Par Valentin Dujoux,candidat au Conseil National. Texte paru dans son blog de la Tribune de Genève le 10 juillet 2019.

En Suisse, les SUV représentent près d’une voiture immatriculée sur deux. Entre moteurs hybrides et modèles surpuissants, ces nouveaux véhicules sont de plus en plus visibles en ville alors qu’ils représentent des dangers multiples. Taxer les voitures selon leur poids, parlons-en.

L’automobile, reflet de notre société

Il y a un siècle, les voitures commençaient à être produites en série, notamment à travers la conception de la Ford T. Dans les années 1950, la Coccinelle de Volkswagen, la Fiat 500 ou la Trabant faisaient leur apparition et ancraient durablement la voiture comme moyen de transport destiné aux loisirs et à la liberté.

Au début des années 2000, le low cost fait son entrée fracassante dans l’automobile avec la fameuse Dacia. La voiture est alors accessible à tou-te-s, même aux plus démuni-e-s qui se retrouvent ensuite enfermé-e-s dans un cercle vicieux, comprimé-e-s entre assurances, maintenance et essence.

Aujourd’hui, les voitures électriques font leur apparition et essayent de se faire une place entre conscience écologique et dépendance problématique au pétrole. Les évolutions du marché de l’automobile sont donc visibles, marquent les esprits et traduisent les évolutions de nos modes de vie.

À rebours du bon sens

Une voiture, c’est – paraît-il – le reflet d’un certain mode de vie ou d’un éventuel statut social. Certes. Mais là où la logique voudrait que l’électrique se développe et que la tendance soit aux petits modèles peu gourmands et facilement maniables, une autre fièvre gagne les automobilistes.

A l’opposé du bon sens émergent les SUV, les Sport Utility Vehicle.Présentés comme étant la nécessité pour répondre à tous les ‘‘besoins’’, ces véhicules urbains de plusieurs tonnes permettraient de partir facilement en week-end dans des contrées reculées, tout en associant sécurité et confort pour ses occupant-e-s.

Sur le marché suisse, les véhicules sont toujours plus gros, plus hauts et plus puissants semblent convaincre. Au point qu’en 2017, les SUV représentaient pratiquement une voiture sur deux immatriculée en Suisse. Avec une moyenne de 137,3 grammes de CO2par kilomètre, la Suisse est même la championne européenne des voitures les moins économes. C’est deux fois plus que la Norvège, pays qui a le parc automobile le plus économe d’Europe.

Le SUV, une triple aberration

Certes, certains SUV sont hybrides et d’autres fonctionnent aux ‘biocarburants’. Certes, les réglementations évoluent et les nouveaux véhicules polluent moins. Encore faut-il, au passage, éviter de truquer les tests. Mais là n’est même pas la question.

Car il demeure que ces véhicules immatriculés en Suisse circulent … et polluent. En 2017, selon l’Office fédéral de la statistique, les émissions de CO2imputables aux transports (sans le trafic aérien international) représentaient 39% des émissions suisses de dioxyde de carbone. Or, plus un véhicule est lourd, plus il émet de CO2. Et ce triste constat a été établi loin de la réalité de la conduite en centre-ville.

Parce que là encore, l’utilisation des SUV en ville pose une triple aberration. D’abord, il est question de sécurité. Quelle est la chance qu’un enfant ou un senior survive en cas de collision ? Ensuite, se pose la question des coûts. En effet, ces voitures de plus en plus grosses et hautes obligent les collectivités publiques à élargir les routes et agrandir les places de stationnement. Est-ce à la collectivité – et donc aux citoyen-ne-s – de payer pour que ces mastodontes motorisés aient la place de circuler ? Enfin, d’un point de vue purement rationnel, fait-il sens de faire circuler un individu de 80 kg dans un véhicule d’une tonne et demie ?

En attendant des mesures politiques

A l’heure de la crise climatique, au moment où l’on rappelle que la pollution tue et alors que l’on insiste sur le fait que les mesures individuelles comptent, renoncer au SUV serait un premier pas important et empli de bon sens.

Et si la responsabilité individuelle, si chère à certain-e-s, met trop de temps à prendre ce virage, il ne fait aucun doute que la politique s’emparera de cette thématique. Le temps des fausses promesses et des demi-mesures est révolu. Il y a dix ans, les Jeunes Vert-e-s récoltaient 147’000 signatures pour leur ‘initiative anti-4×4’. Retirée dans le cadre de la loi sur le CO2, il n’en demeure pas moins que cette problématique n’est aujourd’hui toujours pas réglée. Des cantons comme les Grisons ou Zoug prennent déjà en compte le poids total des véhicules. Et prochainement, c’est Fribourg qui proposera une loi visant à taxer les automobilistes en fonction de la puissance de leurs véhicules. Car si les taxes agacent, il en va tout autant en ce qui concerne l’entêtement de certain-e-s.

Taxer les voitures selon leur poids, oui parlons-en. Parce qu’il est insupportable que certain-e-s repensent leur mobilité tandis que d’autres appuient sur l’accélérateur. Il en va de notre sécurité, de notre environnement et de notre santé.