CEP 2252 – RD 1220 – Rapport de la Commission d’enquête parlementaire instituée par la motion 2252, chargée de faire rapport au Grand Conseil sur les dysfonctionnements ayant conduit à la mort d’Adeline M. 

Intervention de M. Boris Calame, député des Verts, le 26 avril 2018.

Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs les Députés,

Trois ans de travaux, des milliers de pages de documents consultés, pour une part extraites avec difficulté des archives de La Pâquerette, et d’autre part remises par les autorités ou encore par les personnes auditionnées.

Septante-six auditions plus d’une centaine de séance de commission et de sous-commission, de très nombreuses heures de lecture individuelles, des débats nourris et respectueux, plusieurs versions du projet de rapport, allant de rien, ou presque, à beaucoup trop pour, au final, arriver au rapport que nous discutons ce jour.

Des travaux confidentiels, avec des commissaires plus ou moins présents, intéressés ou encore impliqués. Pour les Verts, cela a été un engagement constant, entièrement concentré sur l’aboutissement de la mission que vous autres, membres de ce Grand Conseil, avez confiée à la Commission d’enquête parlementaire.

Chaque composante de ce rapport a été longuement analysée et débattue au sein de La CEP, que ce soit sur le fond, mais aussi sur la forme. Conformément à la LRGC, les personnes qui étaient concernées ont pu s’exprimer dans le cadre de la consultation du rapport, ceci avant sa publication finale. Les observations écrites sont d’ailleurs publiées intégralement dans les annexes de notre rapport.

Ces années de travail intenses ont amené au constat principal que l’Etat, au sens large, à effectivement dysfonctionné dans son devoir de protection de l’une de ses collaboratrices, mais aussi que le chemin était tout tracé pour que cela arrive. Ce rapport n’épargne personne, ni le pouvoir politique, ni les entités publiques concernées. Toutefois il ne désigne pas de responsable ad personam, car cela n’était pas notre mandat.

La Pâquerette est née du constat que tout détenus finiraient un jour pas sortir de détention et qu’il fallait, pour certains, plus que pour d’autres, anticiper mieux ces remise en liberté afin de protéger la société de la récidive. La sociothérapie a, dans ce sens, toute sa raison d’être.

La Pâquerette s’est retrouvée, au fil du temps, à fonctionner ou devoir fonctionner de manière autonome. Elle a été délaissée et abandonnée par celles et ceux qui en avait la responsabilité institutionnelle. Coupée de l’extérieur, elle n’avait plus les moyens de contrôles ni la supervision indispensables à son bon fonctionnement. Elle est ainsi partie à la dérive, bien aidée par celles et ceux qui n’ont pas remplis leurs obligations légales, administratives, médicales et morales.

Pourtant, de nombreux signaux d’alerte sont apparus tout au long de l’histoire de La Pâquerette, malheureusement personne n’a su ou voulu les prendre en considération. L’Etat porte de ce fait une responsabilité particulière et bien réelle.

Nous avons pu relevé plus de 100 constats ou dysfonctionnement et plus de 70 recommandations sont adressées aux acteurs institutionnels concernés. Tel est le bilan de nos travaux.

De l’avis des Verts, le mandat donné à la CEP a été remplit par la publication du dit rapport. Certes, il est bien trop tardif, mais complet et critique. Il est étayé par les très nombreux documents en notre possession et corroboré par les auditions réalisées. Il survole l’histoire de La Pâquerette dressant ainsi un portait plus étayé et moins idéalisé, de cette structure, que cela a pu être fait par bon nombre, au fil du temps. Le rapport s’attache également à relever les interactions et dysfonctionnement qu’il y a eu entre le centre et les autres acteurs de la chaîne pénitentiaire.

Le système existant au moment des faits, avec ses règles particulières, a permis l’intégration d’un détenu particulièrement dangereux et multirécidiviste, sans évaluation de sa dangerosité, au sein d’un établissement et un programme qui n’étaient pas prévu pour cela. L’intégration de ce détenu à La Pâquerette et son programme de sorties accompagnées, tous deux proposés par La Pâquerette et validés par le SAPEM, ont été les prémices du drame.

A la lecture du rapport, on constate que les signaux et lanceurs d’alerte ont été nombreux. Dans ce contexte, l’adage qui nous a été relaté, que « Tout ce qui se passe à La Pâquerette, reste à La Pâquerette » apparaît particulièrement inadéquat et totalement inacceptable.

La prise en considération des informations transmises par des lanceurs d’alerte revêt, aux yeux des Verts, une importance toute particulière. Le Grand Conseil traitera prochainement de la question des lanceurs d’alerte et de la protection de ces derniers. Ne vous trompez pas, Mesdames et Messieurs les député-e-s, vous aurez alors, en la matière, une responsabilité toute particulière. Il faudra que cette structure ait une autonomie absolue et une autorité reconnue, il ne s’agira pas de médiation, mais bien d’entendre des personnes qui alertent l’autorité de dysfonctionnement pouvant nuire gravement à l’Etat, à ses agents ou encore à la population.

Pour toutes celles et ceux qui souhaitent mieux cerner les dysfonctionnements politiques et institutionnels qui ont abouti au drame de 2013, ceux-ci sont décrits tout au long du rapport de la CEP. Que dire notamment de l’absence de contrôles internes, que l’Etat se doit pourtant de mettre en place, de la passivité décisionnelle ou encore de l’absence de suivi, pendant toutes ces années, du Conseil d’Etat, du Conseil d’administration et de la direction des HUG, et des autorités pénitentiaires, voir encore de notre Parlement, en tant qu’autorité de haute surveillance ?

Les dysfonctionnements humains et institutionnels qui ont permis la réalisation de ce drame sont graves et inacceptables. Les responsabilités sont multiples, mais bien réelles.

Nous apprenons encore cette semaine, par la bande, que des recommandations importantes, alertant l’autorité de dysfonctionnements dans le cadre de l’établissement et le suivi des dossiers des détenus, viendraient seulement d’êtres mises en œuvre, alors même qu’elles étaient inscrites dans un rapport de l’ICF de 2012. Il devient alors insupportable d’entendre le Conseil d’Etat dire et écrire qu’il ne nous avait pas attendu pour mettre en œuvre la plupart des recommandations de la CEP.

Au vu de ce qui précède, le Groupe des Verts invite la Commission de contrôle de gestion à se saisir du rapport RD 1220, à en assurer le suivi et à vérifier la mise en œuvre des 70 recommandations formulées, puis d’en informer le Grand Conseil au travers d’un rapport spécifique.

J’en finirai avec une pensée personnelle pour la famille et les proches de Madame Adeline M. qui, je l’espère, trouveront au travers de ce rapport et des propos échangés ce jour une forme d’empathie de la part de notre Grand Conseil.