Par Sophie Desbiolles, co-présidente Jeunes Vert-e-s et candidate au Conseil National. Tribune rédigée pour le site vote-climat.ch

Le changement climatique, c’est un peu comme le Regio Express entre Lausanne et Genève à l’heure de pointe. Il y a ceux qui n’avaient pas compris, ceux qui ont nié longtemps l’heure du départ, ceux qui croyaient avoir le temps. Ceux-là courent sur le quai pour rattraper leur retard. Certain.e.s montent avec leur vélo, leur valise, trois sacs ou rien du tout. Certain.e.s se précipitent sur les places assises. Certain.e.s se résignent et se placent debout sans essayer. Certain.e.s mettent leur sac sur un siège ou s’étalent sur deux places.

Nous sommes tou.te.s dans le même train même si ce sont des wagons différents. Si le train déraille, certains wagons seront plus touchés que d’autres, mais finalement, personne n’arrivera à destination. Face à ça, l’approche technologique vise à dire que le génie humain permettra de rajouter des wagons. L’approche néo-malthusienne dira qu’il y a trop de passagers pour le nombre de wagons. En vrai, nous ne pouvons ni rajouter des wagons ni jeter des personnes par les fenêtres.  

Il est nécessaire d’avoir une politique de déclassement et de réarrangement. Réattribuer les sièges de façon équitable et juste pour que tout le monde ait sa place assise. Plus besoin de se tenir debout sur la poubelle ou assis sur les marches dans le passage. N’en déplaise aux premières classes, leurs places prenne trop d’espace. Comment ne pas être dérangé devant le spectacle de personnes amassées en tas alors que tant de sièges sont vides ?

La tendance globale serait à verrouiller les espaces entre première et seconde pour éviter l’intrusion, laissant la foule s’amasser aux portes. La seule distinction entre les premières et les secondes classes est la capacité de payer et c’est le seul critère qui donne accès à des privilèges.

Alors un jour de grande fréquentation, harassée de fatigue, j’ai craqué. Je me suis assise sur une place de première classe. Pas au milieu du wagon de façon insolente, non, tout au bout, recroquevillée comme une criminelle. Mon geste ne visait aucune revendication politique ou militante. Juste le fait de pouvoir m’asseoir. C’est fascinant de se sentir coupable pour avoir mis les fesses au mauvais endroit. Je me suis remplie de révolte, portée par l’image de Rosa Parks, prête à en découdre avec un contrôleur. Personne n’est venu. Le train s’est désempli. J’ai repris ma place en seconde. Gentille citoyenne bien élevée. Une petite incartade. Et il est là le mal. Je ne suis pas coupable de m’asseoir ailleurs quand c’est le besoin qui m’y pousse.

Alors que nous sommes nombreux.ses dans le train pour la Marche du Climat, j’aimerais inviter les voyageurs à aller s’asseoir où ils le peuvent. L’enjeu dépasse la révolte contre les privilèges de classe. Il s’agit de prendre l’espace que chaque humain a le droit de prendre en tant qu’habitant de cette Terre. Il s’agit de repenser l’équité et la distribution dans un train bien rempli mais magnifique. Il peut tou.te.s nous accueillir.