Par Antonio Hodgers, Président du Conseil d’Etat et Conseiller d’Etat en charge du Département du territoire (DT)

Alors que mon interview a duré près de 30 minutes, la RTS a fait le choix de réduire ma position à quelques phrases défensives, dénaturant ainsi l’essentiel de mon message sur la question de la nature en ville. Le voici donc:

J’ai repris la question de la nature depuis un an au sein de mon département. J’ai immédiatement fait le constat que celle-ci est encore trop souvent le parent pauvre des projets urbains. C’est pour cela que j’ai rapidement mandaté des orientations nouvelles en la matière, notamment à travers un plan d’arborisation cantonal. Si des nouveaux quartiers sont nécessaires, ceux-ci doivent être de qualité, avec des espaces publics verts. Il faut aussi verdir la « ville ordinaire » aujourd’hui trop dévolue à la voiture, notamment. Créer de la place pour les arbres, c’est leur permettre de se développer au-delà des espaces restreints tant en sous-sol qu’en surface.

Concrètement, les nouveaux objectifs du département portent sur :

  • augmentation de la nature en ville par le soutien financier aux communes
  • durcissement des conditions d’abattages : mettre fin aux abattages de confort, augmenter le taux de compensation en zone villa
  • augmenter les valeurs de compensation financière du parc arboré
  • augmenter les volumes sous-terrains à disposition
  • favoriser les arbitrages en amont en tenant mieux compte du patrimoine arboré (et bâti!)

J’espère avoir un soutien politique large à cette fin, car des choix clairs seront nécessaires. La pression populaire de ces dernières semaines sera très utile pour la concrétisation de ces objectifs.

Concernant l’émission RTS, il est clair que la phrase « on ne peut pas considérer un arbre comme un être vivant » est maladroite. Elle ne reflète ni mon opinion, ni une vérité scientifique. Je voulais évidement dire « un être humain vivant », car pour moi, on ne peut pas philosophiquement donner la même valeur à un arbre qu’un être humain.

Je reviens par ailleurs sur le terme d’ »écolo-égoïsme ». Il ne s’est jamais adressé à l’ensemble des citoyen-ne-s qui sont mobilisé-e-s sur la question de la nature. Evidemment pas ! Cela n’a jamais été dit ainsi, d’ailleurs. L’essentiel des gens mobilisés le sont par un sentiment d’amour envers la nature, que je partage entièrement. Ce terme était uniquement destiné aux quelques personnes qui utilisent la question des arbres comme prétexte pour bloquer la construction de logements et – espèrent-ils – la migration. Elles se reconnaitront. Les PLQ ne représentent que 13% des abattages d’arbres, pourquoi focalisent-ils l’essentiel de leurs critiques ?

Je suis pour une écologie humaniste. Nous devons permettre à chacun-e de vivre dans un logement digne et abordable. Dans un écoquartier, proche d’espaces verts accessibles à toutes et tous. Des quartiers proches du centre, bien desservis en transports publics, qui évitent de devoir renvoyer dans une banlieue dégradée les classes moyennes et populaires.

Il nous faut trouver un équilibre entre l’humain et la nature. Cela passe certainement par une diminution de la voiture et du gaspillage du sol. Il nous faut aussi éviter de déclasser les espaces agricoles et naturels. Par conséquent, il convient de construire la ville en zone déjà bâtie. Cela passe certes par quelques abattages, qui doivent être plus que compensés. Ainsi nous léguerons aux générations futures un territoire plus durable et plus arboré.

Au plaisir d’en discuter, avec peut-être un peu moins d’émotion, mais autant de conviction.