Exposé des motifs :

Si le désendettement est une des causes principales de la spirale de la pauvreté s’accompagnant d’effets graves sur la santé physique et mentale des personnes endettées, elle est également une source importante des dépenses cantonales en matière de prise en charge d’aides sociales à Genève comme partout ailleurs en Suisse, les dettes étant un frein à l’accès à l’emploi, entre autres.

Une récente étude a prouvé l’endettement de plus en plus important de la population suisse puisqu’en 2021 l’endettement médian s’élève à 41’500 francs. Ainsi, plus de la moitié des personnes inclue dans les statistiques ont des dettes supérieures à ce montant. Les statistiques 2021 de Dettes Conseils Suisse ont par ailleurs démontré que ces 41’500 francs de dettes médianes représentent « la valeur la plus élevée enregistrée de 2016 et une augmentation d’environ 7% »

Ce lien entre endettement et pauvreté a été confirmé par une étude du Centre de recherches conjoncturelles de l’EPFZ de 2021. « La charge de la dette a principalement augmenté chez les personnes aux revenus les plus bas, qui étaient par exemple en chômage partiel durant la pandémie »

Alors, qu’en est-il en Ville de Genève ? Selon les chiffres de l’agence de renseignement économique Crif AG divulgués par la Tribune de Genève et qui recensent les communes disposant d’un nombre important de débiteurs et de débitrices, la Ville se trouve dans une situation alarmante. En effet, notre commune disposerait de près d’une personne endettée sur 10, soit 22’188 habitant-e-s sur 203’951 résident-e-es.

Si la Loi sur l’Aide Sociale (L 9676) était censée donner les moyens aux autorités d’endiguer ce phénomène et d’accompagner les débiteurs et débitrices, les autorités cantonales s’activent aujourd’hui afin de doter notre canton d’une loi qui va instaurer un cadre légal pour combattre ce fléau . Il en va aussi de même pour le projet de loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité (LASLP) dont les débiteurs et débitrices dépendent beaucoup. Le Conseil d’État vient de présenter ce projet de loi en mai dernier. Les médias rappellent d’ailleurs que « le nombre de dossiers à l’aide sociale genevoise a connu une hausse de 76% depuis 2012 alors que, sur la même période, la population n’a augmenté que de 9,6%. Quant à la durée d’aide, elle est passée d’une moyenne de 44 à 54 mois entre 2015 et 2020 ». Une situation éminemment préoccupante puisque bon nombre de ces personnes à l’assistance sociale sont criblées de dettes et dans une spirale difficilement arrêtable qui coûte cher aux finances publiques et à la société plus en général.

Si la situation est alarmante, qu’en est-il du côté des communes ? Certaines communes genevoises particulièrement touchées par ce phénomène, et disposant de services sociaux communaux, ont mis en place des permanences pour le désendettement en partenariat avec la Fondation genevoise de désendettement (FgD) afin de recevoir les personnes souhaitant trouver une solution à leur situation d’endettement. « Après analyse des situations financières et sociales, la FgD contracte avec les personnes éligibles des prêts sans intérêts, éventuellement complétés par des dons, afin de solder leur dette auprès des créanciers. Cela leur permet d’éviter des charges financières toujours plus lourdes et de reprendre la maîtrise de leur budget personnel ». Il s’agit des communes de Plan-les-Ouates, Meyrin, Lancy, Vernier, Thônex, Carouge et Onex.

Ces programmes visent à aider une population particulièrement touchée par l’endettement et la pauvreté, en particulier les 18-25 ans puisque 80% des personnes endettés ont contracté leurs dettes avant l’âge de 25 ans. Ces guichets de proximité permettent bien évidemment un ancrage local et un prolongement des prestations sociales communales dans l’optique d’identifier et traiter l’endettement des communier-ères au plus tôt et d’éviter la fameuse spirale couteuse que l’on connaît. Ce travail d’accompagnement précoce permettra aussi d’identifier des situations de non-recours aux prestations sociales comme c’est le cas pour nombreuses personnes endettées dans la précarité comme le démontre une étude de la Haute école de travail social de Genève (HETS) et la Haute école de santé de Genève (HEdS) et commandée par la Ville de Genève . En effet, ces communes offrent des prestations sociales au sens large, incluant notamment l’accompagnement individuel en gestion de budget et le renforcement de l’accès aux aides sociales cantonales et fédérales.

Enfin, il s’agit de rappeler à quel point l’endettement peut toucher n’importe quelle personne de manière globale et produire une chute très rapide ayant des conséquences graves. Ce sont les moments charnières de l’existence (perte d’emploi, séparation, maladie) qui peuvent mener à un endettement rapide et à une perte de maîtrise liée au cumul des dettes, intérêts et frais de procédures. Ces situations ont de nombreuses conséquences personnelles, notamment en matière de logement et de santé, et génèrent des coûts importants pour la collectivité.

La mise en place d’une permanence de désendettement en Ville de Genève, en lien étroit avec un renforcement du service social communal, permettrait d’intervenir rapidement auprès des personnes concernées, afin de les accompagner vers un désendettement durable.

Considérant :

  • La Loi sur l’Aide Sociale (L 9676),
  • L’Art. 212 de la Constitution genevoise qui prévoit la prise en charge des personnes dans le besoin, encourage la prévoyance et l’entraide, combat la pauvreté et prévient les situations de détresse sociale,
  • Le taux alarmant du nombre de personnes endettés vivant sur le territoire de la Ville de Genève se montant 10,9% pour 203’951 habitant-e-s, soit près de 1 personne sur 10,
  • Les répercussions de ces situations sur le logement, la santé, et les relations sociales des débiteurs et débitrices habitant en Ville de Genève générant par la même des coûts importants pour la collectivité dont la municipalité de la Ville,
  • L’explosion du nombre de dossiers à l’aide sociale genevoise qui a connu une hausse de 76% depuis 2012 ainsi que le rallongement de la durée de l’aide qui est passée d’une moyenne de 44 à 54 mois entre 2015 et 2020,
  • Le risque que représentent ces situations d’endettement tant pour les autorités municipales que cantonales, en particulier pour une catégorie de la population que sont les 18-25 ans puisque 80% des personnes endettées ont contracté leur dette avant l’âge de 25 ans,
  • Les solutions proposées dans certaines communes sous forme de permanences par l’entremise de collaboration de leur service social avec des organismes spécialisés dans le désendettement,
  • Le manque de moyens et l’aggravation de la situation de l’endettement de la population dénoncés par de nombreuses associations et organismes dans le domaine,
  • Les résultats démontrés par les politiques anticipatives de lutte contre l’endettement et l’accompagnement dans le désendettement,
  • Les discussions actuellement en cours au Grand Conseil autour de la loi sur l’aide sociale et la lutte contre la précarité (LASLP) ainsi que la Loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle et leurs impacts financiers sur les finances de la Ville de Genève.

Le Conseil municipal demande au Conseil administratif :

  • La mise en place d’une permanence de désendettement avec les moyens mis à dispositions par des acteurs d’importance tels que la Fondation genevoise de Désendettement, l’Hospice Général, etc.
  • La mise à disposition par la Ville de Genève, d’un accompagnement individuel en matière d’aide sociale et de gestion budgétaire, sans hausse de budget municipal,
  • L’organisation d’une table ronde et la publication des résultats de cet événement sur l’endettement en Ville de Genève rassemblant l’ensemble des acteurs : Canton de Genève, Hospice Général, Association des Communes Genevoises, associations et organismes spécialisés (Caritas, Centre Social Protestant, Fondation genevoise de Désendettement, etc.), organismes représentant les créanciers-ères, etc.