Par Louise Trottet, candidate au Conseil National. Texte paru dans la TdG le 24.09.19

Au mois d’août, le ministre Alain Berset présentait un paquet de mesures pour freiner l’augmentation galopante des coûts de la santé. Parmi celles-ci, l’introduction d’un montant maximal de remboursement pour les génériques et médicaments dont le brevet est échu.

L’idée permettra l’économie de centaines de millions par an. On peut cependant s’interroger sur le grand absent de cette discussion: le prix des médicaments protégés par un brevet. Les nouveaux traitements anticancer remboursés coûtent en moyenne 100 000 francs par patient par an. D’autres traitements prescrits souvent et au long cours, tels que les nouveaux anticoagulants, sont également bien plus chers que ce que le simple retour sur investissement justifierait.

Comment expliquer cela? Plusieurs évidences convergent vers une influence écrasante du lobby pharmaceutique, ainsi qu’un manque de transparence et d’efficacité de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) en matière de fixation des prix: ainsi le montrait encore un rapport de Public Eye en juin 2018. L’évaluation tarifaire des nouveaux médicaments remboursés par la LAMal se base sur les prix du marché américain, où les nouveaux traitements sont en général homologués en premier. Or, selon le magazine «Bilan», Novartis et Roche, les deux géants bâlois de la pharma, pratiquent un lobbying intensif auprès du Congrès américain à hauteur de millions par an, afin de s’assurer un prix maximum sur le marché américain d’abord, et suisse par la suite. Ce prix de lancement des médicaments est décidé en fonction de «coûts R&D» que les pharmas refusent de rendre publics, et ce, alors qu’une bonne partie de l’accumulation de connaissances s’est faite en amont, dans le milieu académique, qui, lui, n’en retirera en général que peu de bénéfices. Un autre facteur qui rentre en ligne de compte est celui du «bénéfice apporté à la société», une notion très floue et éthiquement douteuse: imaginez si cette logique était appliquée à des secteurs comme l’agroalimentaire ou la connaissance…

Le silence autour du lobbying des pharmas suisses outre-Atlantique doit cesser. L’OFSP doit être mieux doté en ressources pour négocier avec l’industrie pharmaceutique, et les méthodes de calcul du prix des nouveaux médicaments revues; mais tout cela ne pourra se faire sans un meilleur contrôle du lobbying pharmaceutique dans notre propre parlement. Les importations parallèles de médicaments sont également une piste à considérer pour faire pression sur les prix et permettraient aussi de pallier les pénuries observées ces dernières années pour certains médicaments. Et quid d’un possible développement de médicaments par le secteur public? Mon âge me donne la licence de rêver un peu…

Le prix des médicaments sous brevet n’est bien évidemment pas la seule variable en cause dans l’explosion des coûts de la santé. Mais cette complexité ne change pas la nécessité qu’il soit réformé: il en va du porte-monnaie des Suisses, ainsi que de la santé de nos malades.