Léo Peterschmitt

Projet de loi déposé par Léo Peterschmitt en septembre 2025.

Texte complet: PL 13695

Exposé des motifs:

Le droit international ne se limite pas à imposer aux États une obligation de ne pas commettre de génocide, il impose aussi à ces derniers à le prévenir.

La Suisse a ratifié la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948. Le premier article de cette convention a été interprété par la Cour internationale de justice comme s’appliquant aussi en l’absence de génocide avéré, dès lors qu’un risque sérieux est identifié. Dans son arrêt publié du 24 février 2007 (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), la Cour précise que l’obligation de prévention du génocide est distincte et autonome de celle de le punir.

En Suisse, l’article 264 du Code pénal réprime le génocide, mais ne prévoit pas de mécanisme administratif de prévention. Le fédéralisme permet aux cantons de mettre en place des mesures de politique publique en conformité avec le droit international.

Ce projet de loi vise à empêcher toute collaboration directe ou indirecte de l’État et des institutions publiques au crime de génocide. Elle entend agir pour protéger l’intégrité économique de l’état et des institutions en refusant l’entretien de relation économique avec des entités qui se rendent complices du génocide en y profitant économiquement.

Genève est le siège de nombreuses institutions internationales et arbore un tissu économique mondial. Nous avons une responsabilité particulière en matière de respect du droit international et humanitaire. L’État et les institutions de droit public ne doivent pas être impliquées indirectement, via différentes relations économiques, à un génocide. Une loi cantonale permet de combler un vide juridique en empêchant l’usage de fonds publics dans des activités potentiellement complices.

Ce projet de loi se fonde donc notamment sur la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, les principes de droit international sur la responsabilité des États, ainsi que sur la Constitution fédérale suisse qui garantit l’autonomie cantonale lorsque le canton agit dans ses compétences. Cette nouvelle loi introduirait une contrainte raisonnable et pondérée à la liberté économique tout en poursuivant un but légitime et conforme aux droits fondamentaux. Elle a les objectifs suivants :

  • Prévenir toute forme de complicité publique à un génocide ;
  • Mettre en œuvre le principe de diligence en matière de droits humains et de droit international humanitaire dans la commande publique ;
  • Éviter l’enrichissement des entités impliquées dans des violations graves du droit international.

La situation en Palestine et notamment à Gaza a conduit de nombreuses expertes et experts internationaux à qualifier la situation d’un acte de génocide. En janvier 2024, la Cour internationale de justice a conclu qu’il existait un risque plausible de génocide à Gaza. La rapporteuse spéciale de l’ONU Francesca Albanese a qualifié la situation de génocidaire en mars 2024. En septembre 2025, une commission d’enquête internationale de l’ONU sur la région conclut qu’Israël commet un génocide en cumulant 4 des 5 critères permettant de qualifier un génocide (un seul suffit pour qu’une action soit définie comme un génocide).

Les témoignages et prises de position des ONG humanitaires, ainsi que les documentations systématiques des exactions perpétuées par l’armée israélienne sont accablantes et mettent en avant le massacre sans distinction des populations civiles, l’utilisation de la faim comme arme de guerre et la volonté génocidaire du gouvernement israélien.

La Suisse est signataire de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, et en tant que canton, Genève est aussi astreint à cette dernière. Selon la Cour de justice, les États signataires ont l’obligation « d’employer tous les moyens raisonnablement à leur disposition pour empêcher autant que possible le génocide » et leur responsabilité peut être engagée si un État partie « a manifestement omis de prendre toutes les mesures pour prévenir le génocide qui étaient en son pouvoir et qui auraient pu contribuer à prévenir le génocide ». Les États doivent aussi s’abstenir d’être complices, incluant la fourniture de moyens permettant ou facilitant la commission du crime. Elle doit inclure une action positive. L’obligation de s’abstenir d’être complice par une aide ou une assistance commence dès que l’État a connaissance de l’existence d’un risque sérieux que le génocide soit commis. Les tristement célèbres enseignements de l’histoire (Procès de Nuremberg, Tribunal pénal international pour le Rwanda, Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Chambres extraordinaires au sein des Tribunaux cambodgiens), doivent transformer la mémoire en action et exiger un engagement fort envers le respect du droit international et de la prévention du génocide.