Cédric Jeanneret

Question écrite déposée par Cédric Jeanneret en mai 2024

Texte complet: Q 4004

Exposé de la question:

Si les avantages de la cuisson au gaz sont connus (simplicité, réactivité, etc.) la liste de ses désavantages tend à s’alourdir de manière préoccupante. Or, des alternatives telles que la cuisson à induction offrent un même confort d’utilisation tout en diminuant drastiquement les risques de brûlure, d’inhalation des résidus de combustion ou à un niveau plus global de dépendance énergétique et d’accroissement de l’effet de serre.

Une énergie non-renouvelable qui contribue à la dépendance énergétique de la Suisse et à l’augmentation de l’effet de serre

Malgré son qualificatif de « naturel » le gaz est une énergie issue d’un processus de fossilisation de plusieurs centaines de millions d’années, donc non-renouvelable à l’échelle de la vie humaine. Les principaux gisements de gaz mondiaux se trouvent en Russie, en Iran et au Quatar, pays notablement peu démocratiques. Leur extraction est un vecteur puissant d’accroissement de l’effet de serre, l’impact du relâchement de méthane dans l’atmosphère étant beaucoup plus élevé que celui du CO2 libéré par sa combustion.

Si le biogaz et l’hydrogène offrent des perspectives intéressantes en matière de décarbonation et de relocalisation, leurs potentiels ne dépasseront pas une portion congrue de notre consommation, qu’il sera plus utile de valoriser à des fins de mobilité ou pour alimenter les réseaux de chauffage à distance.

Des risques avérés, en particulier chez les plus jeunes

De récentes études menées par la CLASP (Collaborative Labelling and Appliances Standards Program) et l’institut de recherche scientifique appliquée néerlandais TNO, ont pointé que dans l’ensemble de l’Union Européenne, les cuisinières à gaz pourraient exposer environ 144 millions de personnes à des niveaux de pollution de l’air intérieur qui enfreignent régulièrement les directives européennes sur la qualité de l’air ambiant et les recommandations de l’OMS sur la qualité de l’air. Des polluants comme le dioxyde d’azote et le monoxyde de carbone sont respirés notamment par des enfants augmentant ainsi notablement les risques d’être victimes de maladies respiratoires (source : https://www.clasp.ngo/wp-content/uploads/2023/01/FR_Final-EU-Gas-Report-Phase-I.pdf ).

Une immobilisation de ressources discutable tant au niveau des matériaux et compétences utilisés que des budgets requis

À Genève, le règlement L 5 05.01 d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses (art.79 RCI) datant des années ’80 oblige les concepteurs de bâtiments à installer des conduites de gaz (« Le gaz doit être distribué, en règle générale, dans toutes les cuisines des grandes maisons destinées à l’habitation et, partout où le réseau d’adduction le permet, des petites maisons destinées à l’habitation ». Une fois installées, ces conduites qui ne sont utilisées que par une portion congrue voire nulle de ménages, doivent bien sûr être entretenues, le cas échéant intégralement refaites à intervalles réguliers, afin de garantir leur conformité aux normes de sécurité. On peut estimer que dans de nombreux cas, le remplacement des cuisinières à gaz en place par des cuisinières à induction coûterait bien moins cher que les travaux de réfection des conduites …mais le règlement c’est le règlement et on continue d’installer à grand frais des tuyaux flambants neufs, tout en sachant qu’ils vont transporter de moins en moins de molécules de gaz, les adeptes de ce mode de cuisson étant en régression depuis des décennies.

À l’heure où Genève s’apprête à s’équiper de réseaux thermiques novateurs, synonymes de transition énergétique, est-il vraiment pertinent d’atteler des professionnels qualifiés à ce type de chantiers, alors que notre canton souffre d’un cruel manque de professionnels dans le domaine de la thermique ?

Est-il cohérent d’immobiliser de précieux métaux et savoir-faire, d’empiéter sur les volumes des logements et d’imposer des travaux supplémentaires aux propriétaires et locataires ?

Après avoir réussi à mettre sous toit une législation ambitieuse concernant les indices de chaleur (encore bravo !), il est temps que le gouvernement s’intéresse aux autres consommations d’énergie de nos bâtiments, qui recèlent encore de potentiels d’amélioration importants.

Considérant

  • La diminution programmée de la part des énergies fossiles dans notre mix énergétique
  • La nécessité de limiter le réchauffement climatique et de diminuer la dépendance aux fluides provenant de l’étranger
  • La problématique des maladies respiratoires liée aux émissions des cuisinières à gaz

Je souhaite obtenir des réponses aux questions suivantes

  1. À quelle échéance est-il raisonnable d’envisager que l’art. 79 du Règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses soit abrogé ?
  2. Le cas échéant des incitations appropriées facilitant le passage aux modes de cuisson décarbonnés -notamment lorsque des conduites alimentant des cuisinières à gaz arrivent en fin de vie- seront-elles proposées aux consommatrices et consommateurs finaux ?
  3. Au vu des désavantages et risques encourus, est-il envisageable d’aller plus loin et d’interdire la vente des appareils de cuisson à gaz à Genève ?
  4. Quelles mesures sont prévues pour informer la population et les professionnels sur les risques induits par la cuisson au gaz ?
  5. Au vu de l’urgence climatique, quelles pistes pour accélérer l’évolution de l’appareil réglementaire genevoise, sachant que l’administration s’est saisie de cette question il y a une douzaine d’années ?