Par Lynn Bertholet, candidate au Grand Conseil et membre du comité des Vert-e-s genevois-es

Cette souffrance, appelée « dysphorie de genre » dans les standards encore appliqués en Suisse, ou « incongruence de genre » dans ceux validés en 2019 par l’OMS, se matérialise le plus souvent par un état dépressif, des automutilations, voire des tentatives de suicide. Les raisons en sont une intégration familiale, scolaire ou professionnelle, et sociale beaucoup plus difficile. Cette souffrance existe aussi bien chez les jeunes que chez les adultes.

Aujourd’hui, la transidentité se trouve dans une situation similaire à celle du réchauffement climatique au début des années 90. Toutes les données scientifiques convergent vers des solutions qui bousculent les habitudes et les a priori. Les solutions sont donc combattues avec beaucoup de mauvaise foi par celles et ceux que cela dérange dans leurs certitudes. On y retrouve les climatosceptiques, les complotistes, les évangélistes et toutes les personnes qui mettent sur pied d’égalité leurs opinions personnelles et le travail des scientifiques. Malheureusement, le thème devient donc politique. Ueli Maurer n’a-t-il pas déclaré le 1er octobre que le genre de la personne qui lui succédera n’avait pas d’importance : « Solange es kein Es ist, geht es ja noch », le « es » étant le pronom utilisé en allemand pour les personnes non binaires.

Depuis 40 ans, la WPATH[1] – Association mondiale des professionnels·les de la santé trans* – étudie les meilleurs moyens de prendre en charge les personnes souffrant de dysphorie de genre. Elle regroupe aujourd’hui plus de 3’500 membres des 5 continents, médecins, généralistes ou spécialistes, psychiatres, psychologues, sociologues, anthropologues et travailleurs sociaux. Près de 1’000 d’entre elles·eux ont tenu à fin septembre à Montréal leur réunion annuelle lors de laquelle a paru la 8e version de standards de soins. Pour l’essentiel cette version, travaillée pendant plus de 10 ans, reprend et renforce l’approche dite « transaffirmative », à savoir être à l’écoute du/de la patient·e, lui présenter les diverses solutions médicales envisageables et l’accompagner. En d’autres termes, faire de la médecine basée sur des études scientifiques revues et confrontées par des pairs comme pour les autres prises en charge médicales.

Sur mandat du bureau de promotion de l’égalité et de prévention des violences, une association genevoise, par et pour les personnes trans*, a organisé en collaboration avec l’Université de Genève et les HUG un colloque international sur la santé des personnes trans* du 5 au 8 octobre. Ce colloque, le premier en Suisse d’une telle importance, a réuni plus de 30 spécialistes internationaux et locaux pour aborder les principaux thèmes qui font que la santé des personnes trans* est significativement moins bonne que celle du reste de la population au point d’en faire une question de santé publique.

Pour ces raisons, trois conseillers d’État, le ministre de la Santé M. Poggia, celui de la Cohésion sociale M. Apothéloz, et Mme Fontanet, porteuse devant le Grand-Conseil du PL 12843 sur le respect des diversités, ont successivement apporté leur soutien à la tenue de ce séminaire violemment attaqué par une association qui dit avoir une approche « mesurée » des questions de genre. Pourtant les deux idéologues sur lesquelles se basent les arguments de cette association avaient été invitées le 10 mai à prendre la parole le 8 octobre lors de la table ronde organisée sur le sujet « transidentité : un effet de mode ? », invitation qu’elles ont déclinée.

De même, les deux représentantes de ladite association auraient pu, le vendredi soir à la FER, poser des questions, voire opposer leurs arguments à la professeure Annie Pullen Sansfaçon. Elles se sont tues et n’ont rien trouvé de mieux que de coller des stickers transphobes dans les toilettes et, pour l’une d’elles, d’interpeller vigoureusement dans la rue le Conseiller d’État Apothéloz après son discours.

Elles auraient également pu venir le samedi écouter la professeure de droit Michelle Cottier et la professeure Samia Hurst discuter de l’autodétermination chez les jeunes, ou apporter leur point de vue lors de la table ronde sus évoquée. Elles auraient aussi appris que le taux de regret est d’environ 1% à 3% selon les études, bien inférieur à ce que laissent croire les « mesurés », et qu’il semble être constant dans le temps.

Finalement, le militantisme dont est accusée l’association organisatrice dans le dernier GHI, basé sur les connaissances médicales les plus récentes, vaut mieux qu’une « approche mesurée » dont les arguments ne dépassent pas le cadre des toilettes.

[1] WPATH : World professional association for transgender health