Le 19 mai prochain, la population sera appelée à se prononcer sur la possibilité d’ouvrir les magasins 3 dimanches par an, sans qu’une convention collective de travail (CCT) étendue ne soit nécessaire comme le prévoit le cadre légal actuel.

Alors que la population avait plébiscité en novembre 2016 le contre-projet à l’initiative «Touche pas à mes dimanches» qui prévoyait que les ouvertures dominicales ne pouvaient être accordées qu’en échange d’un dispositif de protection du personnel de vente, la proposition soumise en votation signe tout simplement la fin de tout espoir d’obtenir une convention collective de travail.

De la nécessité d’une CCT étendue pour protéger le personnel de vente

Compte tenu de la faiblesse du droit du travail, une telle convention serait pourtant la seule possibilité pour obtenir une limitation de la flexibilité horaire, comme des samedis de congé ou une limitation de la durée de la journée de travail, qui sont des enjeux cruciaux pour la conciliation entre vie privée et travail comme le souligne Pablo Guscetti, du syndicat Unia. A ce sujet, une vendeuse d’une grande chaîne du commerce de détail témoigne que la situation du personnel de vente s’est fortement dégradée ces 15 dernières années, avec la suppression de jours de congé fixes autrefois garantis pour le personnel avec enfant qui subit aujourd’hui des changements d’horaires aléatoires ne permettant aucune organisation.

Cette limitation à la flexibilité horaire pour permettre la conciliation est d’autant plus importante que le secteur est majoritairement composé de femmes, déjà soumises à une double journée de travail et à la charge mentale qui l’accompagne. Présente pour le Collectif genevois d’organisation de la grève féministe du 14 juin 2019, Camille Selleger indique que celui-ci a pris officiellement position contre la modification légale proposée. Le Collectif refuse une manœuvre qui foule au pied le droit de femmes à exercer leur travail dans de bonnes conditions.

Ouvrir les magasins, c’est déjà possible en se mettant à la table des négociations

Toutes et tous rappellent que les 3 ouvertures dominicales sont déjà possibles selon la loi et qu’il suffit pour cela que les organisations patronales négocient une CCT avec les syndicats représentatifs du secteur, ce qu’elles se refusent à faire depuis plus de 2 ans. Pire, Davide de Filippo du syndicat Sit rappelle que le patronat attaque actuellement sur tous les fronts, puisqu’en plus de la modification légale soumise à votation, les organisations patronales se sont arrangées pour aller chercher une association docile et ne représentant aucun employé de la vente pour signer avec elle une CCT au rabais, ne répondant en aucun cas à la limitation de flexibilité évoquée.

Une fausse réponse à la concurrence transfrontalière qui péjore la situation des petits commerces

Isabelle Pasquier, pour les Verts, rappelle que l’attrait du commerce de détail ne se mesure pas à des questions d’horaires d’ouverture, mais bien à la qualité du service, de l’accueil et des produits qui nécessitent de préserver les commerces de proximité. Elle relève à cet égard que la modification proposée péjore la situation des petits commerces, qui peuvent déjà ouvrir le dimanche sans employer du personnel, ce qui leur permet de se démarquer des grands groupes et de survivre dans un contexte économique difficile. S’agissant de la question du tourisme d’achat, Romain de Sainte-Marie du Parti socialiste relève que l’ouverture des dimanches n’y répond en rien, puisque l’extension des horaires ne fait qu’étaler la consommation dans le temps, faute d’augmenter le pouvoir d’achat. Pour permettre à la population de consommer en Suisse, c’est les salaires qui devraient être augmentés et pas les horaires d’ouverture.

Duper la population, ça suffit, non à une loi qui bafoue la volonté populaire !

Jocelyne Haller de Solidarités rappelle également que l’objet soumis à votation le 19 mai n’est que la tête de pont de projets plus vastes de dérégulation des heures d’ouverture des magasins. Un texte prévoyant des horaires étendus à 20 heures du lundi au samedi est en effet à l’ordre du jour du Grand Conseil. C’est la tactique du salami: on divise le processus de libéralisation pour mieux tromper la vigilance de la population. Or, s’ils devaient être acceptés, les 3 dimanches ou les 20 heures auraient aussi des répercussions sur d’autres secteurs professionnels qui devraient s’adapter.

Jean-David Christinat du Parti du travail conclut en rappelant que faire voter la population plusieurs fois sur des sujets où elle s’est déjà prononcée revient à piétiner la volonté populaire. Gageons que, comme sur d’autres sujets, celle-ci saura rappeler avec vigueur que ses choix doivent être respectés.