Par Pascal Peduzzi, Professeur en sciences de l’environnement, Université de Genève.

A la suite de Fukushima, le gouvernement Suisse a décidé de sortir du nucléaire. Maintenant il s’agit de planifier cette sortie et d’investir dans les technologies du futur. Sept points à prendre en compte:

  1. Sécurité: un accident nucléaire affecterait jusqu’à 27% de la surface de la Suisse et 3.7 millions de personnes. Fukushima a démontré que même dans un pays high-tech, un accident était possible entraînant déjà 200 milliards de coûts économiques en plus des impacts sur la population et l’environnement. Le risque d’accident, même faible, n’est pas acceptable au vu des conséquences.
  2. Déchets: L’arrêt des centrales permettra une réduction de 10% des déchets (soit 1.6 milliards d’économie).
  3. Emplois et futur: L’industrie nucléaire étant de toute façon condamnée en Suisse, les centaines de millions injectés dans nos vieilles centrales seraient mieux investis dans les énergies renouvelables. La Suisse pourrait devenir l’un des leaders mondial dans ces technologies et créer des milliers d’emplois durables.
  4. Pas de compensations gigantesques: Les centrales tournent à perte. L’exploitant BKW a déjà décidé de fermer Mühleberg en 2019 pour des raisons économiques. Beznau 1 (la plus vieille du monde et actuellement arrêtée) & 2 ont une rentabilité encore plus faible. En 2014, Leibstadt enregistrait un déficit de 75 millions. Le prix du solaire photovoltaïque (PV) a baissé de 78% en 10 ans, avec une telle chute des prix, les pertes du nucléaire vont s’accentuer. En 2025, le prix du kWh solaire PV devrait se situer entre CHF 0.04 – 0.06, l’éolien sera encore plus bas, largement en-dessous du prix du nucléaire.
  5. Pas de manque d’électricité. Avec deux de nos centrales à l’arrêt (Beznau I et Leibstadt), nous tournons aujourd’hui avec 47% de notre puissance nucléaire en moins et nous n’avons pas de problème d’approvisionnement.Nous avons 12 ans pour remplacer  3278 MW de nucléaire, soit 273 MW par an c’est moins que les 290 MW de solaire PV installé en 2015. La surface de PV annuelle est en augmentation constante et s’accélère.
  6. Nous n’importerons que peu d’électricité du charbon allemand. L’Allemagne a massivement investi dans les énergies renouvelables, mais, elle n’a pas assez de possibilités pour stocker l’excédent et exporte ses pics de production solaire et éolien à des prix cassés. Avec ses barrages, la Suisse pourrait devenir la pile rechargeable verte de l’Europe en emmagasinant une partie du surplus des renouvelables.
  7. L’énergie nucléaire est une énergie égoïste: les bénéfices sont pour les populations actuelles, alors que la gestion des déchets est laissée pour les générations à venir. A l’inverse, les investissements dans les énergies renouvelables bénéficient aux populations actuelles et à venir!