Par Valentin Dujoux, co-président des Jeunes Vert-e-s et candidat au Conseil National. Texte paru dans son blog de la TdG le 3 octobre 2019.

Avec le référendum et l’initiative populaire, la représentation de milice est un pilier sacro-saint de notre système politique suisse.  A l’Assemblée fédérale, il ne reste pourtant plus qu’un-e élu-e sur 10 au Conseil National consacrant moins de 30% de leur temps de travail à leur rôle d’élu-e. Au Conseil des Etats, ces élu-e-s ‘à temps partiel’ ont même complètement disparu. Des élu-e-s de milice, parlons-en.

Faire campagne, une première difficulté

Candidat aux élections fédérales, je réalise avec une certaine violence la difficulté de s’engager pleinement dans ces activités politiques en ayant un emploi à 100%, une activité sportive deux fois par semaine, divers engagements associatifs, et le tout en entretenant, dans un équilibre délicat, une vie privée et sociale.

Car c’est aussi ça, faire campagne ; ce n’est pas qu’apparaître souriant sur les photos et participer à des débats. Il y a du travail en coulisses, des documents à lire, une actualité à laquelle il faut sens cesse s’accrocher et une juste préparation pour chaque intervention se doit d’être assurée.

Avant d’être élu-e, le premier écueil apparaît donc au moment de la campagne. Car si mes journées débutent à 6h15 et se terminent à 23h, celles-ci ne comprennent pas l’organisation d’une vie avec un enfant, ou le soutien à un-e proche malade. Deux éléments qui sont le quotidien, souvent rempli d’imprévus, de nombreuses personnes. Pour faire campagne, il faut pouvoir faire preuve de souplesse, et c’est justement un luxe que beaucoup ne peuvent pas se permettre.

 

Un besoin d’expertise croissant

Sans rentrer dans des détails philosophiques sur la place du politique dans la société, je pense qu’à l’heure actuelle, les élu-e-s de milice sont une chimère que l’on peut poursuivre, tout en acceptant que cette réalité disparaisse petit à petit.

Parmi les élus fédéraux romands qui ne se représentent pas, beaucoup ont manifesté le fait que les dossiers devenaient de plus en plus compliqués. Dominique de Buman (PDC/FR), ancien président du Conseil national, concédait que « certaines lois dépassent le niveau moyen de compétence d’un parlementaire. »

Ceci n’est en rien un aveu de faiblesse, mais bien l’évolution d’un monde qui change. Et la traduction d’un besoin d’avoir un monde politique qui s’adapte pour être à la hauteur des enjeux. Et cela amène à un enjeu certain : le temps à disposition pour travailler sur le fond des dossiers doit être de plus en plus important … limitant drastiquement les heures pouvant être dédiées à une autre activité.

 

Des leviers d’action à actionner

Oui, être élu-e est un choix, tout comme le fait d’être candidat-e. J’en suis parfaitement conscient et ne minimise pas cela. Mais cet engagement politique, c’est aussi un sacrifice pour de nombreuses autres personnes impliquées sincèrement dans la vie politique. Ces personnes, vous ne les verrez pas dans les ‘affaires’ : elles sont sur les stands, lors des assemblées générales ou en train de tracter tôt le matin.

Pour favoriser l’implication de celles et ceux qui le souhaitent, des leviers d’action pourraient être actionnés. Les suppléances, tant au niveau municipal que fédéral (en tout cas au Conseil National) permettraient de soulager (un peu) chaque élu-e. L’instauration d’un Revenu de Base Inconditionnel permettrait également à toute personne souhaitant s’investir pour la cause commune de le faire, peu importe sa situation professionnelle et financière. Enfin, la question de l’accès aux expertises doit-être posée : doit-elle se faire à travers les lobbys, ou par un renforcement des équipes entourant chaque élu-e ?

Comment accepter qu’une femme enceinte qui accoucherait prochainement puisse-t-elle être obligée de venir au Parlement pour voter un sujet essentiel et serré ? Comment accepter que nos élu-e-s démissionnent des Conseils municipaux car les responsabilités sont trop grandes, et le temps à disposition trop limité ? Comment accepter que la politique soit de plus en plus ‘élitiste’ alors qu’elle vise à régler la vie commune ? 

Des élu-e-s de milice, oui parlons-en. Car s’ils sont essentiels dans un système démocratique, les conditions de leur implication sont autant de barrières qu’il nous faudrait atténuer. Il en va tout simplement du bon fonctionnement de nos corps législatifs.