Cet entretien a été réalisé par Esther Um, co-responsable du groupe de travail Egalité des Vert.e.s genevois.e.s, le 25 novembre 2020.

Il y a plusieurs personnes derrière yana.help, comment est venue l’idée de créer ce projet ?

Avant cela je n’avais jamais participé à un hackathon. Je pensais que c’était réservé à des personnes très intelligentes seules capables de créer des projets extraordinaires. Je ne savais pas que je pouvais aussi être à la hauteur.

Un de nos profs nous avait conseillé pendant le premier confinement de participer à un hackathon suisse (Versus virus) sur la crise Covid-19. Plusieurs thématiques avaient été proposées dont la violence domestique pendant le confinement. Ça devenait une véritable préoccupation avec l’augmentation des cas partout (article). Un groupe s’est constitué autour de cette thématique réunissant plusieurs participant-e-s de l’UNIGE et d’autres cantons. Il a été choisi comme highlight, c’est un peu l’équivalent de gagnant. Quelques semaines après le hackathon suisse, un autre hackathon, le plus grand au monde, s’est organisé en avril 2020 (EUvsVirsus). Le même projet a de nouveau été distingué par les jurys. Ceci a été la preuve que les gens vivaient quelque chose autour de cette problématique, qu’il y avait un manque, que notre projet répondait à un besoin.

Vous êtes donc sorti-e-s du hackathon avec une solution concrète au problème de violence domestique ?

Un hackathon dure 48h. Impossible en ce laps de temps de construire quelque chose de définitif. Notre question était comment on peut aider les personnes enfermées chez elles avec leur agresseur alors qu’elles ont juste un téléphone. Comment les développeurs que nous sommes peuvent fabriquer une solution répondant à cette situation ? Dans le groupe il n’y avait pas que des développeurs mais aussi des personnes en neurosciences, gestion et management, des travailleurs sociaux, ce qui a aidé à explorer largement la thématique et faire des recherches sur les manquements du dispositif actuel. Par exemple, il y a des personnes qui ne sont pas admises à des services ou doivent attendre longtemps l’aide sollicitée. Des personnes isolées n’ont pas à qui parler. Ce constat a permis au groupe de penser à un forum où les personnes pouvaient venir parler de leur situation sans être traçables. On a aussi imaginé une carte avec les acteurs dans le domaine ; des bénévoles expert-e-s qui peuvent écouter les victimes, apporter de l’aide aux différentes étapes de la violence. Voilà comment est né la plateforme yana.help

Et que signifie yana help ?

En fait yana c’est l’abréviation de « you are not alone » qui signifie « tu n’es pas seule » en anglais. Et help c’est « aide » en anglais. Voici la vidéo explicative du projet en anglais :
https://www.youtube.com/watch?v=5xfQ25NhvFY

Comment confirmer au-delà du hackathon que le projet répond à un besoin ?

Alors même que le projet n’était pas avancé, deux fois il a été choisi comme highlight. On nous a demandé des entrevues. Nous avons ressenti du soutien, des gens ont proposé leur aide. Depuis, quand j’en parle à des proches et aux ami-e-s je vois que ça touche. Beaucoup de personnes trouvaient génial qu’il y ait de l’aide rapide et anonyme. Il y a un besoin et des attentes.

Après le hackathon, qu’a fait le groupe ?

Nous avons réalisé que mettre sur pied la plateforme prenait beaucoup de temps. Il fallait donc que les personnes impliquées soient rémunérées. Mais pour avoir des dons il fallait devenir une entité légale, d’où la création de l’association yana.help que je préside. Je gère aussi la partie marketing du projet, et je fais partie du pôle développement et recherche.

Quelles sont les autres parties du projet ?

Il y a le développement de la plateforme. Nous avons des personnes de l’Uni en l’occurrence des étudiant-e-s en Bachelor en systèmes d’information et science des services. Les enseignant-e-s restent à disposition, apportent du soutien quand on en fait la demande.

Il y a aussi le pôle recherche : savoir ce dont les professionnelles qui vont utiliser la plateforme ont besoin. Partir aussi des besoins des victimes. Nous faisons des entrevues pour obtenir ces informations, des ateliers créatifs animés qui permettent de ressortir les besoins par rapport à la plateforme. Des étudiant-e-s en master de psychologie, doctorante en neurosciences analysent les données récoltées pour ressortir les aspects les plus importants. Ensuite l’équipe réfléchit à la manière de répondre aux besoins identifiés.

Avez-vous assez d’aide ?

Non, pas encore. Nous avons reçu de l’argent du hackathon suisse en tant que meilleur projet. Nous recevons aussi quelques dons de particuliers à travers notre page ”Buy us a coffee”. Mais ce n’est pas suffisant, d’où la nécessité de travailler le marketing du projet. Pour nous soutenir on peut faire un versement en ligne ou faire des transferts bancaires à l’association yana.help.

Quelle est ta motivation pour continuer ce projet malgré les obstacles ?

C’est une thématique difficile, un sujet lourd. C’est de là que vient l’envie et la motivation. Voir que des gens en ont besoin. On connaît plusieurs histoires qui donnent des frissons. Savoir que ce projet peut aider des ami-e-s à nous c’est formidable. Le plus important je pense est d’arrêter le cycle de la violence, dès le début. Atteindre des personnes qui ne savent pas qu’elles sont dans une situation dangereuse et donc ne cherchent pas de l’aide.

Des exemples de situation ?

On est amoureuse, pourtant la personne aimée nous coupe des relations sociales ou se montre très protectrice. Elle nous interdit des choses, envahit notre espace privé. C’est un signe : on est manipulé. C’est difficile de voir cela et dire stop quand on est amoureuse. Il faut sortir les personnes des relations toxiques.

Autre chose à ajouter ?

Pour moi c’est très important de parler de l’équipe, de nommer les personnes qui y travaillent :

Marcy Paramonova (moi-même) ; Sara Cousin ; Xoeseko Nyomi ; Manish Kumar ; Nicolas Boeckh ; Valentin Tamone ; Chloé Serugendo ; Estelle Bodenmann ; Tanika Bawa

Comment vous contacter ?

Par notre site de yana.help www.yana.help
email : contact@yana.help
LinkedIN : https://www.linkedin.com/company/yana-help
Instagram : https://www.instagram.com/yana.help_/

Pour l’instant vous travaillez encore au développement du forum sur la plateforme ?

Oui. J’espère qu’elle sera accessible d’ici la fin de l’année. Les personnes pourront parler de leur expérience, recevoir des conseils et du soutien moral des autres personnes, avoir des interventions d’expert-e-s bénévoles et des permanent-e-s.

Il y a déjà des associations qui font ce travail, non ? en quoi yana.help se démarque ?

Oui. On va justement travailler avec ce qu’il y a. Rendre disponible sur notre plateforme tous les services de soutien déjà disponibles. Notre plus c’est la centralisation, l’accessibilité, la proximité. L’accès étant anonyme, les personnes n’auront pas peur de venir exposer leur situation. La plateforme sera disponible d’abord dans les langues nationales et l’anglais. Ensuite nous allons développer la plateforme selon les besoins et pour qu’elle soit toujours plus inclusive. Il y a tellement à faire !

Le mot de la fin Marcy ?

Nous sommes un projet pertinent. Nous voulons montrer que ce que nous faisons est pertinent, le faire connaitre, par exemple avec des living lab comme celui que tu as vécu ce soir (dans le cadre des activités du Collectif pour la Grève féministe autour du 25 novembre). Je pense que si c’était inintéressant vous n’auriez pas donné de votre temps. La collaboration avec la Grève féministe est aussi une approbation du projet. Et pour nous c’est très important. Lorsque la pertinence de ce projet sera claire pour tout le monde, nous n’aurons plus de problème pour obtenir du financement.