Par Anne Mahrer, Coprésidente des Aînées pour la protection du climat

La semaine du 3 au 7 décembre 2018 a été marquée par un avis de degré 5 en matière de dangers climatiques. En effet, à la COP 24 les Etats tergiversent, à Berne, le Conseil national nous prépare une débâcle climatique avec la loi CO2 et à St-Gall, le Tribunal administratif fédéral (TAF) ne se montre pas plus courageux en rejetant le recours de l’association des Aînées pour la protection du climat contre le refus d’entrer en matière du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC).

Selon le TAF, les femmes de plus de 75 ans ne sont pas touchées plus fortement par les effets du changement climatique que d’autres groupes de population. Cette cour nous refuse ainsi la possibilité de nous défendre contre la violation de nos droits fondamentaux à la vie et à la santé mis en danger par le changement climatique. Un comble alors que l’on a célébré, lundi 10 décembre 2018, les 70 ans de la Déclaration universelle des droits de l’Homme !

Le comité de l’association des Aînées pour la protection du climat examine un possible recours au Tribunal fédéral. L’Assemblée générale extraordinaire le décidera à la mi-janvier 2019.

En novembre 2016, nous avons lancé une action en justice, sous forme d’une requête en faveur du climat, pour faire valoir le droit fondamental à la santé, pour nous, et les générations futures. Cette requête, déposée au Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC), première étape indispensable, avant de saisir la voie judiciaire, a fait l’objet d’une non-entrée en matière de la part du DETEC le 26 avril 2017.

Nous avons contesté cette décision et saisi le Tribunal administratif fédéral, autorité judiciaire de première instance, le 26 mai 2017.

Le 7 décembre 2018, ce dernier a rejeté notre recours. Il se réfugie derrière la recevabilité et ne se prononce pas sur le fond.

Nous attendions de la justice qu’elle se montre plus courageuse à l’égard de notre requête, en la renvoyant à l’instance inférieure, le DETEC, pour qu’il rende une décision adéquate. Il n’en est rien.

La décision du TAF est d’autant plus problématique qu’il contredit l’Accord de Paris que la Suisse a ratifié. Le préambule de l’Accord de Paris mentionne expressément l’importance de la protection du climat pour les droits humains. Si les motifs du TAF ne sont pas remis en question, cela signifie qu’en Suisse, le climat devient un domaine dans lequel les droits fondamentaux ne sont plus appliqués. C’est inacceptable. Les conséquences du réchauffement climatique contreviennent aux droits fondamentaux. Cela n’a jamais été aussi bien documenté qu’aujourd’hui. 

C’est la conclusion à laquelle une autre action en justice pour le climat a permis d’aboutir aux Pays-Bas (Urgenda vs The Netherlands), le 9 octobre 2018. Une cour d’appel néerlandaise a clairement reconnu la relation entre le changement climatique et le droit à la vie et à la santé ; elle en a déduit des exigences minimales sur ce que l’Etat doit faire en matière de protection du climat.

Tous les voyants sont au rouge, le temps des demi-mesures est révolu. On ne pourra pas dire que l’on ne savait pas.

 

Pour celles et ceux qui souhaitent aborder notre action judiciaire sous l’angle juridique, je vous recommande la lecture de la contribution de Raphaël Mahaim : LE JUGE NATIONAL ET « LA VICTIME CLIMATIQUE » : LA VULNÉRABILITÉ DES AÎNÉES EN SUISSE. Ouvrage paru en octobre 2018, sous le titre : Les procès climatiques. Entre le national et l’international / dir. C. Cournil et L. Varison. Paris, A. Pedone, 2018.

Cette publication fait suite au premier colloque international sur les contentieux climatiques qui a eu lieu le 3 novembre 2017 à Paris auquel nous avons participé.