dans des camions frigorifiques de 60 tonnes en plein cœur de nos villes. Puis il s’extrait de cette rhétorique, pour appeler au patriotisme et à la souveraineté alimentaire, en excluant au passage le repli identitaire et en mettant en valeur la qualité et la diversité notamment, des critères chers aux Verts:

Paradoxalement cette quête du profit – car c’est bien de cela qu’il s’agit- nous appauvrit. Se retrouver avec une élite de supermans, quelques variétés performantes de céréales, quelques races performantes pour produire du lait ou de la viande est sans avenir pour l’humanité. Plus nous développons des moyens de domination de la nature plus nous saccageons le potentiel qui nous permet de vivre et d’espérer.

Nous sommes d’une violence inouïe à l’égard de notre environnement naturel. Je vous l’accorde, il n’est pas toujours tendre avec nous non plus. Nos ancêtres ont travaillé dur pour éviter les inondations, se protéger contre les avalanches, défricher à la force des bras pour se nourrir chichement.
Mais pour nous, vivants dans des pays industrialisés, riches, que nous manque-t-il ? Si nos vaches manquent d’eau en période de canicule les hélicoptères décollent pour les abreuver. S’il est interdit de remplir les piscines privées les gens redécouvrent le lac. Si les grillades en plein air sont interdites nous retournons à la cuisine.

Je sais. L’inquiétude qui nous entoure est diffuse, plus profonde. L’économie est fragile, le travail aléatoire, le revenu insuffisant pour nombre d’entre nous. Nous nous interrogeons pour l’avenir de nos enfants.
Choisir le thème de l’agriculture de proximité pour ce 1er Août n’est de loin pas une lubie ou un égarement politique. Liés à la survie nos ancêtres tissaient et entretenaient des liens étroits avec leurs terres nourricières. Nous y revenons parce que nous en ressentons la nécessité depuis quelques temps déjà. Nullement l’effet d’une mode. Nous sommes dans l’année internationale des sols. Ce n’est pas une lubie ou un égarement politique de l’ONU. Le sol constitue une des principales ressources pour l’agriculture. Il est notre terre nourricière. Des substrats où s’accrochent des plantes dopées aux engrais du commerce ne sauraient nourrir l’humanité.
Dans l’agriculture de proximité le sol retrouve le respect que nous lui devons. Il nous offre la possibilité de nous enraciner. Avec lui nous vivons les saisons, nous sommes dans le temps long. Un millimètre de sol met 150 ans à se constituer…J’en suis persuadé, l’alimentation de proximité éloigne partiellement cette inquiétude qui nous entoure.

Les valeurs de la souveraineté alimentaires ne se référent pas à un nationalisme accompagné parfois de xénophobie ou d’une volonté d’isolement. Elles prennent racines dans un champ de libertés qui reconnaît à une population le droit de choisir la qualité de son alimentation et de légiférer pour faire respecter ce choix.
Madame la Maire je vous présente mes remerciements et ma reconnaissance pour ce lien étroit et durable que vous tissez entre la ville et la campagne. En invitant la paysannerie au coeur de la ville, vous nous rappelez avec pertinence les liens qui nous unissent et les chan
ces de pouvoir cheminer ensemble.

Solidairement vôtre,
Esther Alder