A propos de la mise à jour du Plan directeur cantonal « Genève 2030 »

par Marcellin Barthassat / responsable du GT aménagement & urbanisme

Si la notion de densité est sujette à vives controverses, souvent liées à des à priori, c’est parce qu’elle met en jeu des dimensions sociales, politiques et individuelles. Certains y voient une chance, voir  même une nécessité, pour d’autres une croissance mal maîtrisée. Les deux votations – sur l’aménagement du territoire et sur l’immigration – ont révélé à cet égard d’importantes fractures culturelles et politiques. Dans la logique de la loi sur l’aménagement du territoire (LAT), l’Office fédéral du développement territorial (ARE) recommande une « densification vers l’intérieur des zones d’habitation », notamment en raison de la protection des paysages humanisés. Aussi la mise à jour du Plan directeur cantonal 2030 s’inscrit dans cette exigence de la Confédération.

Le positionnement des Verts sur cette « mise à jour » insiste sur la question de la densité, du paysage, de l’agriculture, des modes de déplacement, du vivre ensemble et de la démocratie (texte accessible ci-dessous).

Au cours des multiples discussions, tant au GT aménagement & urbanisme, qu’au Bureau, puis au Comité, un sérieux questionnement subsiste sur le type de croissance maitrisable et durable qu’il est possible d’assumer. Pour d’aucuns, l’objectif des 50’000 logements à l’horizon 2030 est ambitieux, trop peut-être, évalué comme volontariste risquant de créer des déséquilibres, alors que pour d’autres ce pourrait être une opportunité si la qualité est au rendez-vous.

Faut-il le préciser, cette planification territoriale est la résultante d’une augmentation bien réelle du nombre d’habitants et d’emplois depuis 2008, à un point tel que les prévisions initiales des deux premières générations du Projet d’agglomération (PA1 et PA2) sont aujourd’hui dépassées.

A l’horizon 2035-2040 l’agglomération franco-valdo-genevoise est susceptible de compter plus de 1.2 millions habitants, soit une augmentation de 340’000 estimée par le PA3 déposé à fin 2016 auprès de la Confédération, équivalant à 15’000 habitants supplémentaires par an. C’est dire que le « Grand Genève »  table ainsi sur une situation relativement attractive (si on peut dire)… malgré un contexte économique européen fragile et tendu.

Mais cette région transfrontalière, qui s’étend de l’Espace du Mont-Blanc, au Bassin lémanique, et jusqu’aux plis du Jura, est aussi marquée par d’importantes inégalités sociales et spatiales. Il convient de rappeler ici que Genève est censée prendre une part de 60% des besoins en logements dans l’espace régional (cf. accord transfrontalier sur la répartition des logements).

Dès lors il est donc nécessaire de distinguer « densité et densité » à lancé Margrit Hugentobler du Wohnforum de l’Ecole polytechnique de Zurich, relevant à quel point il nous faut établir et clarifier les différentes qualités à produire dans les quartiers, la ville ou les franges de la périphérie urbaine (Bulletin NIKE, sur Densité N° 4 et 6 / 2016). Il n’y a par conséquent pas de densité « tout court » mais la nécessité d’en débattre en distinguant des catégories de densité, comme celles du bâti (morphologie urbaine), des interactions sociales (espace publics et équipements) ou de la densité des fonctions (mixité et modes de déplacement).

C’est donc bien une combinaison et un équilibre à trouver entre ces différentes catégories, qui vont définir la qualité d’un quartier ou d’une ville respectivement d’un « urbanité ». Autrement dit, la problématique du nombre de logements et d’emplois comme autant de relations interconnectées entre maisons, rues, quartiers, centres urbains et paysages. Les travaux d’Aldo van Eyck, architecte-urbaniste néerlandais[1] (1918-1999), ceux de Bernardo Secchi, architecte italien[2] (1934-2014), tout comme la forte contribution de Thomas Sieverts (1934) sur la notion d’entre-ville[3] peuvent nourrir, stimuler et éclairer les débats au sein des Verts, soucieux d’environnement naturel et construit et de conditions ou qualité de vie.

C’est pourquoi le GT aménagement & urbanisme va poursuivre son travail autour de cette importante thématique de la densité. Un prochain rendez-vous est prévu le 23 mai prochain au Cinévert, à partir du film « La ville dense » réalisé par Patrimoine Suisse. Il sera suivi d’une discussion publique avec des personnalités engagées sur la question. 

 


[1] Aldo van Eyck dans Esthétique du nombre, 1953 avec le Groupe Team Tean

 

[2] Bernardo Secchi dans La ville des riches et la villes des pauvres, 2013, édition MétisPresses

[3] Thomas Sieverts, Entre-ville, une lecture de la Zwischenstadt, 2001, éditions Parenthèses