Par François Lefort, Prof HES,  député au Grand Conseil

 Au moment même où vous lisez ces lignes, deux centrales nucléaires suisses, Beznau et Leibstadt sont arrêtées pour raisons de sécurité. Cela représente 46.7% de la production nucléaire suisse mais surtout près de 20% de la production électrique suisse habituelle. C’est comme un début de sortie du nucléaire, il n’y a pas de pénurie, il n’y a pas d’effets sur l’économie du pays, tels que les opposants à l’initiative nous les promettent. C’est comme un début de sortie du nucléaire sauf que ce ne l’est pas vraiment, puisque les propriétaires vont continuer d’injecter des centaines de millions de francs dans ces centrales pour les redémarrer, alors qu’ils pourraient les utiliser pour les arrêter. Ces arrêts  se répèteront probablement en raison du vieillissement des centrales. En cas de sortie du nucléaire, il n’y aura pas de pénurie parce que partout en Europe, les capacités de production d’électricité renouvelable explosent et que le coût réel du kWh renouvelable sera moindre que le coût subventionné du kWh nucléaire.

Ce nucléaire vieillissant est donc cher et représente le plus grand obstacle à la transition énergétique et le plus grand danger pour l’économie, par l’ampleur des ressources qu’il va consommer, pour produire un kWh cher, subventionné et dangereux, pour des installations qu’il faudra encore démanteler, de toute façon comme le prévoit la Stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral. Commencer le processus de sortie du nucléaire plus tôt comme le demande l’initiative est pourtant une chance pour l’économie suisse. Une étude de la Haute école spécialisée de Zürich (1) compare l’Initiative des Verts et la stratégie 20150 et conclut que l’Initiative permettra la création de 5000 à 6000 nouvelles places de travail entre 2017 et 2030, principalement dans le photovoltaïque et le stockage de l’électricité.

L’Agence française de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie a aussi réalisé une étude mesurant les effets économiques d’une transition vers une production électrique 100% renouvelable d’ici 2050, un chemin plus long puisqu’en France le nucléaire représente 75% de l’électricité produite. Le principal effet est une baisse de la facture énergétique soutenant une activité économique supplémentaire, génératrice de  830’000 à 900’000 emplois nouveaux, d’une augmentation du PIB et donc d’une augmentation du revenu. C’est exactement l’effet que la sortie du nucléaire aurait en Suisse, et que l’on peut estimer, toutes proportions gardées à 40 000-50 000 emplois sur la même période. Dans le même domaine, les études de la COP21 estiment que les énergies renouvelables et l’efficience énergétique créeront deux fois plus d’emplois qu’elles n’en supprimeront, dans le nucléaire et le secteur des énergies fossiles.

Ces emplois seront localisés différemment, car ce seront des milliers installations solaires, éoliennes,  géothermiques, à biomasse ou biogaz qui verront le jour et créeront un maillage décentralisé de la production énergétique et du stockage de l’énergie électrique. C’est ce maillage qui offrira une plus grande sécurité d’approvisionnement et une plus grande résilience en cas de crise énergétique. Les conséquences de la sortie programmée du nucléaire verront aussi le redéploiement et l’augmentation des investissements dans les infrastructures de production et de stockage énergétiques et dans le progrès technologique, permettant d’aller plus vite dans la transition énergétique et le remplacement des énergies fossiles pour le transport et le chauffage. Les voitures électriques et les voitures à hydrogène seront la norme d’ici peu, et leur carburant pourra être produit localement à partir de l’énergie électrique renouvelable.

Cette sortie programmée et raisonnée du nucléaire est porteuse d’une économie plus forte et résiliente et d’une amélioration des revenus de la population. Continuer à soutenir le nucléaire nous promet le contraire et des pertes considérables. Le nucléaire est devenu un fardeau pour l’économie, en sortir est une chance pour l’économie, saisissons-la le 27 novembre en votant OUI.

1.        Sperr Nadia & Rohrer Jürg. 2016. Beschäftigungseffekte des geordneten Atomausstiegs in der Schweiz. Forschungsgruppe Erneuerbare Energien. ZHAW Wädenswil. 29 p.