Après tout ce que nous avons déjà entendu sur les deux premières résolutions, nous savons que ce que nous dirons ne servira pas beaucoup à ramener à la raison sur ce sujet. Certains aiment pratiquer la méthode coué en politique, et si la méthode du bon docteur coué peut être utile pour certaines pathologies, elle n’est pas d’une grande utilité en politique, elle peut même être dangereuse.

Nous ne pourrons évidemment pas faire changer d’avis les auteurs de cette troisième résolution mais nous pouvons rappeler des faits, rappeler la réalité et rappeler un contexte. D’abord, nous assistons à des déplacements massifs de populations, un exil forcé de centaines de milliers de personnes en quête d’asile, et cela est dû à des guerres et à des systèmes totalitaires terrorisant les populations. La peur de mourir est une très forte motivation à fuir et quand on vous abandonne, que l’Etat qui vous devait protection n’existe pas ou qu’il vous massacre, que personne ne vient à votre aide, il ne reste que la fuite. C’est totalement légitime et, mesdames et messieurs les signataires de ces résolutions, dans ces conditions, vous feriez pareil.

Vous aurez remarqué aussi que la très grande majorité des réfugiés ont fui dans les pays proches : Turquie, Liban, Jordanie, Irak, Egypte, Yémen. Ce sont ces pays qui supportent la charge de l’accueil des réfugiés et ce sont ces pays qu’il faut aider. Tous ces gens ont fui dans des pays proches parce qu’ils espèrent pouvoir rentrer chez eux. Alors, bien sûr, les images du téléjournal montrant ce qui se passe en Europe centrale suscite la peur mais la réalité de l’asile en Suisse est que si nous prenions en charge 6,3% des demandes déposées en Europe jusqu’en 2013, ce chiffre est de moins de 3% en 2015, la valeur la plus faible depuis 15 ans.

La Suisse est quand même dans les premiers rangs du classement des pays d’accueil parce qu’elle est un pays riche de longue tradition humanitaire et qu’elle est donc plus attractive que d’autres. Ces images suscitent la peur mais ceux qui fuient la Syrie, l’Afghanistan, l’Irak, l’Erythrée, la Lybie ou le Yémen fuient la guerre et la terreur et ils ont bien plus peur que vous pour tout abandonner. Car c’est la guerre et la terreur qui fait les réfugiés, il semblerait que vous l’ayez oublié, surtout ceux qui sont enfants de réfugiés et qui ont signé ces résolutions.

C’est vrai que le nombre de nouvelles demandes d’asiles, 34’000 en valeur absolue, est élevé, mais il est inférieur à celui de 1999 lors de la guerre de Kosove qui avait culminé à 58’000. Il faut alors être pragmatique. Nous n’avons pas les moyens de supprimer la guerre et les régimes totalitaires. Sur ce plan là, il faudra par contre être intraitable avec les trafiquants d’arme et les tyrans qui ne doivent eux pas pouvoir trouver en Suisse un havre de paix, ce que nous les Verts demandons depuis longtemps.

Pragmatique, cela signifie accueillir les réfugiés qui se présentent et les accueillir dignement et humainement. Nous avons les moyens de le faire et nous n’avons pas le choix. Et c’est ce qu’a fait le Conseil National le 24 septembre où tous les partis sauf l’UDC ont accepté la réalisation de nouveaux centres fédéraux d’accueil des demandeurs d’asile pour 50 millions de francs. Ceux qui ont refusé cela par contre croient que l’armée aux frontières sera la solution et pourtant ils ont été désavoués hier par leur propre Conseiller fédéral en charge de l’armée qui reconnaît que ce sera une mission impossible, sinon plus coûteuse que l’accueil.

Cette 3ème résolution invite le Conseil d’Etat à signifier par écrit au Conseil fédéral sa détermination à refuser des quotas de migrants imposés par l’Union Européenne à la Confédération. Cette invite est une manipulation et, comme toute manipulation, elle occulte la réalité.

D’abord, l’Union Européenne n’impose pas de quotas à la Suisse, cela c’est la traduction d’un journaliste du Matin. La Commission européenne souhaite que la Suisse participe à la clé de répartition permanente des réfugiés, en tant qu’Etat associé au règlement Dublin, cela a un autre sens et cela rappelle que nous sommes signataires d’un accord avec l’Union Européenne, accord accepté par le peuple et que cela implique des responsabilités. La Suisse profite largement de ces accords pour renvoyer un grand nombre de demandeurs d’asile vers d’autres pays européens alors qu’elle en accepte bien moins en retour.

Si, comme le demande cette résolution, la Suisse menait une politique indépendante et refusait toute collaboration avec l’Union européenne, elle serait exclue du système Dublin. Cela signifierait que tous les demandeurs d’asile déboutés d’une procédure d’asile en Europe convergeraient vers la Suisse, qui devrait examiner leur demande. Il en résulterait alors un nombre d’arrivées considérablement plus élevé qu’aujourd’hui.

Face aux arrivées importantes en Europe, seules des réponses communes élaborées ensemble par les pays européens permettra de trouver des solutions durables. Si chaque pays se retranche derrière ses frontières nationales en tentant de les fermer, ce qui sera de toute façon impossible, alors la situation deviendra totalement incontrôlable du point de vue sanitaire, sécuritaire et du respect des droits humains.

La réalité demande des solutions pragmatiques et responsables. En aucun cas cette résolution n’en est une et nous la rejetterons.