Par Jérôme Strobel, Noé21 et membre du comité des Vert-e-s genevois-es. Ce texte est paru dans la rubrique L’invité du journal La Tribune de Genève (28 février 2024)

Ces dernières années, à Genève, les organisations environnementales s’étaient habituées à collaborer avec les milieux politiques de droite et du centre. Lors des votations les plus importantes, comme les lois fédérales sur l’énergie et le climat, nous avons fait campagne aux côtés du Centre, du PLR et des Vert’libéraux. En interne, nos comités directeurs comptent de plus en plus de femmes et d’hommes issus de ces partis. Était-ce enfin la prise de conscience que le changement climatique et l’effondrement de la biodiversité ne profitent à aucun projet de société, qu’il soit de gauche comme de droite?

Malheureusement, le réveil est douloureux: depuis six mois, la nouvelle majorité du Grand Conseil mène un pilonnage en règle contre chaque projet de transition écologique, même ceux qu’elle soutenait jusqu’ici. Premier acte: en septembre, l’alliance de droite jette à la poubelle trente ans de politique énergétique genevoise, alors que son pragmatisme est défendu par l’ensemble des milieux professionnels. Deuxième acte: en décembre, le Grand Conseil vote un budget au sein duquel sont biffés tous les postes nécessaires pour mener à bien la rénovation des bâtiments de l’État, pour augmenter celle des bâtiments privés ou pour développer les futures lignes de tram, les axes forts vélo et la diamétrale ferroviaire. Troisième acte: en décembre toujours, la commission de l’environnement refuse de doter notre canton d’une loi climat comme c’est le cas dans de nombreux autres cantons et ne cherche même pas à modifier le projet du Conseil d’État.

Or, tirer le frein à main de la transition écologique, c’est se tirer une balle dans le pied: à terme, les actions en faveur du climat devront inéluctablement être menées et les retarder les rendront plus chères et moins efficaces. Nos entreprises ont tout à y perdre: les rénovations et les travaux d’aménagement créent de l’activité, génèrent des emplois locaux, contribuent à la plus-value des actifs pour les propriétaires et favorisent la santé et la qualité de vie de la population.

Ce revirement brutal est d’autant plus incompréhensible qu’il empêche la concrétisation de mesures pourtant largement soutenues par la droite et le centre. Par exemple, en ce qui concerne la rénovation des bâtiments de l’État, en mars le Grand Conseil a voté le crédit d’investissement à l’unanimité, mais en décembre l’alliance de droite a refusé les postes nécessaires pour préparer les projets et mandater les entreprises.

En termes de méthode, les décisions sont prises à l’emporte-pièce. La non-entrée en matière sur la loi climat a ainsi été décidée en plein milieu de travaux parlementaires engagés depuis des mois et deux jours seulement avant la concertation prévue entre milieux économiques et environnementaux. Nos associations, qui ont investi des énergies considérables dans cette démarche, ont été stupéfaites que le dialogue constructif soit piétiné à ce point.

Aujourd’hui, nous appelons la droite et le centre à un sursaut sur la transition écologique. Nous demandons de sortir du dogmatisme et de réinvestir le compromis raisonnable pour proposer des projets qui répondent aux enjeux de notre temps. En cela, la lecture du récent rapport du Conseil pour le climat – dont un des chefs de file est le banquier Patrick Odier – est à recommander: il indique que, sans mesures et moyens supplémentaires, les objectifs climatiques sont inatteignables. Et il demande explicitement au Grand Conseil de «lever tous les obstacles à la mise en œuvre du plan climat cantonal».