Des autoroutes qui mènent vers le passé
par Alfonso Gomez, conseiller administratif vert en Ville de Genève – texte paru dans la rubrique face-à-face de la tribune de Genève
En Suisse, un million de personnes souffrent du bruit. Sur son site, l’administration fédérale nous apprend que le trafic routier en est le principal responsable. Et que 90% des personnes touchées vivent dans les grands centres urbains. Genève, connue partout dans le pays pour son trafic perpétuellement congestionné depuis les années 80, ne fait pas exception. En matière d’occupation du sol, les routes accaparent près de 90% (!) des surfaces dévolues aux transports. Le trafic motorisé est aussi responsable de la plus grande part de toutes les émissions de gaz à effet de serre en Suisse. Les coûts externes qui y sont liés – en raison des accidents, des atteintes à la santé et des dommages sur l’environnement qu’il provoque – ont aussi leur chiffre: 19,5 milliards de francs par an, selon un récent rapport. C’est deux fois plus que ce que la Confédération estimait jusqu’à présent.
Pour protéger notre santé et celle de la planète – et je ne vous parle même pas de sécurité! –, la Suisse doit limiter sa circulation. Les Plans climat élaborés à tous les échelons politiques ne disent pas autre chose. Prenez celui du Canton de Genève: l’ambition est de réduire de 40% les déplacements en voiture d’ici à 2030. La Confédération n’est pas en reste, avec ses projections de réduction de 100% des émissions liées au secteur des transports d’ici à 2050.
Et pourtant. Alors que tout indique que l’avenir se jouera ailleurs que dans une voiture individuelle, voilà que le Conseil fédéral, soutenu par la majorité de droite du parlement, nous présente un projet au coût faramineux pour élargir des autoroutes un peu partout sur le territoire. Un peu partout, et surtout là où se trouvent les terres des paysan·ne·s qui nous nourrissent et les zones protégées propices à la biodiversité. Ses propres chiffres – encore eux – sont affolants: ils nous promettent chaque jour, rien que sur l’A1 entre Nyon et Le Vengeron, 44’000 voitures de plus, qui finiront immanquablement leur course dans les villages et les villes alentour. Ces autoroutes ne sont pas construites que l’on prévoit déjà leur saturation dans quelques années. Des prévisions qui font la démonstration de l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui ce modèle.
Les milieux de la santé ont récemment dit leur inquiétude de voir la Confédération s’asseoir sur sa condamnation pour inaction climatique dans l’affaire des Aînées pour le climat. Le Conseil fédéral, ignorant le jugement rendu en avril par la Cour européenne des droits de l’homme, affirme avoir pris toutes les mesures nécessaires pour permettre à la Suisse de remplir ses obligations en la matière. Mais la réalité est tout autre! Le gouvernement annonce des coupes-chocs, notamment dans les budgets liés à la protection du climat et au développement ferroviaire.
Un tel cynisme est tout simplement indigne. Pour nous protéger de davantage de bruit et de pollution, ainsi que des nuisances diverses causées par les routes, il faudra déposer un grand non dans les urnes le 24 novembre.