Par Lisa Mazzone, conseillère aux Etats. Cette chronique est parue dans le Journal Le Temps le 11 mai 2020

Tenue la semaine dernière, elle s’est achevée avec un sentiment… d’inachevé, avec un arrière-goût de kérosène. Toutefois, ce que l’histoire en retiendra n’est pas encore écrit. Les Chambres reprendront leurs quartiers en juin à Bernexpo

«Alors, Bernexpo?» De retour en terres genevoises, l’esprit rompu par les débats parlementaires, je n’ai cessé de répondre à cette question. Ainsi, non contente de soutirer des centaines de milliers de francs de location, la halle d’exposition bernoise se taille une réputation nationale. Pas pour ses qualités propres, mais parce que le parlement, nouvelle vedette du public, y a temporairement élu domicile.

A ma stupéfaction, des inconnus m’ont abordée dans la rue après avoir suivi, derrière leurs écrans et trois heures durant, le soliloque de la chambre de réflexion sur l’état de la nation. Alors, Bernexpo? On raconte dans le Blick qu’une fête clandestine s’y serait tenue dans un local exigu le mardi soir. Au moins, certains auront trouvé du plaisir dans cet endroit. Mais qu’il y ait eu quelque décompensation ne serait pas étonnant, après des séances aux horaires cendrillonnesques, dans des salles gigantesques où l’on entend davantage son propre écho que ses collègues.

La transparence à la peine

Sans compter les frustrations exacerbées par l’état d’exception. En tant que minoritaires, nos voix se sont ainsi trouvées en partie sans visibilité, après que le Conseil des Etats a réintroduit l’anonymat pour une partie des votes. La transparence était de toute façon à la peine, l’accès des journalistes étant fortement restreint.

Et pourtant il était temps que le parlement reprenne ses droits. L’illusion de pensée unique qui a prévalu durant le confinement est malsaine. Confronter les idées, c’est les rendre plus acceptables. Et à défaut d’obtenir gain de cause, se sentir représenté est un pilier de la confiance dans la démocratie. A l’heure du bilan, on compte deux progrès notables, pour les crèches et les médias, un gros cafouillage sur les loyers commerciaux et une belle entourloupe, les 2 milliards pour l’aviation.

Au parlement les risques

Flairant l’appât du pouvoir des parlementaires, le Conseil fédéral leur a gentiment cédé la responsabilité sur ce dossier. Le parlement n’aura rien eu à dire sur les négociations avec les compagnies aériennes, mais assumera le risque pris sur l’argent et l’avenir des contribuables.

Alors, Bernexpo? Tout le monde a droit à une deuxième chance. La halle bernoise n’y fait pas exception, le parlement non plus. Rendez-vous en juin pour trois semaines de session ordinaire, qui ne demandent qu’à être surprenantes.