Par Valentin Dujoux, candidat au Conseil National. Texte paru dans son blog de la Tribune de Genève le 1er septembre 2019.

La Suisse (via l’AELE) et le Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) se sont entendus sur un accord de libre-échange. Un levier économique puissant, qui se fait pourtant au détriment des ressources naturelles et des populations, notamment en Amazonie. L’accord de libre-échange avec le Mercosur, parlons-en.

Un accord qui tombe au plus mauvais moment

La conclusion d’un accord international, on le sait, c’est long. Encore plus quand les parties liées sont multiples. Néanmoins, la Suisse a conclu une trentaine d’accords de libre-échange avec plusieurs pays et si plusieurs peuvent être discutables (avec l’Indonésie ou la Chine par exemple), celui avec le Mercosur fait sérieusement grincer des dents.

Car sa signature, dans le contexte d’incendies monstrueux, de discussions en faveur de ‘multinationales responsables’ et d’une prise de conscience écologique globale ne peut qu’interpeller. D’autant plus lorsque c’est un Conseiller fédéral UDC, et vigneron de métier, qui vante à quel point cet accord est « très bon ».

Celui-ci permettrait notamment au Mercosur d’exporter davantage de denrées alimentaires (dont une grande partie de viande bovine), ainsi que des produits industriels vers la Suisse. Or, les modes de production et techniques utilisés participent grandement à un désastre écologique.

L’Amazonie, une cible convoitée

La forêt amazonienne, d’une superficie de 5 500 000 km2, est une première victime de ce mode de production à court-terme. A ce titre, elle ne peut être considérée comme un simple espace à rentabiliser puisqu’il s’agit avant tout d’une forêt primaire qui abrite un nombre extraordinaire d’espèces végétales et animales ainsi que 350 à 400 tribus autochtones qui vivent de, et avec, la nature.

La culture sur brûlis, qui consiste à mettre le feu aux espaces pour pouvoir les rendre ensuite fertiles, associée à la déforestation, ne promet aucun avenir radieux. Elle met en danger tout un écosystème, et intègre les paysan-ne-s qui le font dans une cercle infernale dans lequel ils et elles ne pourront ressortir gagnant-e-s.

Les incendies actuels ont une cause humaine, guidée par une logique de profit. Et si près de 6 millions d’hectares sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco, il n’en demeure pas moins que la forêt disparaît un peu plus chaque année.

  

Une autre agriculture est souhaitée

En Suisse, la demande en produits locaux, respectueux de l’environnement et des conditions de travail, est forte. Elle est encore plus marquée en Suisse romande où la population a soutenu à plusieurs reprises des initiatives fédérales allant dans ce sens. L’initiative sur la souveraineté alimentaire a par exemple été acceptée à Genève et dans les cantons de Vaud, du Jura et de Neuchâtel il y a une année. Au même moment, la Suisse romande acceptait à 59,1% l’initiative « Pour des aliments équitables ».

Alors, à quoi bon faire acheminer, par bateau ou par avion, des tonnes de denrées alimentaires qui pourraient – pour une partie – être produites chez nous ? Pourquoi valoriser des techniques de production décriées ou interdites en Suisse ? Pourquoi soutenir un libre-échange aveugle et agressif alors que notre monde agricole rencontre déjà de nombreuses difficultés ?

Au quotidien, il est possible d’agir. Réduire son alimentation animale, d’autant plus lorsqu’elle est transformée, arrêter l’achat d’aliments avec de l’huile de palme et soutenir une agriculture locale sont autant de gestes du quotidien qui peuvent changer les mentalités et les pratiques commerciales.

  

Un levier politique à actionner

Face à la destruction de l’Amazonie pour des intérêts économiques, des alternatives sont possibles. La première, c’est de soutenir le lancement d’un éventuel référendum fédéral. Étant donné les enjeux sociaux, économiques et environnementaux d’un tel accord, la population doit pouvoir donner son avis.

Ensuite, il convient de s’interroger sur les doutes de certains milieux agricoles, l’Union suisse des paysans en tête. Le 24 août dernier, l’USP écrivait même « qu’enl’état, l’USP ne sait pas si elle pourra soutenir l’accord », notamment parce que « la Suisse officielle ferme les yeux sur la pollution de l’environnement, la déforestation des forêts pluviales et les droits des travailleurs dans le cas de produits importés ». Cette mise en garde suffit pour rappeler qu’un accord économique ne peut être signé à tout prix.

Enfin, ce contexte met surtout en avant le rôle du politique. Au Brésil d’abord, il aura fallu moins de 9 mois au président pour montrer ce que les spécialistes politiques annonçaient : son inaction crasse face à l’urgence climatique. Pour rappel, Bolsonaro a, entre autres, autorisé l’utilisation de plus de 200 produits phytosanitaires interdits en Suisse en raison de leur caractères dangereux. En Suisse, c’est le nouveau Parlement qui validera ou non cet accord. Et s’il y a bien une leçon à tirer de tout cela, c’est que les élu-e-s ont de l’importance et peuvent permettre de répondre convenablement, ou non, à l’urgence climatique.

L’accord de libre-échange avec le Mercosur, oui parlons-en. Parce qu’il est inacceptable qu’à l’heure actuelle, des accords économiques pareils soient signés. Il en va de notre responsabilité sur la scène internationale, et de notre crédibilité face à nos paysan-ne-s.