Par Leo de Abreu Nunes, candidate Verte au Grand Conseil

Les quelques rares et honteux arguments qu’on peut entendre des tristes partisan.e.x.s de la peine de mort sont souvent centrés autour de l’injustice pour l’état et ses contribuables de porter le poids financier d’un individu ayant commis un crime grave et dangereux pour la société. Il fait donc ainsi sens de condamner à mort celles et ceux qui représentent une trop grande menace pour la paix ou un trop grosse charge financière.

Bien entendu, les questions que cela suscite – la paix et une grosse charge financière pour qui ? Une vie a-t-elle donc un prix que l’on peut calculer en impôts ? Qu’est-ce que cette décision signifie d’un point de vue éthique et moral ? – ne sont ici pas prises en compte.

En Suisse, on perçoit souvent la peine de mort comme archaïque. On dit, «les pays qui implémentent encore la peine de mort», comprenant implicitement qu’il n’est qu’une question de temps avant que celle-ci ne soit abolie.

La différence entre un homicide volontaire et involontaire, c’est que dans le deuxième cas, on n’a pas l’intention de tuer. L’Article 117 du Code pénal Suisse condamne comme suit l’homicide par négligence  : «Celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne sera puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire ». L’Article 115 décrit comme suit l’incitation et l’assistance au suicide : «Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire». Tout semble limpide – ces deux actes sont tout autant inacceptables.

Je pense qu’il est on ne peut plus clair qu’on ne donnerait pas un stock de médicaments ou une lame de rasoir à une personne qui nous dit qu’elle cherche à se tuer. Même en cas de doute, même si le risque est infime, même juste pour faire preuve d’une extrême précaution.

Mais on dirait bien qu’en Suisse, quand la lame de rasoir est dans un avion ou quelque part en Grèce, et que l’individu suicidaire ne possède pas de joli petit passeport rouge, les choses sont bien différentes.

C’est un crime, le suicide d’Alireza R. Celui d’Ali Reza H., il y a quatre ans, aussi. Le suicide de Tony (qui s’est donné la mort début janvier dans un foyer à Bernex, un mois après le suicide d’Alireza) aussi.

Je pense qu’il y a mille façons d’aborder cet évènement. Mille façons de condamner le verdict qui a été rendu. J’aborde ici le droit, mais il y aurait tant à dire sur la morale, sur le racisme et la discrimination, sur une survalorisation du bureaucratique et du procédurial face à l’aspect humain, …

Il me semble que toutes ces facettes et ces façons de retourner le problème sont légitimes. Je crois que ce qu’elles soulèvent, c’est une profonde incompréhension, un profond trouble par rapport à ce qui s’est passé. Tourner cet évènement dans tous les sens, essayer de comprendre ce qui s’est passé, comment ça a été rendu possible, pourquoi, ce que ça signifie, je crois que c’est une façon de palier à l’incrédulité qui nous habite quand on est face à cette réalisation :

On aurait pu les empêcher de mourir.

Sont-ils morts «par négligence» de la part du SEM ? A-t-on «prêté assistance» à leur suicide ? Je ne sais pas.

Mais je sais que ça ne va pas, et vous le savez aussi. Je vous invite à continuer à en parler. A soutenir les réfugié.e.x.s, à écouter leurs besoins et leurs revendications. A venir aux manifestations à leur mémoire, et à celles pour leur futur. Je vous invite à vous indigner, de façon malpolie, et à n’accepter aucune réponse. Il n’y a pas d’argument face à la mort de quelqu’un.