La campagne en faveur de la révision de la Loi sur les démolitions, transformations et rénovations se base sur de nombreux mensonges.

Par François Lefort, député au Grand Conseil

Le lien sur l’article, paru dans l’AGEFI

J’ai reçu dans ma boîte aux lettres un tract signé de l’Association genevoise des locataires progressistes et du Collectif pour des logements à loyer abordable et d’Emmanuelle Guiguet, comme responsable légal de publication. Tant ces deux associations aux dénominations enjôleuses, que la responsable légale sont inconnues  au bataillon des habituels défenseurs des locataires. Toujours les mêmes vieilles ficelles de la manipulation, confusion et diversion, que nous avons vu récemment à l’œuvre avec la création d’une association Proloc sensée protéger le locataire mieux que l’Asloca.

Le message est succinct: valeurs de gauche, oui à plus de logements aux loyers abordables, moins de bureaux – oui, plus de logements – oui, transformer des bureaux vides en logements bon marché – oui.

Et on pourrait presque être d’accord, en tous cas avec les premières lignes, mais pas à la proposition centrale, transformer des bureaux vides en logements bon marché, qui résume la loi 11394 rédigée par le député-bailleur Zacharias et acceptée par une majorité PLR-UDC-MCG et PDC. Cette loi simpliste propose de transformer les surfaces vacantes de bureaux en logements, en modifiant la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d’habitation, la fameuse LDTR, alors que cela est déjà possible, et prétend surtout en faire des logements bon marché.

Malheureusement ce n’est pas la méthode. Car la méthode pour construire plus de logements aux loyers abordables, nous la connaissons tous à droite comme à gauche, c’est de construire du logement, dans les zones de développement, c’est de construire moins de bureaux et plus de logements, c’est de valoriser les zones industrielles en hauteur, chose possible maintenant pour qu’elles puissent aussi y accueillir des bureaux et ne pas concurrencer le logement dans les zones de développement, c’est un ratio de deux logements pour un emploi. La méthode est connue mais elle n’est pas soutenue par ceux-là même qui soutiennent cette loi et ont financé cette mascarade de tract tous-ménages. Elle est connue mais les mêmes promoteurs de cette loi en référendum le 14 juin s’opposent par tous les moyens à la construction de logements.

C’est par exemple le projet de loi 11843 dit des Corbillettes, proposant un déclassement en zone de développement 3 permettant de construire 1500 logements, au nord de l’avenue Casaï, renvoyé 2 fois en commission par la même majorité sous prétexte d’en faire de la zone ordinaire et donc de bloquer ces 1500 logements, c’est aussi 1200 logements aux Grands Esserts bloqué par les magistrats PLR de Veyrier, c’est plus de 2300 logements bloqués depuis 7 ans aux communaux d’Ambilly par les magistrats de l’Entente. Voilà quelques exemples qui doivent donner à réfléchir. Certains bloquent le logement alors que la construction de bureaux n’a pas été bloquée et a conduit, conjoncture économique aidant, à un taux de vacances de plus de 5%. Voilà comment créer des problèmes puis proposer de fausses solutions, on connaît la musique.

Que cache donc alors cette loi 11394 en modifiant un article important de la LDTR? Pas moins qu’une attaque contre la protection des locataires, dont la loi cantonale complète le droit du bail en permettant aux locataires de ne pas se voir imposer d’importantes hausses de loyer après des travaux dans leur logement ou dans leur immeuble. C’est aussi la LDTR qui empêche que les propriétaires transforment des logements en bureaux et puissent ainsi diminuer le nombre d’appartements disponibles pour les locataires, chose commune avant cette loi. C’est aussi la LDTR qui prévoit un contrôle systématique des loyers après travaux par l’administration, protégeant les locataires de hausses injustifiées de loyer, sans besoin de saisir les tribunaux pour faire valoir leurs droits.

La loi 11394 propose donc  de faciliter la mutation de bureaux en logements et vice-versa si nécessaire, mais sans contrôle.

Alors que la LDTR permet déjà de transformer des bureaux en logements, mais en limitant les abus en matière de loyers et de congés, puisque les  loyers de ces logements sont contrôlés pendant au maximum 3 ou 5 ans. Cela permet d’assurer un niveau de loyer accessible à la classe moyenne et aux personnes à faibles revenus, de plafonner les hausses de loyers en cas de futurs travaux et de garantir que ces locataires ne soient pas à la merci de leurs bailleurs qui souhaiteraient retransformer leurs logements en bureaux et, ainsi, les congédier.

Ce que vise cette loi, ce n’est donc pas seulement de faire ce qui est déjà possible sous contrôle, mais bien de le faire en dehors de tout contrôle des loyers pour ces logements, créés à partir de bureaux.

Et là, on comprend que la propagande du tract qui promet des logements bon marché n’est en fait qu’un énorme mensonge, car le vrai but est de faire payer aux futurs locataires de ces bureaux, transformés en logements, les loyers très élevés qu’on ne peut plus obtenir des entreprises, tout en s’assurant de pouvoir réaffecter ces logements en bureaux.

Un autre mensonge est de faire croire que cette loi résoudra la pénurie en créant des logements, alors qu’en fait elle remettra sur le marché tout au plus d’anciens logements transformés en bureaux avant la LDTR. Il est quasi impossible de transformer des immeubles modernes de bureaux en logements, car ils n’ont tout simplement pas été techniquement conçus pour cela et que ces immeubles ne sont simplement pas habitables.

Espérons que les électeurs genevois, majoritairement locataires, voient eux-aussi les gros sabots de ces faux amis de la construction de logement.