Echos du Grand Conseil – session des 20-21 novembre : au menu de novembre, autruches, passoires, plantes vertes et pas de nouveaux cadeaux fiscaux sous le sapin pour les plus aisé·e·s
La première session à laquelle a assisté notre nouveau conseiller d’Etat a été colorée et imagée : la droite continue sa politique de l’autruche en matière de climat et d’environnement, le PLR lance la mode de la passoire sur la tête pour justifier l’interdiction des signes religieux au parlement, les plantes vertes s’invitent à la table des rapporteurs et le PLR et l’UDC se prennent une veste avec leurs propositions de nouveaux cadeaux fiscaux pour les privilégié·e·s.
Première session de Nicolas Walder et quelques frissons sur la répartition des départements
La session a été marquée par la première apparition de notre nouveau conseiller d’État sur les bancs du gouvernement, moment symbolique pour lui comme pour notre caucus. Le Grand Conseil devait se prononcer, par voie de résolution, sur la répartition des départements. Alors que Nicolas a dû se battre pour éviter que le département du territoire ne soit davantage démantelé, Le Centre a trouvé le moyen de se plaindre encore et d’exiger que l’agriculture soit transférée à Delphine Bachmann. Heureusement, cette proposition n’a pas été suivie, et il était presque amusant d’observer la droite se tirer dans les pattes après ses déboires électoraux récents.
Pour les Vert·e·s et pour la transition écologique, il reste néanmoins très regrettable que Nicolas ait perdu le domaine de l’énergie, un levier central pour l’action climatique. Nous sommes néanmoins soulagés que le Grand Conseil ait avalisé le compromis – certes imparfait – trouvé collégialement par le Conseil d’État, plutôt que de s’engager dans un jeu dangereux où l’on craignait d’avoir bien plus à perdre qu’à gagner.
Limites planétaires : un avertissement scientifique balayé
L’intervention de Léo Peterschmitt a été l’un des moments forts de la session. Il a rappelé que les limites planétaires sont «comme une prise de sang : et là, la terre est aux soins intensifs». La motion écrite par Marjorie de Chastonay demandait leur intégration dans le plan directeur cantonal 2050, afin d’inscrire la planification genevoise dans les réalités scientifiques.
Malgré l’urgence – l’acidification des océans constituant désormais la 7e limite dépassée –, la majorité de droite a refusé la motion, après l’avoir laissée dormir en commission pendant deux ans et demi. Léo Peterschmitt l’a dénoncé avec force : «C’est une rupture de confiance envers les prochaines générations.»
Son intervention a aussi souligné l’absurdité de l’inaction : «ce parlement, c’est Titanic sans Leonardo DiCaprio et Kate Winslet.» Ce refus confirme l’incapacité de la majorité à intégrer la dimension écologique structurelle dans les politiques publiques, alors même que les indicateurs environnementaux s’effondrent.
Le communiqué des Vert·e·s revient sur ce vote préoccupant.
Interdiction des signes religieux : quand les libéraux restreignent les libertés fondamentales
Le Grand Conseil a adopté une interdiction des signes religieux visibles pour les député·e·s (PL 13035-B), relançant un débat pourtant tranché par la loi sur la laïcité. Yves de Matteis l’a rappelé avec clarté : «Nous ne sommes pas des représentants de l’État, mais du peuple.»
Cette distinction est déterminante, car la neutralité confessionnelle prévue par la loi s’applique uniquement au gouvernement et aux fonctionnaires – pas aux parlementaires.
Avec ce vote, Genève se retrouve isolée. Aucun autre canton suisse n’impose une telle restriction aux élu·e·s, et même la France, pourtant stricte en matière de laïcité, ne l’applique pas à ses député·e·s. Ce choix étonne d’autant plus que la précédente interdiction genevoise a déjà été annulée par la Chambre constitutionnelle. Le texte adopté souffre en outre d’un flou juridique préoccupant : la notion de « signalement d’une appartenance religieuse » ouvre la porte à des interprétations arbitraires, à des discriminations et à une application incohérente selon les cas.
Yves de Matteis a rappelé que cette mesure ne répond à aucun problème concret. Elle porte atteinte à la liberté de conscience, à l’égalité de traitement et au principe même de représentation démocratique.
Relevons que le débat a été marqué par une intervention à la fois gênante et insultante de Céline Zuber-Roy (PLR), qui a choisi de s’affubler d’une passoire en guise de couvre-chef afin d’illustrer son propos – une mise en scène qui n’a pas compensé la pauvreté de l’argumentation, mais on vous laissera juger. Malgré cela, la loi a été acceptée à une très courte majorité : 48 oui contre 46 non ! Tout indique qu’un recours est à nouveau probable et que cette interdiction pourrait, une fois encore, être annulée.
PFAS à l’aéroport : un refus incompréhensible
Le PL 13533, défendu par Céline Bartolomucci, visait une mesure simple : interdire l’usage des PFAS – ces “polluants éternels” – sur la plateforme aéroportuaire. Elle l’a rappelé clairement : «Rien d’extrême. Rien d’idéologique. Juste du bon sens et de la responsabilité.»
Les PFAS ne se dégradent pas, s’accumulent dans les sols, l’eau et les organismes vivants et sont liés à divers cancers et maladies hormonales. À Genève, plus de 150 sites contaminés sont recensés, certains dépassant 400 fois la valeur maximale autorisée. Le Nant d’Avanchet, alimenté par les eaux de l’aéroport, figure parmi les secteurs les plus touchés.
Malgré ces éléments, la majorité de droite a refusé un texte pourtant limité et ciblé, qui demandait uniquement que « l’utilisation de produits contenant des substances per- et polyfluoroalkylées soit interdite sur la plateforme aéroportuaire».
Ce refus soulève de sérieuses questions. Le PL n’exigeait ni révolution structurelle ni investissements massifs, mais une mesure proportionnée de santé publique. Ce vote laisse un vide réglementaire alors que les données scientifiques appellent à une action urgente.
Éclairage des routes : un équilibre entre sécurité et biodiversité
Le débat autour du plan lumière et de la motion 2991 a permis de mettre en avant un compromis équilibré entre sécurité publique, consommation énergétique et protection de la faune nocturne. La majorité a soutenu l’orientation actuelle du Conseil d’Etat, qui combine extinction ciblée, sécurité routière et trame noire sur les routes cantonales. Cédric Jeanneret a rappelé la nécessité de concilier ces enjeux, notamment pour les publics vulnérables. Il a également souligné la dimension symbolique et sensible de l’événement “La Nuit est Belle”, estimant que ces rendez-vous « permettent de dépasser des peurs ancrées en chacun de nous ».
Le débat a mis en évidence l’importance de repenser l’éclairage non seulement comme un service public, mais aussi comme un facteur d’impact écologique direct. La politique genevoise progresse vers une approche fine et différenciée, qui protège les corridors écologiques tout en garantissant la sécurité routière.
Cette démarche représente un modèle de transition pragmatique, fondée sur la science et l’écoute des besoins réels du terrain.
Protection de la Versoix : agir, pas attendre
La motion 2893, portée par Céline Bartolomucci, saluait le travail du Conseil d’État mais rappelait que plusieurs éléments essentiels restent non traités, notamment la décharge des Tattes-de-Bogis, située à proximité de zones alluviales et de marais sensibles en territoire vaudois. Céline Bartolomucci a insisté : « Dans un tel contexte écologique, Genève ne peut pas simplement attendre. »
Le rapport mentionne des prises de contact avec le canton de Vaud et la France, mais pas de position forte pour défendre la rivière. Or la Versoix traverse un bassin écologique transfrontalier particulièrement fragile, où les décisions des cantons voisins contrecarrent parfois les efforts genevois en matière de valorisation des matériaux et de réduction des déblais.
Cette contradiction est centrale : alors que Genève réduit les décharges, le canton de Vaud et la France en multiplient dans la même zone, générant des impacts directs sur la rivière.
Les Vert·e·s ont demandé un renvoi du rapport au Conseil d’Etat afin d’obtenir une stratégie cohérente, proactive et transfrontalière, nécessaire à la protection durable de ce corridor écologique majeur, et ont été suivis par la majorité du parlement.
Gouvernance numérique : Genève s’appuie sur son écosystème quantique
La motion 3079-A visait à renforcer l’ambition numérique du canton. L’intervention d’Angèle-Marie Habiyakare a permis d’y intégrer un amendement stratégique : s’appuyer explicitement sur l’écosystème quantique genevois pour asseoir la légitimité internationale du canton.
Elle a rappelé les acteurs clés : ID Quantique, le Geneva Quantum Network inauguré en octobre, le GESDA et l’Open Quantum Institute. Elle a souligné que les technologies quantiques offrent « des garanties inédites de sécurité et d’intégrité pour les échanges numériques ».
En cette année marquant les 100 ans de la physique quantique, l’amendement propose d’ancrer la stratégie de gouvernance numérique dans une approche innovante, éthique et souveraine. Cette orientation positionne Genève comme un territoire pionnier capable d’influencer les standards internationaux en matière de cybersécurité, d’intégrité numérique et de diplomatie technologique. L’amendement a été adopté, renforçant le positionnement du canton comme acteur clé de la gouvernance numérique mondiale.
Google au DIP : une contradiction politique majeure
Le rapport du Conseil d’État sur le pétition 2235 demandant d’étudier la possibilité d’utiliser des alternatives à Google Workspace dans l’instruction publique reconnaît clairement que l’outil ne respecte pas trois principes fondamentaux : protection des données, intégrité numérique et souveraineté numérique.
Pourtant, le gouvernement estime que la transition vers une alternative «ne constitue pas une priorité immédiate». Céline Bartolomucci a relevé la contradiction: «Comment admettre qu’un système ne respecte pas des principes constitutionnels et décider de ne pas agir ?»
Elle a rappelé que des milliers d’élèves mineurs, soumis à l’obligation scolaire, utilisent ces outils sans possibilité de choix, alors même que le peuple a soutenu à 94 % l’intégrité numérique en 2023.
Le rapport montre que des alternatives existent, même si elles nécessitent une adaptation. Pour Céline Bartolomucci, il est essentiel d’investir dans une solution et souveraine : «Si c’est gratuit, c’est toi le produit.»
Les Vert·e·s ont demandé le renvoi du rapport afin de garantir que les principes constitutionnels ne restent pas théoriques, mais guident réellement l’action de l’instruction publique. Le reste du Grand Conseil l’a suivi sur cette demande également.
Initiative anti-frontaliers du MCG: répétition et confusion
Louise Trottet est intervenue pour rappeler que l’initiative IN 201 du MCG, «Non aux frontaliers dans les postes stratégiques de l’Etat !» reprend des demandes déjà traitées récemment. Après l’invalidation partielle de l’initative, il ne reste que l’exigence de résidence pour les postes “exerçant la puissance publique”, notion que même le Conseil d’État juge à géométrie variable.
Louise Trottet a souligné l’absurdité de vouloir « supprimer le Grand Genève », comme on effacerait une réalité dérangeante. «Peut-être qu’on pourrait faire la même chose avec le réchauffement climatique ?», a-t-elle lancé, rappelant le refus récent de la droite d’entrer en matière sur la loi CO₂.
Elle a également rappelé l’arsenal déjà en vigueur : obligation de nationalité pour la police et la gendarmerie, la police judiciaire, les agents armés, les enquêteurs de naturalisation… Statistiquement, seuls quelques rares postes seraient concernés par cette initiative. La suite du débat se fera lors de l’étude de cette initiative en commission.
Baisses d’impôts, prise de conscience tardive…
Julien Nicolet-dit-Félix s’est installé confortablement à la table des rapporteur·se·s, accompagné de sa plante verte – après tout, si des passoires y sont admises, pourquoi pas les plantes vertes ? Elle lui a tenu compagnie tout au long des débats sur les sept objets dont il était rapporteur (tantôt de majorité, tantôt de minorité), dont quatre portaient sur des questions fiscales.
Il a rappelé que les baisses d’impôts accordées quand le ciel était bleu ont creusé un déficit que la droite peine désormais à assumer. Or, deux nouveaux projets de loi PLR et UDC proposaient encore des niches fiscales aux plus nantis (PL 12249-B et PL 13194-A). Julien Nicolet-dit-Félix a rappelé que les déductions, par nature, profitent essentiellement aux hauts revenus… et encore plus encore lorsqu’elles portent sur des produits de prévoyance que seuls les plus riches peuvent s’offrir. Le Centre et LJS se rendant à ces arguments, le Grand Conseil a refusé ces objets de peu, reconnaissant qu’une pause en matière de baisses fiscales est devenue indispensable.
Ce vote marque une prise de conscience nécessaire pour protéger les prestations publiques dans un contexte financier tendu et retrouver une trajectoire plus responsable.

Les questions écrites de nos député·e·s
Sophie Bobillier a alerté sur les lacunes graves dans la transmission d’informations concernant les personnes sous curatelle, qui peuvent conduire à des condamnations non contestées et même à des incarcérations évitables. Dilara Bayrak a questionné l’absence de contrôles effectifs, malgré l’interdiction immédiate de vente de puffs confirmée par la justice, ainsi que les stratégies de contournement mises en place par l’industrie via des « puffs 2.0 » quasi identiques aux produits bannis. Philippe de Rougemont met en lumière la décision du Conseil d’État de transférer à la Confédération les autorisations liées au projet FCC du CERN, réduisant les possibilités de recours tout en obligeant le canton à payer pour ce transfert et à assumer d’éventuels coûts d’expropriation. Nous nous réjouissons de lire les réponses du Conseil d’État à ces trois interventions.
Je tire ma révérence et vous dis un immense merci !
Cher·ère·s Vert·e·s, c’est avec une réelle émotion que je vous annonce ma démission du Grand Conseil lors de la session de décembre 2025. Les exigences croissantes de mon activité professionnelle, notamment les nombreux déplacements, ne me permettent plus d’assumer ce mandat avec le sérieux et la présence qu’il mérite. Après mûre réflexion, j’ai choisi de laisser la place à la relève, convaincu qu’elle poursuivra nos combats avec force et engagement. Ces presque huit années au parlement auront été un honneur immense. Je vous remercie pour votre confiance, votre soutien et les moments intenses de militance et de camaraderie qui ont façonné mon engagement. Le parti et notre caucus sont devenus au fil du temps une véritable seconde famille. Je reste profondément attaché à nos valeurs et continuerai à les défendre autrement, tout en restant à disposition pour accompagner la transition.
David Martin
Ancien chef de groupe
Membre de la commission du logement
Membre de la commission d’aménagement